Une attaque terroriste à main armée a été commise, il y a deux jours, à la rédaction du journal « Charlie Hebdo » qui a fait, rien que selon le bilan provisoire, 12 morts. Lors de la réunion extraordinaire du gouvernement, le président de la France François Hollande a qualifié l’incident d’acte terroriste « d’une exceptionnelle barbarie contre les journalistes qui se battent pour la liberté d’expression».
En réalité, – nonobstant d’une extrême inhumanité de l’acte qui n’a pas d’excuses et que personne, ne cherche, d’ailleurs, à excuser – il ne s’agit dans le cas présent ni du journalisme, ni de la liberté d’expression. Il s’agit du fait que si, dans l’inévitable opposition entre la société et la « classe créative », l’Etat n’impose à cette dernière aucun cadre, le déséquilibre conduira inévitablement à une tragédie.
Dans une Etat normal, en cas d’un affrontement supposé entre de quelconques porte-bannières et de quelconques « pussy riot », on envoie en détention pour 24h les uns, tout comme les autres. Danser un french cancan dans des églises est prohibé, mais il est tout aussi prohibé de tabasser à coups des pieds et des battes de baseball ceux qui dansent le french cancan dans des églises est tout aussi prohibé. Ne laissant pas la classe créative impunie et en lui imposant un cadre à sa liberté d’expression, l’Etat protège simultanément cette même classe créative contre un lynchage sommaire.
Maintenant, en ce qui concerne le cas concret de « Charlie Hebdo »…
Rappelons pour commencer que le journal « Charlie hebdo » devient régulièrement l’objet des scandales. Proprement parlant, c’est de ces scandales uniquement qu’elle surnage. La publication des caricatures contre le prophète Mahomet en est le meilleur exemple, à cause des quelles on a déjà fait exploser une bombe à la rédaction quelques années auparavant. On pourrait en avoir l’impression que « Charlie hebdo » est un journal particulièrement antimusulman. Que nenni. Sur ses pages on bafoue tout aussi le christianisme, l’islam, le judaïsme et toute autre religion.
Ou plutôt on insulte. Car, si on publie régulièrement en couverture tantôt une caricature gay-porno sur la sainte Trinité, tantôt un titre en gros « Coran c’est de la merde », ce n’est pas tout à fait de la satire. C’est ce qu’on appelle en cinématographie trash le « genre d’exploitation ». Simplement, les uns exploitent comme sujet « des femmes nues dans une prison sado-maso », et d’autres « si on insultait d’une façon la plus sordide possible quelque chose de sacré aux yeux de certaines personnes, et qu’on rigole bien puisqu’on va s’en tirer à bon compte ».
Une autre impression trompeuse qu’on pourrait en avoir, c’est de croire que le journal « Charlie Hebdo » représente en France ce symbole précieux et vénéré de cette même liberté d’expression dont nous parle monsieur Hollande. En aucun cas. Les Français détestent ce journal, ce qui ne fait que confirmer le don unique dont sa rédaction est dotée pour « cracher dans l’âme » de tout un chacun, indépendamment des convictions politiques ou religieuses de la personne (NDT : nous employons volontairement la traduction mot-à-mot du terme russe car il correspond mieux au point de vue exprimé par l’auteur du texte). Ce qui ne peut pas ne pas se refléter sur les tirages : la veille du Nouvel An, la rédaction a adressé à ses lecteurs un grand article pleurnichard, les appelant à la soutenir avec des dons car sinon, d’après eux, « le journal papier ne pouvait pas faire face à la concurrence des médias électroniques et, depuis longtemps, ne rentrait plus dans ses frais ». Les français ont répondu immédiatement. En suggérant au journal « de crever tout seul dans son coin », de ne pas justifier le fait d’avoir « des bras cassés » par la crise économique et de manière générale « aller se faire foutre ».
Il n’y pas longtemps d’ailleurs, le journal s’est moqué de « Sony Pictures » pour avoir retiré de la diffusion des salles son film controversé « Interview » traitant du sujet de l’attentat contre le leader nord-coréen, suite à des menaces des hackers anonymes. Le journal a déclaré qu’on ne devait pas céder à des menaces infondées et se citait soi-même comme exemple qui résiste avec beaucoup de courage aux menaces et aux injures anonymes réguliers.
Toutes ces explications sont nécessaires comme préface aux spéculations qui suivront inévitablement et massivement lorsqu’on aura pris conscience de ce qui s’est passé. En fait, ce de quoi il faut prendre conscience, c’est que ce n’est pas la liberté d’expression qui s’est faite attaquer, mais une des marques de fabrique du « tout-permis » façon européenne, qui se fait soigneusement passer pour de la liberté d’expression. En Russie de telles marques sont représentées par des messes punks, des copulations dans des musées et des « artdocfests » (NB : le nom du festival du film documentaire d’auteur de Moscou) et en Europe par des « femens » et des caricatures dans des journaux.
Ceci étant, il est évident que pour le journal « Charlie Hebdo », c’était aussi un business et un gagne-pain un peu spéciaux. C’est de cela qu’il faut se rappeler.
Holland parlant de la fusillade de la liberté d’expression en a l’air d’autant plus inepte. Car ce n’est pas elle qui s’est faite fusiller, mais le tout-permis. Ce qui ne justifie en aucun cas ce crime, sordide en soi.
Comment la France vivra ce qui s’est passé n’est pas très intéressant. Ce qui nous intéresse essentiellement c’est une toute autre chose. Le journal « Charlie hebdo » se trouvait sous la protection des autorités à cause de sa réputation scandaleuse et des menaces anonymes qu’il recevait en permanence. Mais les autorités n’ont pas su le protéger contre la fusillade cynique, et en quelque sorte exemplaire, en plein journée.
Par Evgueniï Souper
Source “Odnako“
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