Le média public «Echo Moskvy» a publié un appel au président de la Russie pour exiger sa démission.
«Vous n’avez pas délivré le pays de la dépendance au pétrole. Vous n’avez pas de plan pour sortir de la crise, écrit-on à V. V Poutine. Vous avez commencé la guerre fratricide en Ukraine, et ensuite, la guerre en Syrie, vous avez créé une enclave criminelle au Caucase, vous avez fait de la Russie un épouvantail pour le monde entier, nous sommes brouillés avec nos voisins, et nous n’avons plus aucun allié, les sanctions et la course aux armements provoquée par votre politique sont un lourd fardeau pour notre économie, la morale sociale a chuté plus bas que jamais, les gens ont peur de dire ce qu’ils pensent.»
-«Bien sûr, après votre départ, peuvent survenir des temps difficiles. Mais plus vous resterez longtemps au pouvoir, plus ils seront longs et sanglants. Partez le plus vite possible».
Le président se trompe en croyant que l’électorat le soutient, écrit-on à Vladimir Poutine. En réalité, il n’est pas pour lui :
«Vous avez tort de vous flatter de vos pourcentages élevés dans les sondages, c’est un score dû à la fatigue et à l’absence d’alternative. Celui de Nicolas II, en aout 1914, était sûrement même plus élevé que le vôtre. Les gens s’agenouillaient et baisaient l’ourlet de son vêtement. Mais deux ans plus tard, il y a exactement 99 ans, la monarchie tombait. L’empereur avait laissé échapper la possibilité de commencer, avec des gens raisonnables qui ne souhaitaient de mal ni à lui-même, ni au pays, la réforme d’un système politique archaïque. Ne répétez pas son erreur !»
V. V. Poutine a encore une chance de tout arranger. Et voici comment il doit s’y prendre :
«Vous pouvez, à l’exemple des Polonais, rassembler une table ronde qui discutera des façons de transmettre le pouvoir. Selon sa composition, il sera tout de suite clair si vous cherchez une solution ou voulez seulement gagner du temps. Vous pouvez proclamer le passage de pouvoir pour la période de transition à la Douma et au premier ministre nommé par elle. Il est vrai que, pour que le pays croit à la pureté de vos intentions, vous devez d’abord garantir des élections honnêtes et ne pas empêcher vos adversaires politiques d’entrer au Parlement».
A la fin, on résume ce qui va arriver ensuite :
«Bien sûr, après votre départ, peuvent survenir des temps difficiles. Mais plus vous resterez longtemps au pouvoir, plus ils seront longs et sanglants. Partez le plus vite possible».
…Ce qui est important ici.
L’appel est signé L.I. Gozman. Si ne vous pouvez vous rappeler tout de suite qui c’est, c’est notre homme politique russe. Il fut autrefois vice premier ministre par intérim sous Gaïdar. Il appartient à cette étrange catégorie de politiciens que ne peuvent pas supporter les citoyens de la Russie et qu’ils n’éliraient jamais, mais qui pourtant, de manière paradoxale, restent des politiciens russes en vue. Ils occupent les médias les plus importants, ils publient leurs proclamations dans les Echo Moskvy et les journaux.ru, ils stagnent depuis des années dans les structures de l’état (L.I. Gozman, disons-le, a reçu pendant 14 ans un salaire dans le bureau de Tchoubaïs), ils font activement fonction, à la télévision, d’opposants aux «loyalistes».
Dans l’ensemble, nous avons devant nous un représentant cristallin de cette partie de l’élite, tombée sous le coup de«l’élitoréduction poutinienne», mais qui a conservé une influence à l’intérieur d’une coterie et en même temps, dans les médias. Et nous sommes complètement en droit de considérer cet appel comme une lettre collective de cette élite «avancée» au chef principal.
Essayer d’analyser les accusations de cette élite à l’adresse du président n’a pas de sens.
On trouvera difficilement quelqu’un capable de fermer les yeux et de se rappeler sérieusement la Russie pré Poutinienne des années 90, en laquelle il n’y avait pas de crise, qui était le point de mire du monde entier, avec laquelle nos voisins étaient amis, et qui avait des alliés, contre laquelle on ne lançait pas de sanctions et que ne cernaient pas les bases militaires du bloc de l’OTAN, où la morale sociale était solide et ainsi de suite. On trouvera difficilement quelqu’un pour fermer les yeux et se rappeler sérieusement une histoire alternative dans laquelle la Tchétchénie des années 90 était paisible et obéissait aux lois, en laquelle la guerre ukrainienne débuta par la brusque intervention des forces armées de la Fédération de Russie, et la syrienne, en octobre de l’année dernière. C’est juste de la poudre aux yeux et du tintamarre pour créer une atmosphère d’angoisse.
Ici, ce qui est intéressant, c’est autre chose. Il semblerait que si V.V. Poutine, c’est Nicolas II à la veille de février, alors il n’y a pas de quoi réclamer sa démission de cette manière hystérique. Il faut attendre un peu, et le pouvoir passera de lui-même entre les mains de «gens raisonnables».
Le truc, c’est qu’ils considèrent comme des êtres humains à part entière les seuls représentants de leur coterie. Et nous autres, vous et moi, nous sommes pour eux l’électorat. Une espèce de tache imprécise qui s’efface dans le lointain, qui est mécontente de quelque chose, ou inspirée par quelque chose. Avec laquelle il faut travailler par l’intermédiaire de techniciens de la politique, et toute espèce de publicité, mais si on en a la possibilité, mieux vaut ne pas s’en approcher du tout.
Mais ce qui est comique, c’est que L.I Gozman et le reste de l’élite de l’opposition sont au courant de leurs réels pourcentages dans les sondages. Et de leurs perspectives réelles. Ils comprennent qu’ils ne recevront jamais plus le pouvoir ailleurs que des mains de V.V. Poutine lui-même. La chance est, bien sûr, extrêmement faible, mais il n’y en a pas d’autres.
Ainsi naît l’exigence paradoxale envers le tyran et le despote d’utiliser tout son pouvoir tyrannique et despotique pour le transmettre à qui de droit. Les mécanismes sont prescrits : d’abord L.I. Gozman et autres citoyens respectés doivent entrer dans le conseil transitoire. Ensuite V.V.Poutine doit organiser leur victoire aux élections. Ensuite lui, V.V. Poutine, doit nommer dans leur milieu un premier-ministre, et c’est seulement après que lui, qu’il en soit ainsi, pourra se retirer.
En gros, le président doit se tirer plus ou moins d’affaire, mais il est obligé, en dépit de la volonté populaire, de transmettre le pouvoir à la coterie de l’élite d’opposition.
Nous pouvons, bien sûr, être perplexes devant ce qui se trame dans la tête de ces gens. Mais de leur point de vue, l’appel est parfaitement normal et raisonnable.
Parce que c’est dans la grande masse des citoyens qu’ils constituent, avec leurs partisans, une minorité négligeable et une erreur statistique. Alors que dans leur propre coterie d’élite, ils ont une position parfaite et presque dominante.
Le truc, c’est qu’ils considèrent comme des êtres humains à part entière les seuls représentants de leur coterie. Et nous autres, vous et moi, nous sommes pour eux l’électorat. Une espèce de tache imprécise qui s’efface dans le lointain, qui est mécontente de quelque chose, ou inspirée par quelque chose. Avec laquelle il faut travailler par l’intermédiaire de techniciens de la politique, et toute espèce de publicité, mais si on en a la possibilité, mieux vaut ne pas s’en approcher du tout.
De sorte que dans leur propre monde, tout est pensé.
C’est justement, au fait, la raison pour laquelle dans le monde réel, ils n’ont aucune chance.
Traduction depuis le russe de Laurence Guillon
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