Compelle entrare! – un principe jésuite bien connu à travers les siècles pour obliger les peuples à épouser un mode de vie qui leur est étranger. C’est bien le cas de ceux qui entendent forcer la main à la Russie et à ses alliés en l’associant à l’existence post-moderniste du monde occidental. A travers les événements en Ukraine et au Proche-Orient, il est devenu explicitement évident que les Russes n’acceptent pas le modèle des relations internationales imposé par le capitalisme de type américain (parce que l’Europe compte pour des cacahuètes dans les jeux géostratégiques planétaires). Moscou n’entend faire qu’à sa tête ce qui courrouce terriblement les décideurs de Washington.
Alors les gens qui ont inventé l’obscure modernité – notre lot au quotidien à travers l’Europe – avec ses hordes d’immigrés donnant l’assaut à nos frontières, la croissance zéro et le chômage grimpant sur le coocotier des pronostics lugubres – ces gens-là ont pensé un nouvel stratagème du conditionnement de la Russie. Il se trouve qu’en premier temps, c’est-à-dire dans les années 90, les matraqueurs idéologiques occidentaux ont réussi à faire brouiller le peuple soviétique avec ses autorités. Ensuite ils ont largement profité des richesses de l’URSS en les pompant en direction de l’Europe – à ne citer que le pétrole d’Azerbaïdjan ou encore les diamants de Yakoutie et j’en passe.
Comme le peuple russe a commencé à faire de la résistance, on lui a a balancé sur la tête cette petite sale guerre menée dans l’Est de l’Ukraine dont les racines ont été mises à grand jour par « Les Masques de la Révolution », film tourné par le Canal +. Mais il y a pire encore. Les idéologues d’Outre-Atlantique auraient vite fait de comprendre que ce qu’il faudrait maintenant – c’est briser l’échine religieuse de la Russie. Le peuple russe est composé des croyants. Même en 1937, lors du recensement, lorsque les purges de Staline battaient leur plein, la majorité de la population soviétique s’est déclarée… croyante.
Alors, pour rendre de nos jours, la vie difficile aux bâtisseurs des cathédrales orthodoxes, une campagne anti-cléricale a été lancée en Russie. En 1998 déjà, on proposait aux visiteurs d’une exposition d’icônes à Moscou, de casser à la hache les icones disposées sur un trébuchet. Il faut dire, pour la petite histoire, que le lieu d’exposition a pris feu quelques semaines après mais le geste lui-même a eu lieu et était exécrable. Les mêmes organisateurs se sont déchaînés pour lancer les Pussy Riot en tenue de plage sur l’autel du Christ-le-Sauveur. Les musicennes criaient des saletés sacrilèges tout en se tortillant au milieu des prêtres déboussolés. Et il y a eu d’autres actes, non moins ignobles, qui détruisent la chrétienté russe. L’un des grands sociologues américains – Arnold Joseph Toynbee – eut raison de dire que même sous l’insigne de la faucille et du marteau la Russie demeurait toujours la même Sainte Russie, comme aux temps jadis. Un autre soviétologue – Valter Shubart – a dit que « chez les Russes tout devient religieux jusqu’à leur athéisme ».
Une telle dimension spirituelle est omniprésente en Russie, très bien ressentie par le Patriarche Cyril qui, en 1998, encore archevêque de Smolensk et de Kaliningrad, a dit que la littérature soviéto-russe a forgé un type d’héros qui, bien que soviétique, n’en restait pas moins un idéal religieux. Ainsi donc nous voyons que les Russes s’érigent en dernier rempart d’une religiosité vécue au quotidien, sans fards et côté artificiel ou officiel des offices. La religion est, pour ainsi dire, un trait de caractère national. La casser équivaudrait à détruire le peuple russe pour le faire remplacer par d’autres peuples – voie prise depuis longtemps par la Communauté Européenne.
Alors comprendre la Russie c’est appréhender un peu le phénomène de Yevguéniy Rodionov, un parachutiste de 19 ans qui a refusé d’enlever sa croix et se fit décapiter par les terroristes islamistes en Tchétchénie; ou encore comprendre les femmes défendant leur foi orthodoxe à cors et à cris devant les nazis des bataillons « Azov » et « Pravy Sector » en Ukraine. La valeur religieuse des actes est bien là, monumentalement évidente mais toujours ignorée par l’Occident.
On dirait, à titre de conclusion, qu’avant de perdre son territoire national et sa souveraineté, l’Europe a commencé par perdre son âme. Vient maintenant le tour de la Russie qui, à l’image des chrétiens syriens, résiste de toutes ses forces persistant dans sa foi. Il nous semble évident que si l’Europe ne retrouve pas sa raison, elle finirait par épouser le sort des Romains, grand peuple, certes, mais enterré depuis des millénaires. La foi fait vivre la souveraineté et d’autres émanations du monde matériel. Sans Dieu, la vie est privé de tout sens et de tous les commandements.
Alexandre ARTAMONOV, Radonezh
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