C’est par un curieux hasard que j’ai pu me rendre ces jours derniers au Parlement européen de Strasbourg. Je n’attendais rien de ce voyage, de cette visite dans un lieu qui dans mon esprit était beaucoup plus la cause de maux que de libertés, de paix et de progrès. Cette Europe qui avait été vendue à nos parents et grands-parents c’était celle de la paix nous disait-on, celle de la prospérité et du bien-être. Lorsqu’elle vit sa naissance avec le Traité de Rome de 1957, elle ne comprenait qu’un embryon de six nations occidentales, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, la France, l’Allemagne et l’Italie. Elle était construite pour assurer la paix dans cette Europe suicidaire, qui durant deux guerres mondiales avait enflammé son territoire puis le monde, causant des destructions et des pertes humaines à des niveaux jamais observés dans toute l’histoire de l’Humanité.
L’Europe c’était donc la paix, une paix d’abord élaborée sur le libre-échange, sur la circulation des biens, bientôt finalement élargit à de nombreux autres pays jusqu’à la chute de l’URSS en 1991. L’histoire a dit qu’elle avait été regardée d’un mauvais œil par les Américains. La vérité est que l’Union européenne fait rire Outre-Atlantique. Dans ce pays immense que sont les Etats-Unis, la conception européenne n’était au plus qu’un moyen de renforcer une Europe campant directement au contact de l’Union soviétique et des pays signataires du Pacte de Varsovie, c’est-à-dire l’ennemi. De tout temps, les USA usèrent donc de leur influence pour pousser discrètement l’Europe dans les directions qu’ils souhaitaient. Il ne fut pas trop difficile de pousser après l’effondrement soviétique à la fois à l’intégration de nations de l’Europe centrale et de l’Est qui avaient été un glacis de défense pour l’URSS, ou simplement un territoire à exploiter. C’est ainsi qu’après avoir participé puissamment à la destruction de la Yougoslavie, l’Union européenne s’installa bientôt aux frontières de la Fédération russe, dans les Pays Baltes, en Pologne, en Slovaquie, en Pologne, en Roumanie et tout le long finalement des frontières soit de la Russie elle-même, soit de l’Ukraine ou de la Biélorussie.
Cette grande ruée vers l’Est s’est déroulée dans l’ignorance presque totale des Européens des conséquences et de la menace potentielle ressentie progressivement par la Russie se réveillant des temps difficiles de l’après URSS. Durant cette période finalement assez courte, l’union de l’Europe s’est aussi réalisée partiellement autour de l’euro sous la direction de l’Allemagne ayant finalement assujetti la France suffisamment pour la reléguer au rang de petit soldat. Cette Allemagne vaincue en 1945 est aujourd’hui l’Etat le plus puissant de l’Europe, avec une solide économie, après avoir avalé non sans quelques difficultés la partie orientale de l’Allemagne qui avait été séparée d’elle par le jeu de l’histoire et de la Guerre froide. C’est aujourd’hui l’Allemagne le chef d’orchestre européen qui manœuvre avec l’assentiment des Etats-Unis et pousse ses pions. Le IVe Reich allemand, pensé durant la fameuse réunion de Strasbourg en août 1944 est aujourd’hui une réalité. Après 70 ans, l’Allemagne est sortie vainqueur devenant incontournable et omniprésente. Si l’Europe politique a été en partie réalisée, l’Europe d’une défense commune n’existe toujours pas, elle ne cesse toutefois de progresser et de menacer de gré ou de force d’autres contrées dans le grand cirque international. L’Europe de la paix aura finalement été celle de la guerre. Malgré le honteux prix Nobel qui fut décerné en 2012 à l’Union européenne, elle aura été celle de destruction de l’Etat yougoslave, des manipulations dans les Balkans et dernièrement en Ukraine. C’est dans ce contexte que je me suis rendu au Parlement européen.
L’antre de l’ennemi… est un lieu somptueux, immense bâtisse circulaire au grandiose qui ne peut faire oublier les méfaits qui sortent quotidiennement de ce bâtiment symbolique. A l’entrée stationnent les plus belles berlines de constructions européennes, Bentley, Audi, Mercedes et autres voitures luxueuses annoncent un peu ce que dut être Versailles dans d’autres temps avec ses carrosses rutilants. L’intérieur de cette fourmilière n’est pas moins clinquant, immense allée parcourant tout l’immeuble, agrémentée de plantes tropicales grimpantes qui s’élèvent quasiment jusqu’au plafond. La démesure au service de l’idéologie et de l’argent. L’accueil est dans le même style, civilités et costumes de grandes marques, signes ostentatoires de richesses, montres et joailleries sont l’apanage de nombreuses personnes que nous croisons. Un Hongrois au français presque parfait nous accueille et va nous servir pendant 40 minutes une explication des bienfaits de l’Europe, du Parlement européen. L’exercice de propagande est bien huilé, l’homme s’exprimant bien dans la langue de Molière est à lui seul un instrument de la volonté de l’Union de montrer les résultats probants et concrets de la « réussite européenne ». Il nous vante bientôt la bonne gestion de l’UE, son coût extrêmement modique, son budget limpide, le peu d’argent consacré au fonctionnement des institutions, seulement 6 % d’un budget établi cette année à 141 milliards d’euros serviraient à l’entretien des bâtiments et aux salaires.
Cet exercice se poursuit par une entrée dans l’hémicycle même, le temple démocratique européen. Nous entrons pour prendre place sur les gradins, assistant au spectacle du parlement derrière quelques vitres et à une bonne hauteur, à la grand’messe européenne. L’endroit est également magistral et impressionne par sa taille. C’est environ 750 députés qui peuvent en effet prendre place dans ce lieu. Le grand prêtre européen, Martin Schulz a ouvert la session de l’après-midi. Il ne restera que dix minutes avant de laisser sa place à ses collaborateurs. C’est que la salle malgré sa majesté, malgré son aura, est presque totalement vide. Un total de 34 sièges sont occupés, seulement 34 des 751 députés sont présents. Pendant que l’un d’eux récite ou lit un discours insipide long de 1 à 4 minutes sur un sujet obscur, personne ne semble prêter intérêt aux envolés lyriques ou aux discours ternes et plats qui ne cessent de se chevaucher. Plus haut, 25 équipes de traducteurs effectuent dans les 25 langues de l’Union européenne des traductions à l’usage des députés mais aussi des visiteurs. En plus de l’aspect totalement ridicule du vide sidéral du bâtiment, le fait que pas plus de 10 ou 15 nationalités soient présentes, font comprendre qu’une bonne dizaine des bureaux de traduction traduisent dans le même vide sidéral des paroles qui ne sont écoutées par personne.
Le burlesque de la situation laisse place à l’écœurement lorsqu’après quelques minutes d’observation, il est clair que chaque intervenant est filmé et photographié en gros plan pour gommer l’absence lourde et sinistre des autres membres de l’Assemblée. Trois personnes en livrée, redingote et chaînette en argent apportent sur un plateau du même métal des verres d’eau à l’équipe qui entourait le Président du Parlement désormais lui aussi absent. Les députés une fois leur discours dissipé dans les limbes ne traînent pas, ils sortent et sont remplacés dans un va-et-vient par un autre, venant à son tour faire entendre sa voix dans une assemblée de fantômes. L’ordonnancement strict, les fonctionnaires aux gestes calculés, la suffisance qui ressort de l’observation sont un constat accablant. Il semble même régner ici une étiquette, à l’entrée des visiteurs, le portrait du chauve et souriant Martin Schulz, à la manière d’un souverain, accueillait tout un chacun. Est-ce donc cela l’antre de la bête ? C’est un sérieux et profond dégoût qui m’habite lorsque j’en sors, profondément écœuré et révolté par ce déni de démocratie, ce spectacle de cirque et de carnaval auquel je viens d’assister. Je ne peux qu’éprouver un vrai malaise, même si les pouvoirs du Parlement sont assurément très faibles et que les vraies décisions se prennent en fait dans les instances de l’opaque et secrète Commission européenne… dont les membres ne sont pas élus au suffrage universel mais ont en réalité tous les pouvoirs de décision. En m’éloignant de cet immeuble criant pas sa masse son pouvoir, je ne peux que me demander, si un jour, comme un certain 14 juillet, ce lieu historique ne serait pas à son tour le sujet de quelque événement ainsi que quelques lignes qui indiqueraient une date et : « Prise du Parlement européen de Strasbourg ».
Laurent Brayard
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Drago
Bienvenue dans le Temple de Baal.
Ça ne fera jamais que… trois fois responsable d’une guerre mondiale !
En combien de fois faudra-t-il disséquer cette Allemagne pour qu’elle comprenne enfin ?
Est-ce que en 2 n’était-il pas suffisant ?
On la dissèquera alors en 4… ou en 6… et même en 8 s’il le faut.