L’exterminisme est l’expression technique la plus flagrante et la plus efficace, sans surprise, de l’impérialisme capitaliste. Le récent anniversaire de la double tragédie d’Hiroshima-Nagasaki les 6 et 9 août respectivement ont révélé au monde comment les USA entendaient régler leurs comptes avec toute puissance non-alignée et/ou rivale, de un, par l’exemplarité, de deux, sous couvert de nobles intentions dont les échos nous parviennent encore au bout de 70 ans. Mais que l’on ne s’y trompe pas! Il ne s’agissait pas de “corriger” le Japon qui (en tout cas officiellement) se préparait à capituler quelques jours avant les faits ou de raser l’Etat-Major nippon – aucun général ou officier japonais n’a été tué le 6.08 – mais bien de montrer au monde entier et avant tout à Staline ce qu’était la nouvelle force de frappe américaine en effectuant au passage un double essai révélateur. Il n’est par ailleurs pas exclu que cette pulvérisation au plutonium 239 avait une visée préventive à condition d’admettre que le retrait militaire du Japon n’était qu’illusoire. Mais pourquoi, même à retenir cette version marginale, bombarder deux villes paisibles? Pour rappel, Nagasaki aurait soi-disant été frappée par erreur la direction du vent ayant changé au mauvais moment.
Inénarrable dans son cynisme, le Foreign Policy a commémoré le 70ème anniversaire d’Hiroshima-Nagasaki en rappelant aux Japonais qu’ils étaient redevables aux USA la sage décision de Truman leur ayant évité l’occupation soviétique. S’il y a un précédent à mentionner – un ami historien a eu la gentillesse de m’en parler lors d’un récent échange épistolaire – c’est bien sûr la conquête des îles Kouriles (entre le 18.08.45 et le 31.08.45) et l’annexion ultérieure de la partie sud de Sakhaline. Mais n’oublions pas que les îles en question avaient été disputées entre la Russie et le Japon pendant des siècles et que Sakhaline avait été cédé à la Russie en 1875 en échange de 18 îles Kouriles. N’oublions pas que nous étions, en 1945, dans le cadre d’une reconquête stratégique qui a coûté aux Soviétiques 1567 morts contre 1018 du côté nippon. N’oublions pas, question de principe, qu’il s’agissait d’une confrontation purement militaire et non d’un largage de bombes sur des populations civiles. Qu’on apprécie donc enfin la différence en l’appliquant à l’analyse de la présence de sous-marins soviétiques autour d’Hokkaido et en prenant conscience du fait que l’URSS, minée par quatre ans de guerre meurtrière et surtout pressée d’élaborer sa bombe atomique, avait sans doute d’autres chats à fouetter plutôt que d’envahir le Japon!
En réalité – et nous revenons ici à l’option d’une frappe préventive – le Japon s’attendait à être envahi non pas par les Soviétiques mais par les Américains. Nous en voulons pour preuve le deuxième volet de la stratégie nippone défendu par les militaires et plus particulièrement par le ministre de la Défense de l’époque, Anami Korechika: il consistait à renforcer au maximum l’Armée impériale, assez bien portante en 1945, pour pouvoir imposer à l’envahisseur américain une capitulation qui ne soit pas totalement sans conditions. Staline, avec lequel un pacte de neutralité d’une durée de cinq ans avait été signé en 1941, aurait alors servi d’intermédiaire. Pour ce qu’il en est de l’opération soviétique en Mandchourie (21.000 morts du côté nippon contre 20.000 côté soviétique), suivie de la conquête des Kouriles et de la moitié sud de Sakhaline, elle découle de la rupture du pacte de neutralité russo-japonais sous l’inflexion américaine. Lors de la conférence de Yalta, Staline avait promis aux alliés et en particulier à Roosevelt d’attaquer le Japon trois mois après la défaite du III Reich. En d’autres termes, tout porte à croire qu’il s’était retrouvé entre deux feux: d’un côté, les conditions du pacte de non-agression, d’un autre, la nécessité de sa rupture suite aux accords de Yalta, rupture officialisée le 2 avril 1945 par la voix de Molotov. L’intervention de l’URSS aurait amplement suffi à refroidir les éventuelles ardeurs du Japon et un bilan de 220.000 morts comme minimum – des estimations plus récentes poussent ce chiffre à 400.000 – aurait pu être évité.
Conclusion: les écrits de Foreign Policy sont d’une hypocrisie à toute épreuve et démontrent, une fois de plus, que les nouvelles ingérences dites humanitaires otanesques en Afghanistan, en Irak, en Libye et, plus indirectes, en Syrie se fondent sur le même principe exterministe asservi aux besoins du Capital lui-même connecté aux méthodes du hard power. Sans surprise, les premiers cobayes de ce hard power poussé à son paroxysme lors du chaos de la II GM, ce sont les populations européennes! Progressivement satellisées après 45, elles préfèrent se taire en évoquant, au pire, des bombardements inéluctables sur un certain nombre de villes. Qui nous parlera aujourd’hui des bombardements d’Hambourg ou “Opération Gomorrhe” avec ses 40.000 morts et des populations civiles délibérément massacrées? Qui nous dira à l’heure qu’il est que la USAA et la RAF ont largué sur Dresde des bombes à fragmentation et des bombes incendiaires provoquant la mort non pas de 25.000 personnes selon des estimations dictées par le fait que c’est le nombre de corps identifiés les autres ayant été calcinés, voire réduits en cendres, mais bien de 200.000 vu que la population de Dresde en 1939 était d’environ 625.000 personnes et qu’elle a été réduite à 450.000 en 1946. Dresde était une ville-hôpital comportant 25 grandes installations médicales. Fallait-il la raser? Nous en venons au dossier français. Les Anglo-Saxons avaient beau être les gentils alliés des Français, il n’en demeure pas moins que les préparatifs aux débarquements de Provence et de Normandie ont quand même coûté la vie à 60.000 civils: “De Dunkerque au Havre en passant par Nantes et Cherbourg, des centaines de villes sont dévastées, certaines étant tout simplement dévastées par les raids aériens de la RAF” nous informent des sites de réinformation. Comparons ces chiffres aux 2403 militaires américains tués à Pearl Harbor et qui servirent également de prétexte aux bombardements d’Hiroschima-Nagasaki pour nous mettre à l’évidence : l’impérialisme américain tient à la reconnaissance tacite de peuples élus et de sous-peuples à coloniser. Ces sous-peuples à coloniser sont tous les peuples qui ne sont pas de la race anglo-saxonne. S’ils refusent d’être colonisés, ils sont à exterminer. Point barre. De ce point de vue, les réflexions émises par Foreign Policy ne sont pas plus ou moins choquantes que le silence des médias occidentaux sur les conséquences de l’opération libyenne, sur les conséquences du financement d’Al-Qaïda en Afghanistan, sur les origines et les raisons du financement des takfiris à travers les pays arabo-musulmans ou les non-dits de l’OSCE dans le Donbass. Après tout, ce ne sont pas des têtes américaines qui tombent ou des villes étasuniennes qui sont bombardées/pilonnées!
Françoise Compoint
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