Jugez par vous-mêmes. Comment se fait-il que cela fait deux ans que l’Ukraine suit à la lettre toutes les indications de l’UE et du FMI pour obtenir le régime sans visa, elle se plie en quatre pour l’avoir, mais que nenni. ? Que des promesses veines, des reports constants de l’examen de son dossier et zéro résultat à la fin. Je crois que Porochenko, lui-même, s’est lassé de promettre toujours la même chose et de répéter la même litanie : « le régime sans visa est sur le point d’être accordé, il faut juste attendre encore un tout petit peu ».
Dans ce contexte, la Turquie a l’air d’un « sprinter » en matière d’obtention de ce quelle veut du point de vue de délais (La Turquie a formalisé sa demande d’adhésion à la CEE, prédécesseur de l’UE, encore le 14 avril 1987. Ce qui pourrait donner à l’Ukraine un ordre de grandeur à quel point l’Europe est désireuse de voir des pays à problèmes intégrer ses rangs). Dès qu’il a eu en sa possession un tel moyen de pression comme la « crise migratoire, Recep Erdoğan a exigé de l’UE un régime sans visa en échange d’un accord sur les migrants. Et voilà que la Commission Européenne accepte d’accorder à ses citoyens l’accès en zone Schengen sans visa quelques mois à peine après que cette exigence avait été exprimée.
L’accord prévoit la chose suivante : en échange du retour de chaque migrant illégal en Turquie, l’UE accepte d’accueillir sur son territoire des réfugiés déjà présents dans le pays.
La Turquie gagne de cet accord bien plus que l’UE. En dehors de 6 milliards d’euros que recevra Ankara pour aménager l’accueil des réfugiés, des possibilités vraiment illimités s’ouvrent devant elle. Le statut de réfugié deviendra bientôt une monnaie courante et l’ampleur de la corruption que cela entrainera est difficile à imaginer. En outre, ce schéma n’apporte aucune garantie que le flux d’immigrés sera contenu d’une manière quelconque. Bien au contraire, Erdogan a plus d’intérêt pour qu’il ait maximum d’immigrés clandestins. Un clandestin arrive en UE, se fait prendre et, conformément aux accords, il sera renvoyé en Turquie. En échange la Turquie renvoie en UE un immigré « légal » qui avait auparavant soudoyé un fonctionnaire pour obtenir le statut de réfugié. Le fonctionnaire est content, Erdogan l’est aussi. Quant à l’UE, celle-ci devra de toute manière accueillir chez elle un réfugié. Les Turcs n’ont rien à faire qu’il s’agisse d’un vrai réfugié, ou d’un terroriste en mission.
La plupart de politiciens en UE n’ont pas le temps pour réfléchir et avoir des doutes. Encore quelques semaines et la température de l’eau dans la mer deviendra suffisamment douce pour que les réfugiés de mettent à la traverser sur des matelas gonflables, si le besoin devient trop pressant. La vague des migrants de l’an dernier a fait beaucoup baisser le taux de popularité de la chancelière Merkel, qui est maintenant prise de panique que cette année elle courra le risque de perdre le peu qu’il lui reste d’électeurs. Elle a besoin de réussites, même provisoires, même imaginaires. Le prix que paieront pour cela l’UE en général et les citoyens allemands en particulier l’importe peu en ce moment, de même que l’Ukraine, dont le président a déjà saoulé le monde entier par sa mendicité.
Une nouvelle fois l’Europe ferme les yeux sur le fait que la Turquie ne répond pas pleinement aux valeurs dites européennes. De très nombreux politiciens considèrent la Turquie comme un pays dirigé par un sultan ou un dictateur c’est selon, sans même prendre la peine de cacher leur opinion derrière de belles paroles. D’habitude l’UE exige d’un pays qui souhaite faire bénéficier ses citoyens d’un régime sans visas le respect de la liberté d’expression, l’indépendance des tribunaux et des modifications dans la législation antiterroriste qui garantiraient les droits des minorités. Eh bien, la liberté d’expression on ne la voit pas, de même que les tribunaux indépendants, quand à la législation antiterroriste et les droits des minorités, il suffit de regarder les kurdes et se souvenir du génocide des arménien en Empire Osman. Reste la question du Chypre, mais je pense qu’on fermera les yeux sur lui également.
L’Union Européenne est incapable de réfléchir aux conséquences de ses propres actes : elle a engendré le problème lui-même, par sa propre politique, et maintenant elle est contrainte à payer un tribut. Quant à la Turquie, celle-ci, après avoir biaisé le nom du gazoduc russe dont la construction a été gelée, décide de devenir le premier fournisseur en chair humaine à défaut fournir le gaz. Maintenant, Erdogan règle ses problème politiques internes via les réfugiés, tout en renforçant son régime au sein du pays et en montrant au Turcs sa capacité d’obtenir ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’a pu obtenir. En fait, il conclue des contrats pour la livraison de la chair humaine avec un prépaiement, des quotas et des garanties des livraisons. Prochainement, le « chantage gazier » de l’Ukraine paraitra à l’Europe être un jeu d’enfant, comparé à la dépendance du bon vouloir du pays par lequel transitent les réfugiés, la Turquie, dans laquelle elle est tombée. Plus cette dépendance sera forte et plus le gain d’Erdogan sera important.
P.S. Le président du Conseil de l’Europe Donald Tusk a qualifié la Turquie de « meilleur exemple » en matière du traitement des réfugiés. Cette vidéo vous donne un aperçu de ce traitement …
Cet incident a eu lieu lors de la tentative des réfugiés d’atteindre la Grèce à l’aide d’un canot à moteur.
Gueorgui Morozov, rédacteur en chef de Novorossia Today
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