Rira bien qui rira le dernier. Chers satiristes d’Hebdo, ce n’est point une menace. Juste un constat de fait. Vous savez, ces petits constats sympathiques comme vous aimez en faire en invoquant, tels de doctes exorcistes, les mânes de la Révolution : liberté, laïcité, athéisme et … et que sais-je encore. Vous les invoquez, permettez-moi de le dire, à tort et à travers. Sous toutes les sauces. Qu’importe qu’il s’agisse de railler les victimes des explosions dans le métro de Moscou ou la mort d’un petit Syrien échoué sur une plage d’un monde consuméro-addictif marqué du sceau de McDo. Qu’importe qu’il s’agisse de vous payer la tête des Donbassiens, croupissant selon vous dans l’ennui suite à Minsk-2 ou, cette fois-ci, celle des victimes du crash au Sinaï.
Trente ans durant, vous aspiriez à vous dilater la rate en révolutionnant l’humour si bien qu’on en vint à se demander si oui, en effet, l’on puit rire de tout. Le cap du 9/11franchi, vous avez franchi celui de l’entendement. Que nenni, vous n’avez pas touché aux débris fumants du World Trade Center et pourtant ! N’y avait-il pas matière à inspiration pour ces charognards du crayon que vous êtes ? Si vous en avez tiré profit, c’est bien pour vous rire de l’islam en amalgamant vicieusement ses divers courants et déviations, en exhibant le Prophète sous des jours pornographiques comme si l’âge, l’expérience et la décence n’avaient jamais eu raison de vos fantasmes génitaux. Les relents de caniveau qu’exhalent vos caricatures ont été partiellement chassés par l’incendie qui a dévasté vos locaux en 2011. Je n’applaudis pas ses auteurs, loin de là. Restons donc dans le constat de fait. Après tout, une rédaction en train de cramer, c’est aussi banal que des fragments de corps atterrissant sur des têtes de barbus. Pourquoi ne pas en faire un dessin aussi radieux qu’un feu de joie ? Un crâne en lunettes de soleil décorant l’immensité jaune du désert égyptien et songeant, tristounet, aux hilarités loupées de Air Cocaïne, n’est-ce pas aussi commun qu’un caricaturiste abattu à titre vindicatif par les fous d’un certain Dieu dont le nom importe peu ? Si l’on puit se rire impunément des vivants, pourquoi, à plus forte raison, ne pas en faire autant des morts ? Pourquoi pas des vôtres ? Sans oublier une brève légende dans le genre On a enfin trouvé moyen de les licencier!Le rire, n’est-il pas le propre de l’homme, messieurs-dames ? Alors rions bien, à gorge déployée, paraît que ça aide à maigrir !
Surtout, chers cocos,ne vous cachez pas derrière des critiques spirituelles de Poutine, du cléricalisme, d’Assad ou même de Depardieu. Vous n’en avez ni la culture, ni les moyens requis. Viendra un jour où le low cost intellectuel s’avèrera non moins périlleux que le low cost logistique russe et ce n’est pas avec vos torchons que les Français auront à en essuyer les dégâts. Les chrétiens marchent sur les eaux et les petits musulmans coulent, dites-vous ? Viendra un jour où, main dans la main, la chrétienté renaissant de ses cendres et l’islam authentique renverseront ce petit monde pourri jusqu’aux viscères mais insolemment aspergé de Chanel édifié sur les ruines des nations que vous méprisez pour ne pas avoir à vous mépriser vous-mêmes. Peut-être croyez-vous vous rattraper en brossant Hollande en maillot de bain lançant son appel de Président normal aux « noyés et noyées » des derniers mois. Je suis loin de porter M. Hollande dans mon cœur. 80% des Français sont loin de le porter dans leur cœur. Mais là, en l’occurrence, que faites-vous ? D’abord vous dressez le monde musulman contre le monde chrétien à travers le petit Aylan, ensuite vous faites allusion à la culpabilité des peuples occidentaux qui ne seraient pas assez engagés dans l’accueil des migrants. C’est quoi votre plan au juste ? Cependant, comme des langues et des mains bien moins déliées que les vôtres sont bien souvent coupées par la censure républicaine et qu’à vous, Charlie Hebdo, personne ne s’enhardit à faire barrage, force est de supposer que vous n’êtes rien d’autre que les enfants terribles et terriblement gâtés d’une élite de l’ombre qui vous autorise tout et n’importe quoi pourvu que vous ne touchiez pas à la forteresse américaine.
Racistes, il est vrai que vous ne l’êtes pas. Vous êtes aussi mondialistes que ces radicaux islamistes que vous prétendez combattre par vos gribouillis. Votre cruauté est la leur. Il semblerait, de surcroît, que vous ayez les mêmes sponsors ou du moins les mêmes inspirateurs. Quand ils coupent les têtes, vous coupez le peu d’humanité qu’il reste ici-bas. C’était hier. C’était en janvier. J’ai vu des Russes prendre part, parc Gorki, à la marche de commémoration des victimes de la rédaction Hebdo. J’ai vu de simples passants déposer des fleurs devant l’ambassade. J’en ai vu se signer. Aujourd’hui, si le drame se reproduisait, je ne verrais certainement personne. Car vous ne méritez guère toutes ces marques d’humanité. Non, vous n’êtes pas racistes. Vous êtes bien plus que ça. Les nazis avaient à peu près votre humour lorsqu’ils posaient, certains souriants, certains faisant les clowns, devant les gibets qu’ils dressaient. Symboliquement, ne partagez-vous pas leur niveau d’élévation ?
Lorsque la France gratifia vos morts d’un deuil national, elle vit en vous ses enfants qui l’aiment, qui s’inquiètent de son destin dans la mesure de leur talent, dans la mesure d’un humour noir souvent sordide mais décryptable aux yeux des plus indulgents. Or, lorsque vous instrumentalisez les morts de l’Airbus 321 en dénonçant par des voies détournées la politique de Poutine en Syrie, il vous échappe curieusement que chaque bombe larguée sur les multiples sites de l’EI est une balle en moins contre les représentants ingrats de ce microcosme insatiable et suffisant qu’est le vôtre. Une balle en moins contre les Charlie qui vous soutiennent sans vraiment comprendre, je le crains ou plutôt je l’espère, que chaque trait de votre crayon se nourrit de sang et de larmes. En pensant à ce que vous deviendrez quand le Système qui vous biberonne s’écroulera, il m’arrive de rire jaune. Rions donc ensemble tant qu’on y est. Chacun à sa façon.
Veuillez agréer, chers auteurs de Charlie Hebdo, l’expression de mon profond mépris.
Françoise Compoint.
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