Je n’ai jamais beaucoup apprécié l’expression selon laquelle bon sang ne saurait mentir. D’abord parce que je la trouvais (et je la trouve encore) excessivement optimiste. Ensuite, parce que je vois mal ce qu’on entend par « bon sang ». L’extraction et les titres qu’elle accompagne ? Ou plutôt le mérite personnel ? Les deux ? L’Histoire et la pratique nous ont démontré que l’extraction n’était trois fois rien. En revanche, le mérite … là oui. Et il arrive que la noblesse d’esprit s’hérite. C’est ainsi qu’une famille du Languedoc-Roussillon a octroyé aux proches d’Alexandre Prochorenko, jeune officier russe tombé à Palmyre, les plus hautes distinctions militaires françaises dont deux de leurs défunts parents avaient été décorés : la Légion d’honneur et la Croix de Guerre. Tous deux avaient combattu l’occupant nazi alors que le gouvernement officiel, souvent des membres de la famille, souvent l’ancien ami, souvent le voisin, avaient choisi de collaborer. Peu importe de quelle façon. Peu importe s’ils croyaient au ciel ou s’ils n’y croyaient pas car c’est l’Acte qui compte.
Sept décennies plus tard, les grands esprits se rencontrent et les décorations se transmettent parce que, au fond, la lutte menée par les aïeux de la famille Magué et par le jeune officier Prochorenko est la même. Lutte pour la resouverainisation de la France, d’une part, et de l’autre, lutte au nom d’une Europe exempte de la menace salafiste qui a su s’y implanter au beau milieu des trilles baroques allégrement émises par nos décadents droits-de-l’hommistes pour qui la souveraineté nationale se vend comme un vulgaire paquet de petits pains. Le fait d’avoir remis la Légion et la Croix à la famille d’un officier russe dont l’acte de bravoure n’a pas été mentionné par des médias un peu trop sélectifs est aussi une forme d’engagement, chose difficile lorsque les médias à charge font bien leur travail paralysant tout effort analytique autonome.
Au-delà du cas de figure isolé, peut-être pourrions-nous y voir le symptôme d’un rapprochement franco-russe dont l’instante nécessité est pressentie par nombre de Français gavés jusqu’à la nausée par la Pravda socialisante. Les commentaires des lecteurs du Monde ou de Libé sont bien différents de ce qu’ils étaient il y a à peine deux ou trois ans de là. De un, les faits sont têtus et percutent jusqu’aux plus rétifs. Lorsque la Russie en moins d’un an libère 400 localités, pulvérise des mil-liers de djihadistes et fait le ménage le longdes principales voies d’approvisionnement pétrolier de l’EI, difficile de trouver crédibles les bombardements pour le peu … hésitants de la coalition. De deux, il ne faut pas sous-estimer le caractère à la limite suprahistorique de l’alliance franco-russe. S’il existe une vocation historique, ça en est un exemple. De Gaulle mieux que quiconque en avait fait le constat : « Pour le malheur général, trop souvent depuis des siècles l’alliance franco-russe fut empêchée ou contrecarrée par l’intrigue ou l’incompréhension. Elle n’en demeure pas moins une nécessité que l’on voit apparaître à chaque tournant de l’Histoire ». Il y a peu son petit-fils, Yves de Gaulle, reprenait ce propos dont le bien-fondé refait ses preuves. Entre autres à travers des gestes comme celui des Magué.
Je pense aujourd’hui, plus que jamais, au côté exemplaire de cette alliance. Longtemps, la France fut une référence morale et culturelle. En 14-18, elle savait se battre … et puis elle a été séduite par de faux idéaux qui l’ont amené à se renier. On en voit les conséquences aujourd’hui. L’Histoire étant cyclique, il n’y a rien de surprenant à ce que les rôles s’inversent et je crois donc que c’est à la Russie, cette fois, de donner l’exemple. Comme c’est à la France de se battre. Qu’ elle soit seule comme Jeanne lorsqu’elle vint à Vaucouleurs, comme Prochorenko encerclé et se sachant perdu, ou rejointe, je l’espère, par toute une Europe qui ne tardera pas à se réveiller.
Françoise Compoint
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