Le 7 avril 2014 a été proclamée la République Populaire de Donetsk. Aujourd’hui, le député du Conseil du Peuple de la DNR, fraction le « Donbass Libre », Miroslav Roudenko, qui fait parti de ceux qui étaient à l’origine du nouvel Etat, se rappelle comment les choses se sont passées il y a deux ans. A cette époque, il était militant du mouvement social et politique « La milice populaire du Donbass ».
– Quelle était la situation dans le Donbass d’après-Maïdan ?
Miroslav Roudenko : Au tout début, les rassemblements anti-Maïdan étaient organisés par le Patri des régions et par les élites locales qui voyaient dans les contestations le moyen de conserver leur influence et la possibilité des marchandages politiques. La préparation des actions était bâclée, sans idéologie claire, ainsi elles n’étaient pas en mesure de souder les gens. Tandis qu’à Donetsk régnait une humeur accablante suite aux évènements sur le Maïdan de Kiev. Personne ne savait quelle sera la suite. Le 23 février il y a eu un rassemblement où les habitants de la ville accueillaient les « berkouts » (NDT : membres des anciens unités spéciales servant de police antiémeute en Ukraine) qui revenaient du Maïdan. C’est alors que le gouverneur de Donetsk Chichatski a déclaré qu’il ne laisserait pas venir ici les bandéristes. Mais déjà le 24 février, une revue de presse a été publié sur le site de l’administration de l’oblast qui disait que les autorités régionales étaient prêtes à coopérer avec le nouveau pouvoir ukrainien. Le peuple s’est révolté. Mes les régionaux essayaient encore de maîtriser la rébellion. Ainsi, ils ont organisé un nouveau rassemblement le 1er mars, lors duquel des discours apaisants se sont fait entendre. Sauf qu’il n’y a pas eu de propositions concrètes comment réagir face aux évènements, quelle attitude adopter. Les gens n’étaient simplement pas réceptifs envers les intervenants, mais ont ne laissait pas les autres monter sur la scène. En plus de la police, la surveillance était assurée par des militants pro-ukrainiens informels portant des brassards. Il a fallu passer à travers le cordon de force.
– Littéralement?
Miroslav Roudenko : Oui, il y a eu une bagarre. La police a voulu nous repousser, on a coupé notre micro. Mais nous avons réussi à monter sur la scène. C’est à ce moment que l’idée du referendum sur l’autodétermination a pu être exprimée. Bref, nous avons pu prendre l’initiative aux élites locales. Ce fut un moment décisif. Plus tard, d’ailleurs, le chef des militants qui gardaient la scène m’a avoué qu’ils avaient manqué quelques 8 hommes pour nous arrêter. « Si nous ne vous avions pas laissés monter sur la scène, il n’y aurait pas eu de la DNR », – m’a-t-il dit.
– Que s’est-il passé ensuite ?
Miroslav Roudenko : D’abord il y a eu la marche vers l’administration. Ensuite, le 2 mai nous sommes sortis dans les rues de nouveau. Le 3 mars était un lundi, néanmoins plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées. Et lorsque les gens ont pénétrés dans le bâtiment, les députés réunis pour une assemblée extraordinaire ont pris la fuite. Après, il y a eu toute sorts de provocations. Mais les forces pro-ukrainiennes n’ont plus pu tenir la situation sous leur contrôle. Mi mars, les premiers block-postes ont vu spontanément le jour, pour le moment ils étaient mis en place par des civiles pour empêcher l’approche du matériel militaire. Il n’y avait pas encore la guerre. Il y a eu des affrontements lors des rassemblements et des opérations de police. C’était la première étape de la création de la DNR. En tant qu’historien de métier, je le vois parfaitement. D’ailleurs, parmi les activistes de la DNR il y a eu beaucoup d’historiens et aujourd’hui nous essayons de systématiser ce qui s’est passé il y a deux ans du point de vue historique.
– Quand est-ce que la deuxième étape a commencé ?
Miroslav Roudenko : Les 6-7 avril, quand les habitants de Donetsk se sont emparés du bâtiment du SBU (NDT : les services de la sécurité de l’Ukraine) et ont proclamé la République Populaire de Donetsk. A vrai dire, il était initialement prévu que cela arrive une semaine plus tard, mais il y a eu quelqu’un qui a précipité les choses. Et au moment où le peuple a pénétré dans le bâtiment, il est devenu clair qu’il n’y aura pas de seconde chance. La police n’a d’ailleurs pratiquement pas résisté. Elle a été repoussée et on s’est emparé des premières armes à l’intérieur du SBU. Il n’y en a pas eu beaucoup : quelques fusils d’assaut et pistolets. Le 7 avril la République Populaire de Donetsk a été proclamée.
– Comment cela est-il arrivé ?
Miroslav Roudenko : La déclaration de l’indépendance de la DNR a été préparée par Boris Litvinov devenu aujourd’hui député du Conseil du Peuple. Le document a été adopté par les représentants des communautés territoriales et des partis, des mouvements et des organisations politiques. Qui ont envoyé deux délégués chacun et la salle des réunions du conseil régional était pleine à craquer. C’est sur la base de ce congrès que le Conseil du Peuple a été créé et le gouvernement par intérim a été nommé. Ses membres était appelés « coprésidents » pour ne mettre personne en avant et ne pas les exposer. A l’époque les gens se faisaient embraquer et disparaissaient. D’ailleurs, je faisais parti de ce gouvernement provisoire. Notre tâche principale a été de préparer le referendum sur l’autodétermination de la DNR. Ce dernier a eu lieu le 11 mai. Et le 12 mai la souveraineté de l’Etat de la DNR a été proclamée.
– Comment s’est passé l’avril 2014 ?
Miroslav Roudenko : Cela n’a pas été simple. Nous avons subi les premières pertes. Notre militant Rouben Avanessian a été tué. Je me souviens très bien de cette journée. Nous étions basés dans le bâtiment de l’administration. Les femmes aidaient à préparer le repas, les gens amenaient la nourriture. Nous parlions avec Rouben de l’avenir de notre république. Le lendemain il a fallu apporter l’aide humanitaire à Slaviansk. Ce n’est pas lui qui devait y aller, mais il s’est porté volontaire. Ils sont partis avec deux voitures. Les gars n’avaient évidemment aucune arme sur eux. Les nationalistes ukrainiens ont tiré sur eux. Rouben est mort sur place, un autre gars a été grièvement blessé. En règle générale, les provocations en avril se sont durcies. On ne sait pourquoi, mais elles étaient organisées principalement les jours des fêtes religieuses orthodoxes. Plus tard, la partie ukrainienne a ressemblé les forces et le conflit est passé au stade des hostilités militaires à pleine échelle. Donetsk a senti la guerre en mai. D’abord, il y a eu une attaque psychique : les avions survolaient la ville à une très basse altitude. S’en sont suivis les combats pour l’aéroport et les pilonnages de Donetsk.
– Qui se poursuivent depuis maintenant deux ans !
Miroslav Roudenko : Oui, c’est dur. Au début, la tragédie d’Odessa a joué un rôle mobilisateur, des évènements à Marioupol aussi. Mais il est impossible de rester longtemps dans en état de mobilisation. En plus, personne à l’époque ne pouvait imaginer qu’il y aurait autant de victimes et de destructions. Mais quoi qu’il arrive, la DNR est un Etat à part entière, même s’il n’est pas reconnu pour le moment. La République a réussi à défendre sa souveraineté et à se protéger des radicaux pro-ukrainiens. Nous avons suivi le processus de la légitimation du pouvoir. Le pouvoir dans la DNR est même plus légitime que celui de Kiev d’après le Maïdan. Nous avons des institutions étatiques à part entière, et les citoyens de la DNR sont en train de recevoir leurs passeports.
– A votre avis, à quoi aboutira la constriction de la vie pacifique sur fond de pilonnages incessants ?
Miroslav Roudenko : J’ai remarqué cette dualité déjà en 2014. Mon quartier était calme, des gens se promenaient, des voitures circulaient, ma pâtisserie préférée continuait de fonctionner. Alors qu’on entendait des explosions tout près. C’était incompréhensible pour moi, mais petit à petit je me suis habitué au fait de vivre dans une zone malgré tout paisible. Et puis la guerre est venue dans mon quartier. Un obus a frappé une voiture dans laquelle une famille se trouvait : une femme, un enfant et un homme. Ma pâtisserie s’est retrouvée sous le feu elle-aussi. Et voilà un exemple tout récent : il n’y a pas longtemps nous circulions sur la route de Iassinovataïa. Maintenant elle est pilonnée en permanence, la circulation y est interrompue. Tout peut arriver. Aujourd’hui le conflit chez nous est d’une faible intensité, mais à tout moment il peut s’amplifier. Pourtant, tôt ou tard la paix doit s’établir de toute façon. C’est inévitable.
Traduit depuis le russe par Svetlana Kissileva
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