Selon un sondage récemment publié par Russia Today, 15% des Français soutiendraient l’EI. Ce chiffre, exorbitant à première vue, a été vigoureusement critiqué par L’Express qui a pris soin de décortiquer l’enquête en en étalant les détails les plus infimes tant sur un plan technique que substantiel. Non ! Les catégories concernées ne résultent que de l’addition hâtive et maladroite des « très favorables » et « assez favorables ». Nom d’une pipe, « très » et « assez » sont deux adverbes à distinguer de toute urgence ! Qu’en est-il en réalité ?
La mort terrible d’Hervé Cornara, décapité chez lui, en France, dans l’Isère, par un malpropre de sensibilité salafiste, a élargi davantage encore le fossé informationnel qui sépare les élites au pouvoir – les médias aux ordres suivent forcément – du peuple. Il suffit de voir les commentaires de lecteurs postés sous les analyses et interviews proposées par le Monde, le Figaro, l’Express ou Libé pour s’en rendre compte. Néanmoins, réagir sur le papier est une chose, agir en est une autre. La France étant une vaste poudrière dans laquelle se côtoient, interagissant, d’une part, des élites soi-disant néo-libérales ligotées et muselées par leur allégeance aux States, de l’autre, une cinquième colonne hostile à la civilisation chrétienne, on comprend que les Français préfèrent les épanchements d’encre à l’Acte citoyen : qui ne craint pas une guerre civile sur son sol ? Vous direz que j’exagère. Sans blague ? Aux faits, on oppose des chiffres. Marions donc les deux, ils feront bon ménage.
Remarquons déjà que l’Expressne réfute pas les résultats d’une enquête qui d’ailleurs a été menée en 2014 par ICM Research et non pas par Russia Today. L’auteur de l’article indique juste qu’une marge d’erreur de 1 à 3,5% est toujours à prévoir quand il s’agit d’un échantillon de 1000 personnes (1006 en l’occurence). Nous avons bien 3% des Français qui se disent « très favorables »aux agissements de l’EI, 13% d’«assez favorables », 31% d’ « assez défavorables », 31% de « très opposés » et de 23% ignorant l’existence du groupe.Moi qui ai relu plusieurs fois ces chiffres, je me demande si RT n’a pas été trop indulgent dans ses calculs : que penser des « assez défavorables » ? Que dirait-on de quelqu’un, surtout en Europe occidentale, qui reconnaîtrait être « assez défavorable » au programme politique du III Reich ? Est-ce que cela ne signifie pas qu’il le soutient sur certains (plusieurs ?) points ? Recomptabilisons : on obtient 47% d’opinions très ou assez nuancées sur les activités de Daesh ce qui nous amène à constater que près de la moitié des sondés partagent entièrement ou en partie les idées d’un Etat islamiste ultra-violent promoteur d’un Califat limité comme minimum aux frontières de l’Islam médiéval. Si maintenant nous adoptons la stratégie de l’autruche en interprétant les résultats au rabais comme nous a invité à le faire M. Denis Pingaud, ex-vice président d’Opinionway, et en considérant que l’échantillon exploité est représentatif – l’Express le confirme – on découvre que près de 2 millions de sondés résidant en France soutiennent l’EI. Pour l’anecdote, nous avons environ le même nombre de combattants Daesh en Irak et en Syrie. Les sociologues et les psychanalystes nous l’ont bien appris, une fois un certain nombre de conditions réunies, de la sensibilisation au passage à l’acte il n’y a qu’un pas.
Nous en venons maintenant aux étranges conclusionsde M. Alain Rodier, directeur du Centre français de recherche sur le renseignement et auteur de « Grand angle sur le terrorisme ». Sauf mon respect pour cet expert en herbe du terrorisme sous toutes ses sauces et déclinaisons, force est de reconnaître que son intervention surEurope 1 illustre à merveille ce qu’est l’autruchisme bien-pensant des élites politiques et intellectuelles européennes. Selon M. Rodier, Yassin Salhi, le tueur de l’Isère, est tout sauf un terroriste islamiste. Son profil est atypique. Il aurait passé l’âge des Merah, Nemmouche et Kouachi. Il serait socialement intégré car père de trois enfants et en CDI. En voilà un argument intéressant ! Déjà que ce n’est pas gagné au niveau de l’âge – l’aîné des Kouachi est de 80, les deux autres sonttrentenaires –comment ne pas constater que le fait d’avoir des gosses et un CDI ne détermine que très superficiellement le degré d’intégration d’un individu. Après tout, une pneumonie atypique reste toujours une pneumonie. Dieu sait combien est-ce que Daesh compte d’individus atypiques dans ses rangs ! La façon dont l’expert interrogé essaye de relativiser le mobile du meurtre ne puit que déconcerter : « Il [Yassin Salhi] gravitait dans la mouvance salafiste. Mais beaucoup de Français ont des contacts avec cette mouvance radicale et tous ne passent pas à l’acte ». Sans doute devrions-nous pousser un soupir de soulagement comme l’ont fait ceux qui ont commenté le sondage prémentionné en dissociant le « très » du « assez ». Mais autrement, est-ce que M. Rodier a conscience de dévoiler des monstruosités ? Et il a raison de le faire, autant le faire mille fois par jour avant qu’il ne soit trop tard ! Sauf que l’interprétation fournie ne sert qu’à anesthésier les esprits par trop anxieux, à transformer les lucides en alarmistes et les alarmistes en psychopathes. Difficile de ne pas tiquer en apprenant qu’un terroriste ne tue que des inconnus et que, s’il ne porte qu’un couteau et une arme factice, ce n’est forcément pas un terroriste. Abou Mohammed al-Adnani, porte-parole de l’EI, a pourtant été très explicite dans le mode d’emploi qui avait été publié le 22 septembre 2014. En voici les termes : « Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales français – ou un Australien ou un Canadien, ou tout (…) citoyen des pays qui sont entrés dans une coalition contre l’EI, aloirs comptez sur Allah et tuez-le de n’importe quelle manière ». Pour ce qui est des consignes techniques : « Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec votre voiture (…) » etc. Je pense que cette énumération suffit à dissiper les sophismes de M. Rodier. Remarquons aussi que le message cité concerne et les ressortissants des pays de la coalition et les incroyants (ou mécréants) d’une façon générale et il est vrai que de ce point de vue nous avons affaire à un phénomène qui dépasse le cadre de la revendication terroriste classique. Qu’il soit donc dépressif, bipolaire, suicidaire ou autre – évitons de nous livrer aux exercices de psychanalyse tant affectionnés par le mainstream occidental – il est en tout cas certain que M. Salhi s’en est tenu aux injonctions de ses gourous salafistes et que sur le plan des méthodes, il n’a rien inventé.
Un autre attentat, « terroriste » par extension, avait été déjoué à la mi-juillet. Cette fois, ce sont les sites militaires de Colioure et de Port-Vendres qui se sont retrouvés dans le collimateur djihadiste, un militaire gradé devait être décapité devant une caméra. Selon Le Monde, l’attentat avait pu être déjoué grâce à l’intervention, fin juin, du renseignement étranger. Il n’a pas semblé inquiétant à la DGSI que le meneur – quatre individus au total ont été arrêtés – s’était auparavant fait remarquer pour ses liens avec la mouvance islamiste. Mais enfin, puisque beaucoup de Français partagent des liens similaires et que tous ne passent pas à l’action, pourquoi paniquer avant terme ?
On nous dira, non sans raison, que lesdits radicaux ne constituent qu’une infime minorité. C’est en vertu du «surtout pas-d’-amalgame » qu’on nous suppliera de distinguer la grande majorité des musulmans de ces barbares aux longs couteaux. Je partage ces sages recommandations. Comment, dans l’absolu, ne pas les partager quand on sait que les chiites sont les principales victimes de Daesh et que le musulmans du Moyen-Orient, d’Afrique et d’Asie font tout ce qui est en leur pouvoir pour stopper leur avancée ? Néanmoins, il suffit de voir des collégiens et des lycéens fouler la mémoire des morts d’Hebdo, il suffit de concevoir que ces derniers sont nombreux et qu’ils sont censés, dans l’imaginaire républicain, être l’avenir de la France, pour se demander si la synthèse d’un peuple réduite au silence, d’une minorité musulmane très discrète quand il s’agit par exemple de dénoncer le génocide des chrétiens d’Orient et d’une plus grande minorité de fanatiques aguerris ne conduirait pas, à court ou moyen terme, à une guerre civile ? J’ai abordé le cas de la France parce qu’il m’est proche mais l’UE n’est pas en reste ! L’existence du parti ISLAM (depuis 2012) en Belgique devrait nous en convaincre, lui qui prône l’avènement de la charia sur l’ensemble du territoire belge. Je suis loin de croire que les élites belges soient favorables à ce genre d’introduction novatrice et ô combien originale si elle advient mais il faut néanmoins se mettre à l’évidence : les récentes métamorphoses de la justice laissent penser que l’islamisation rampante du droit pénal a dépassé l’humble stade des balbutiements. En mars 2015, le juge de Bruges avait condamné Arne S., un habitant de Blankenberg, à 4 mois de prison ferme pour avoir déchiré un Coran en février 2012 à Ostende. Il l’avait fait devant des musulmans qui s’étaient dits profondément choqués. On est bien d’accord, le blasphème est un acte répréhensible méritant une peine justement proportionnée. Mais on est aussi bien d’accord sur le fait que l’agression d’une personne âgée par une racaille sans foi ni loi mérite plus qu’un simple avertissement de type disciplinaire ou un bref sursis. Combien de personnes sans défense subissent régulièrement dans les cités les agressions de ces « chances » qui ne sont ni françaises ni, il est vrai, musulmanes, mais qui trouvent dans l’islamisme une source d’inspiration satisfaisant leur instinct de violence ? Parlant de blasphème, combien de croix sont sciées ou de calvaires détruits sans que l’on ne cherche à retrouver les coupables ?
On voit de mieux en mieux le choix d’alliance des hauts responsables occidentaux qui ont tellement fait croire aux monarchies du Golfe qu’elles sont les dignes alliées de nos chères démocraties que l’Arabie Saoudite a eu l’humour de viser la présidence du Conseil des droits de l’homme (mai 2015).
Quand on évoque un malaise, il faut toujours remonter à la source. Elle est limpide : c’est la trahison de nos élites vendues à d’autres élites, elles-mêmes d’Outre-Atlantique et ayant en haine l’Europe et sa civilisation chrétienne. Du plan paneuropéen de Coudenhove-Kalergi en passant par la figure européiste de Jean Monet à l’alliance contre-nature de Nicolas Sarkozy avec les monarchies wahhabites, il y a, depuis voilà bientôt 100 ans, un plan de destruction méthodique et multilatéral de l’Europe des nations. Le problème, c’est que toutes ces personnalités n’ont pas tenu compte de l’impact éminent que constitue l’idéologie. Quelle qu’elle soit. Quand on déplace des gens étrangers à votre civilisation de référence, on déplace forcément des Idées. Pour certaines très agressives et conquérantes. Quand on conclue des alliances avec des pays vivant selon la charia et que ces derniers s’investissent dans vos quartiers chauds, très clairement, on ne se contente pas de conclure des alliances économiques.Quand on soutient le régime kiévien en faisant presque passer les bataillons punitifs bandéristes pour de gentils libérateurs du Donbass, on oublie que la montée en puissance de l’ultra-nationalisme ukrainien se produit aux frontières de la Pologne et que l’onde de choc peut faire très mal. Quand on passe sous silence la présence de combattants (majoritairement) tchétchènes aux côtés de ces groupes armés bandéristes – les groupes islamistes Cheikh Manour et Djokhar Doudaïev ont été initialement révélés en mars par le journaliste polonais Marcin Mamon – on oublie que l’Ukraine est une zone de transit idéale pour l’EI avec lequel ces mêmes bataillons islamistes font cause commune. C’est sans compter que l’UE aura déjà des kilomètres de fil à retordre avec des flux migratoires dont elle n’a plus le contrôle et qui, comme des bateaux génois porteurs de la peste, importent en Europe toute une armée de combattants salafistes dûment entraînés en Libye, en Irak et en Syrie.
Ces facteurs juxtaposés, on s’aperçoit que toutes les conditions sontréunies pour que l’UE devienne, dans les décennies qui viendront, soit un conglomérat d’Etats islamistes ce qui revient à dire que l’Europe ne sera plus, soit, si les peuples se réveillent, une Europe des nations souveraines selon sa vocation d’origine mais il est certain que ce retour aux racines ne se fera pas de manière indolore.
Françoise Compont
Recent Comments
olivier.renault in: France pays plus dangereux au monde pour les journalistes
M'enfin Daniel, vous ne voyez pas la France tout en rouge sang sur la ...
Daniel in: France pays plus dangereux au monde pour les journalistes
Le site en source fourni des chiffres. Vous vous en faites une interpr ...
roger in: Kiev wants former Ukraine PM Azarov extradited from Russia
Poroschenko, Yatsenyuk et al. Is bombing your own population not an a ...
Rodolphe Dumouch in: La ligne directe du Président Zakhartchenko
Ce fonctionnement en véritable démocratie directe rappelle les formes ...
Equipe rédactionnelle in: France pays plus dangereux au monde pour les journalistes
Nous vous invitons à contacter la fédération Internationale des Journa ...