Laurent Gbagbo est un homme âgé, originaire de Gagnoa, ville située dans la partie sud de la Côte-d’Ivoire, ancienne colonie française en Afrique de l’Ouest. Laurent obtient son baccalauréat de philosophie au Lycée classique à Cocody, en 1965. Puis en 1969 ;une licence d’histoire à l’université d’Abidjan, capitale économique de la République ivoirienne. Ensuite, il a fait de la prison pendant 3 ans de 1971 à 1973 « pour son activisme politique ». Mais ce que se cache derrière cette formule reste un mystère. Plus tard, à partir de 1974 jusqu’en 1980, il occupe un poste de chercheur à l’Institut d’histoire, d’art et d’archéologie africaine à Abidjan. En 1979 il soutient une thèse à la Sorbonne sur « les Ressorts socio-économiques de la politique ivoirienne : 1940-1960 ». Dans les années 1980, il fait de la politique en parallèle à son travail d’enseignant et en 1990 se présente pour la première fois aux élections présidentielles qu’il perd. En 2000, Laurent Gbagbo se fait élire comme président de la République de la Côte-d’Ivoire et sa victoire est en grande partie assurée par l’ancienne métropole, la France
Après la victoire de Gbagbo, la France apporte tout le soutien à son gouvernement, notamment en l’aidant à écraser la rébellion dans le pays en 2002. En 2003 les services spéciaux français ont même déjoué un complot visant à déstabiliser le régime du président Gbagbo et portant atteinte aux intérêts de la France dans la région. Ainsi, 18 personnes ont été interpellées en France et en plus accusées de préparer un assassinat contre Gbagbo, lui-même. Le contingent militaire français se trouvait dans le pays, en tant que casques-bleues en même temps que les forces de l’ONU, mais défendait en réalité non pas tant l’intégrité territoriale du pays et le régime du Gbagbo, que les actifs des compagnies françaises. La société Michelin est très intéressée par la production du caoutchouc dans ce petit pays, la compagnie Total en exploite les gisements du pétrole, France Telecom contrôle ses communications téléphoniques. Tout dans cette république, à commencer par l’énergie jusqu’aux matériaux de construction (EDF et Lafarge), est contrôlé par la France.
Gbagbo a fait l’erreur de faire confiance à l’Occident, en l’occurrence à la France, derrière laquelle on pouvait deviner l’ombre de l’USA. Il a décidé de mener sa propre politique indépendante, à savoir nationaliser la branche de l’économie du pays qui était la plus profitable (l’exportation des fèves de cacao), a refusé d’adhérer à Africom (le commandement militaire US pour l’Afrique qui regroupe 49 pays de ce continent). Comme le démontrent la Libye et le Soudan, les pays qui étaient opposés à cette organisation et qui, tout comme la Côte d’Ivoire, ont refusé d’y adhérer, les conséquences en peuvent être désastreuses. Gbagbo s’est vu refuser la liberté d’action et on a coupé court toutes ses tentatives d’agir de façon autonome. En 2004, le bombardement des positions des rebelles a tourné à la catastrophe à cause du manque d’expérience des pilotes et a fait environ 40 victimes parmi les militaires français du contingent se trouvant à proximité du camp de la partie adverse. L’aviation française avait ensuite détruit la flotte militaire du président Gbagbo. Le lendemain, les rues du pays ont été inondées des gens portant des pancartes : « France, USA, Get out of Ivory Coast ». Après de longues négociations, l’accord, permettant de maîtriser la crise, n’a été trouvé qu’en 2007. Gbagbo a paye pour cela en nommant comme Premier ministre Guillaume Soro.
Jusqu’en 2010, le pays a vécu en permanence comme sur une poudrière. Des altercations incessantes entre les forces gouvernementales et le mécontentement des habitants de certaines régions qui pouvait à tout moment se déverser sur les rues pour s’embraser de plus belle. Les élections de 2010 ont servi de prétexte à cela.
Si on trace une ligne imaginaire entre le Nord et le Sud du pays, on s’apercevra des choses suivantes : le Sud est plus développé économiquement, il est habité par le peuple bété qui représente une minorité ethnique et sont majoritairement chrétiens, le président est ressortissant du Sud. Le Nord privé de l’accès aux flux financiers, est habité par le peuple dioula qui fait partie de l’ethnie mandé qui eux, sont musulmans et ont été depuis toujours écartés du pouvoir. C’est sur ces disproportions qu’ont joué les parties intéressées par le changement du régime de Gbagbo.
Nommé, comme on a vu, au cours des négociations Guillaume Soro a déclaré le 23 décembre 2010 après le second tour des élections présidentielles qui ont eu lieu dans la même année, que les mercenaires libériens recrutés par Gbagbo mènent une politique de terreur contre la population civile. La couverture informationnelle idéale pour justifier l’intervention des autres pays qui eux, luttent pour la démocratie dans le monde entier. Durant deux jours, les résultats des élections ont changé deux fois, selon les uns, c’était le président sortant qui était déclaré gagnant, selon les autres, c’était Alassane Ouattara. Finalement, le 4 décembre 2010, le Conseil constitutionnel de la Côte d’Ivoire a déclaré Laurent Gbagbo vainqueur du second tour des élections. Aussitôt, des émeutes se sont déclenchées dans le pays. A l’initiative des USA et de la France, l’ONU a intervenu en soutenant (dans sa majorité) Alassane Ouattara.
Pour information : Alassane Ouattara est né en Côté d’Ivoire. Inscrit à l’Institut de technologie de Drexel puis à l’université de Pennsylvanie grâce à l’obtention d’une bourse, il obtient en 1967 un master en économie. Il a travaillé au Fonds monétaire international (il a le directeur du département Afrique du FMI du 1984 à 1988) et à la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) qu’il a dirigée de 1988 à 1990.
En 1990, le président de la Côte d’Ivoire Félix Houphouët-Boigny le met à la tête du Comité interministériel de la coordination du programme de stabilisation et de relance économique. Le 7 novembre 1990, il est nommé Premier ministre, le poste qu’il quitte le 9 décembre 1993, deux jours après la mort de Houphouët-Boigny. En 1994–1999, il retravaille au FMI, cette fois comme directeur général adjoint. Avant les élections présidentielles du 1995, le parti d’opposition, le Rassemblement des républicains, avait déjà l’intention de le proposer comme candidat, mais Ouattara retire sa candidature, car son parti décide de boycotter les élections. Le 1 août 1999, il est élu président du Rassemblement des républicains.
Comme nous le voyons, c’était un candidat idéal pour se mettre à la tête d’un pays avec l’aide d’une intervention extérieure. L’aviation de la France et de l’ONU bombarde massivement les forces gouvernementales et peu de temps après capture Gbagbo, pour ensuite remettre lui et sa famille entre les mains du partisan d’Ouattara. La victoire d’Ouattara aux élections est reconnue par la « communauté internationale ».
Le 30 novembre 2011, Laurent Gbagbo a été conduit à la Haye pour y comparaître devant la Cour Pénale International. Il est accusé des crimes contre l’humanité.
Comme la fortune est changeante…Hier encore, tu es le président d’un pays soutenu par l’Occident et tout va bien pour toi. Mais dès que cela touche aux intérêts de tes « alliés », dès que tu commences à agir de ton propre chef, tu restes en carafe.
Vous me demanderez quel rapport avec l’Ukraine ?
A mon avis, le président de l’Ukraine, ainsi que les hommes politiques qui l’entrouvrent et se bagarrent pour le pouvoir dans le pays doivent toujours panser au sort de Laurent Gbagbo. Hier encore l’Occident a besoin de vous, comme un instrument pratique pour déstabiliser le pays et le piller, en le transformant en une nouvelle colonie. Aujourd’hui, personne ne vous prend plus au sérieux… Vous pouvez disposer… Il se peut que vos places soient bientôt prises par de bons gestionnaires comme Ouattara, qui sait.
Gueorgui Morozov
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