Voici un article qui proposera à l’esprit curieux une collection de perles extrêmement instructives. Ill s’agit de l’interview sur le site de l’agence REGNUM du prix Nobel Svetlana Alexievitch, dont le principal titre à cet honneur me semble sa russophobie active et méprisante. J’ai assorti ce florilège de quelques réflexions personnelles.
Sergueï Gourkine 19 juin 2017 Regnum interview de Svetlana Alexievitch
Le journaliste d’ИА REGNUM a rencontré le prix Nobel Svetlana Alexievitch et s’est entretenu avec elle. La conversation a pris la forme d’une interview, ce dont Alexeïevitch avait été prévenue et à quoi elle avait donné son accord. Au cours de la conversation, le prix Nobel a décidé d’en interdire, pour une raison connue d’elle seule, la publication. Dans la mesure où Alexievitch était au départ consentante, la rédaction d’ИА REGNUM a décidé de la publier entièrement. L’enregistrement de cette interview est disponible à la rédaction.
ИА REGNUM: Dieu sait pourquoi, on ne fait ordinairement des interviews qu’avec des gens avec lesquels on sait qu’on est d’accord dans l’ensemble. Pour relativiser, on ne vous invitera pas sur la Première chaîne, parce qu’ils ne sont pas d’accord avec vous…
Svetlana Alexievitch: Mais sur “Dojd”, on m’invitera…
Précisément. C’est cela le dialogue.
Oui, c’est intéressant de connaître l’image d’un homme qui se trouve de l’autre côté, ce qu’il a dans la tête…
Bien. Il y a quelques temps, vous avez donné une interview retentissante sur la possibilité d’une guerre religieuse, en Biélorussie, entre les orthodoxes et les catholiques, parce qu’on « peut mettre à l’homme n’importe quoi dans la tête ». Et à vous aussi, on peut le mettre ?
Ma profession est de faire en sorte que cela n’arrive pas. Une certaine partie des gens vit de façon consciente, est capable de se défendre, capable de comprendre ce qui se passe alentour. Mais la majorité se laisse porter par le courant et vit dans la banalité.
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C’était le genre de choses que je pensais à dix-huit ans, la vie m’a rendue plus modeste. Svetlana Alexeïevitch n’a pas dépassé ce stade : elle est un esprit éclairé (elle fait même profession de l’être), elle est le sel de la terre, le reste n’est que populace obscure qui vote Poutine ou Trump. Au fait, en quoi Trump la dérange-t-elle puisqu’il fait la même politique que tous les autres, c’est-à-dire celle de l’Etat Profond ? Cet esprit supérieur ne l’a pas remarqué. Svetlana Alexeïevitch pense ce qu’il est convenu de penser dans les cénacles des esprits supérieurs occidentaux qui sont ce qu’on fait de mieux dans le genre. (LG)
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Avez-vous l’impression que dans notre partie du globe terrestre il y a davantage de gens de cette sorte ?
Je pense que c’est comme partout. En Amérique, c’est pareil, autrement, d’où sortirait Trump ? Quand on a affaire à l’individu moyen, on écoute ce qu’il dit. Cela ne conduit pas forcément à aimer les gens. Aussi c’est partout pareil, ce n’est pas seulement un trait russe.
Nous nous trouvons simplement maintenant dans l’état où la société a perdu son sens de l’orientation. Et pour autant que nous sommes un pays de guerres et de révolutions et que le plus important pour nous c’est la culture de la guerre et des révolutions, tout échec historique (du genre la perestroïka, quand nous nous démenions pour être comme tout le monde), lorsqu’il se produit, dans la mesure où la société n’est pas prête pour cela, où revenons-nous ? Nous sommes revenus à ce que nous connaissons. A un état guerrier militaire. C’est notre état normal.
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La Russie est un pays de guerres et de révolutions. Je dirais plutôt cela de la France qui en a connu je ne sais plus combien, après celle de 1789 et les guerres napoléoniennes. Ou des USA qui n’ont pas cessé d’être en guerre depuis leur création et de fomenter des révolutions chez les autres, y compris en finançant les bolcheviques. La plupart des guerres russes ont été défensives ou sécuritaires : repousser le plus loin possible des envahisseurs que n’arrêtaient pas des frontières naturelles. Actuellement, sans l’immense patience des Russes et de leur président, qui ne se prêtent pas aux provocations continuelles, toute l’Europe pourrait être déjà en proie au chaos. (LG)
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Pour parler honnêtement, je ne l’ai pas observé. Je ne vois ni chez les gens que je connais ni chez ceux que je ne connais pas aucune agressivité, aucun esprit guerrier. Que voulez-vous dire par militarisme ?
Si les gens étaient différents, ils seraient tous dans la rue, et il n’y aurait pas de guerre en Ukraine. Et le jour anniversaire de la mort de Politkovskaïa il y aurait eu autant de manifestants que j’en ai vus ce jour-là dans les rues de Paris. Il y avait là de 50 000 à 70 000 personnes. Et chez nous, rien. Et vous dites que nous avons une société normale. Nous avons une société normale parce que nous vivons en cercle restreint. Le militarisme, cela ne signifie pas que tous soient prêts à tuer. Mais cependant, il s’est avéré qu’on est prêt.
Mon père est biélorusse et ma mère ukrainienne. J’ai passé une partie de mon enfance chez ma grand-mère en Ukraine et j’aime beaucoup les Ukrainiens, j’ai du sang ukrainien. Et dans mes pires cauchemars je ne pouvais me représenter que les Russes tireraient sur les Ukrainiens.
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De 50 000 à 70 000 personnes ? Ouh là, le chiffre me paraît bien important… On ne déplace pas les Français pour des choses qui les concernent de beaucoup plus près et 50 000 parisiens seraient allés défiler pour Politkovskaïa ? Je sais bien que le bobo de gauche l’agite à tout bout de champ avec beaucoup de persévérance, mais quand même… (LG)
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Au départ, il s’est produit là bas un coup d’état.
Non, ce n’était pas un coup d’état. Vous regardez trop la télévision.
Je suis né là bas.
Ce n’était pas un coup d’état. C’est la télévision russe qui fait son travail. Les démocrates devraient utiliser la télévision, ils l’ont sous-estimée. Le pouvoir actuel imprime dans la conscience ce qui lui convient. Ce n’était pas un coup d’état. Vous ne vous représentez pas quelle misère régnait la bas…
Je me le représente.
Comme on y volait. Le changement de pouvoir, c’était la volonté des gens. Je suis allée en Ukraine, j’ai visité le « musée de la centurie Céleste » et des gens simples m’ont raconté ce qui s’est passé. Ils ont deux ennemis, Poutine et leur propre oligarchie, la culture du pot de vin.
A Kharkov, à la manifestation de soutien au Maïdan, il y avait trois cents personnes, et celle qui était contre le Maïdan en a rassemblé cent mille. Ensuite, en Ukraine, on a ouvert quinze prisons, dans lesquelles sont enfermés quelques milliers de personnes. Et les partisans du Maïdan se promènent avec les portraits de fascistes avérés.
Et en Russie, il n’y a personne qui se promène avec des portraits de fascistes ?
Ils ne sont pas au pouvoir.
En Ukraine non plus, ils ne sont pas au pouvoir. Porochenko et les autres ne sont pas des fascistes. Vous comprenez, ils veulent se séparer de la Russie, entrer dans l’Europe. Comme dans les pays Baltes. La résistance prend des formes radicalisées. Ensuite, quand ils deviendront un état vraiment indépendant et fort, cela cessera. Mais pour l’instant, ils renversent les monuments communistes, que nous devrions renverser chez nous, ils font la chasse aux programmes de télévision. Et alors, il leur faudrait regarder Soloviev et Kissiliev ?
Ils les regardent sur Internet. Et l’audience n’a absolument pas diminué.
Non, c’est une certaine partie des gens qui les regardent, et pas le peuple.
Eh bien comment vous dire : l’audience des chaînes russes est plus large que celle des chaînes ukrainiennes.
Et alors que regardent-ils ? Pas les programmes politiques.
La vie en Ukraine est devenue plus pauvre, c’est un fait. Et la liberté de parole est bien moindre, c’est aussi un fait.
Je ne le pense pas.
Vous savez qui est Oleg Bouzina ?[1]
Celui qu’on a tué ?
Et il y a des centaines d’exemples comparables.
Mais ce qu’ils disaient appelait une réaction violente.
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Bonne question du journaliste, après sa diatribe sur l’Ukraine et le Donbass où elle reprend tous les mensonges de la propagande occidentale. On n’a jamais su comment avait été vraiment tuée Politkovskaïa, pour le souvenir de laquelle toute la Russie devrait se soulever, mais l’on sait bien qu’Oleg Bouzina a été assassiné pour avoir dit ses quatre vérités au régime de Kiev. Et pas seulement lui. Un nombre impressionnant de journalistes et correspondants de guerre ont été tués là bas, il faut dire qu’ils étaient russes, donc on s’en fout. Et Rouslan Kotsaba, emprisonné pour délit d’opinion, eh bien, comme elle le dit ce qu’ils disaient appelait une réaction violente. Ils n’avaient qu’à la boucler démocratiquement, ces empêcheurs de haïr la Russie en rond. (LG)
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C’est-à-dire que ceux-là, il faut les tuer ?
Je ne dis pas cela. Mais je comprends les motivations des gens qui l’ont fait. De même qu’il ne me plaît pas du tout qu’on ai tué Pavel Cheremet qui aimait l’Ukraine. Visiblement, il y a eu quelques règlements de compte ou quelque chose comme ça.
Vous leur trouvez beaucoup de justifications
Ce ne sont pas des justifications. Je me représente simplement comment l’Ukraine veut construire son état. De quel droit la Russie veut-elle y imposer sa loi ?
Vous êtes allée au Donbass, après le début de la guerre ?
Non, je n’y suis pas allée. Quand la guerre commence, il n’y a plus de justice. A mon avis, Strelkov a dit que la première semaine, les gens avaient beaucoup de mal à tirer les uns sur les autres, que les obliger à tirer était presque impossible. Et après, le sang a coulé. On peut dire la même chose de la Tchétchénie.
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Alors là, elle devrait avoir particulièrement honte, la pécore. Car j’ai encore dans l’oreille la conversation téléphonique de janvier 2014, avant la guerre au Donbass, où Timochenko appelait au massacre des russophones, et dans l’œil les chars ukrainiens arrivant à grande vitesse au Donbass et tirant sur les gens incrédules qui essayaient de les arrêter à mains nues. Sans parler de l’immonde massacre d’Odessa, l’Oradour ukrainien. Les néonazis lui semblent un détail sans intérêt. Il lui suffit que le pouvoir « ne soit pas fasciste ». Ah bon ? Mais il tolère tout cela, l’encourage, l’absout, ses organes de presse poussent sans arrêt au meurtre et parlent de la population russophone comme d’un ramassis de sous-hommes bons à être bombardés, violés, torturés, ce n’est pas grave, c’est la populace qui ne voit pas les lumières de l’Europe l’appeler au bonheur éternel dans la démocratie triomphante où papillonnent joyeusement des slips en dentelles, à la rencontre des demoiselles ukrainiennes privées de tous nos biens de consommation.
Quand à la Tchétchénie, après avoir vu les mensonges éhontés et la désinformation à propos de la guerre de Yougoslavie, de la guerre d’Irak, et de celle du Donbass, eh bien j’ai de gros doutes sur l’unilatéralité des torts et la sauvagerie des Russes, j’en ai aussi de très gros sur la personnalité de sainte Politkovskaïa.
Elle revient avec insistance sur le fantasme des médias occidentaux, l’invasion des Russes. Ah l’invasion des Russes… Elle en a vu des millions de preuves chez les journalistes « honnêtes », le problème est que justement, des preuves, il n’y en a aucune de convaincante à l’ère des satellites qui voient tout, et que depuis trois ans que dure cette horreur, les chars russes n’ont pas encore réussi à quitter le territoire du Donbass pour aller jusqu’à Kiev. Beaucoup moins efficaces en Ukraine qu’en Syrie, les Russes… (LG)
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Même si l’on est d’accord avec la position (que personnellement je désavoue complètement) que les gens, à Kiev, « y sont allés d’eux-mêmes », après cela, les gens à Donetsk y sont aussi allés d’eux-mêmes, sans armes, on ne les a pas écoutés, on a essayé de les disperser, et après, ils sont venus avec des armes. Les uns et les autres sont allés soutenir leur conception du droit. Pourquoi cela est-il permis aux uns et pas aux autres ?
Vous avez fait la même chose en Tchétchénie, pour conserver votre état. Et quand les Ukrainiens ont voulu conserver leur état, vous vous êtes soudain souvenus des droits de l’homme, qu’on ne respecte pas à la guerre. Vous, les Russes, vous avez fait bien pire en Tchétchénie.
Je ne suis pas politicienne. Mais quand se pose la question de l’intégrité de l’état, c’est un problème de politique. Quand on introduit des troupes étrangères et qu’elles commencent à imposer leur loi là où elles ne sont pas chez elles. De quel droit la Russie est-elle entrée au Donbass ?
Vous n’étiez pourtant pas là bas.
Je regarde aussi la télé comme vous et je lis ceux qui écrivent là-dessus. Les gens honnêtes. Quand la Russie est entrée là bas, que vouliez-vous qu’il arrivât ? Qu’on vous accueillît avec des bouquets de fleurs ? Que les autorités fussent contentes de vous voir ? Quand vous êtes entrés en Tchétchénie, où Doudaïev voulait faire son système, son pays, qu’a fait la Russie ? Elle l’a laminé.
Vous avez dit que vous n’étiez pas une politicienne. Vous êtes un écrivain. Il me semble très évident que la lutte actuelle du gouvernement ukrainien avec la langue russe est le principal grief qu’on lui fait. Il y a dix ans, l’agence Gallup a fait une enquête pour savoir quel pourcentage de la population en Ukraine pensait en russe.
Je sais tout cela. Mais maintenant, ils apprennent l’ukrainien et l’anglais.
Ils ont fait cela très simplement : ils ont distribué des enquêtes en russe et en ukrainien. Selon la langue choisie par un individu, on peut savoir celle dans laquelle il pense. 83% des habitants de l’Ukraine pensent en russe.
Que voulez-vous dire par là ? On les a russifiés pendant soixante dix ans, comme les biélorusses.
Vous voulez dire que les gens qui vivaient à Odessa ou à Kharkov ont un jour pensé en ukrainien ?
Je ne sais pas comment c’est chez vous, mais chez nous, en Biélorussie, sur dix millions d’habitants il en est resté six et quelques après la guerre. Et sont venus trois millions de Russes. Ils y sont encore. C’est pareil en Ukraine. Je sais que les gens apprenaient alors la langue ukrainienne. Comme chez nous on apprend la langue biélorusse, croyant qu’un jour viendront des temps meilleurs.
C’est-à-dire qu’on peut interdire aux gens de parler la langue dans laquelle ils pensent ?
Vous avez bien interdit de parler biélorusse en Russie.
Qui l’a interdit ?
Eh bien voyons ! Vous ne connaissez que votre petit monde de l’élite ! A partir de 1922 en Biélorussie, on a constamment éliminé l’intelligentsia.
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Oui, cocotte, mais pas seulement en Biélorussie, dans toute l’URSS… Là commence une sorte de bizarre imbroglio. Elle accuse la Russie de russification, mais à partir de quel moment ? Le communisme ? Pourquoi mettre sur le dos de la Russie l’aventure communiste, venue d’occident par l’intermédiaire d’une équipe d’intellectuels majoritairement juifs qui détestaient la Russie et ne faisaient aucune différence, dans cette détestation, avec l’Ukraine et la Biélorussie, également coupables d’être slaves, rurales et chrétiennes orthodoxes ? D’autre part, l’URSS a justement créé des républiques autonomes dont les frontières ne correspondaient pas à la réalité historique, culturelle et ethnique des contrées concernées, lesquelles n’étaient que des provinces russes parlant dans les campagnes leur dialecte, les deux autres composantes de la sainte Russie ? L’Ukraine, ou plus exactement la petite-Russie, a rejoint la Russie moscovite dont elle avait été séparée par les invasions mongoles et l’expansion polonaise au XVII° siècle, avec les cosaques zaporogues de Bogdan Khmelnitski, résolument orthodoxes et haïssant les Polonais de toute leur âme. J’ai lu au moment du maïdan une lettre d’un cosaque priant de ne pas confondre les zaporogues avec un ramassis d’uniates galiciens, car si les cosaques épargnaient parfois les Polonais, ils empalaient forcément les uniates qui n’étaient que des traîtres et des renégats. Les paysans petits-russiens parlaient et chantaient leur dialecte, Nicolas Gogol et Mikhaïl Boulgakov écrivaient en russe. Elle proclame ensuite que la Biélorussie parlait polonais et biélorusse. J’ai visité le monastère saint Onuphre, sur la frontière polonaise, qui s’est trouvé séparé de la Biélorussie et mis en Pologne après la guerre. C’était un monastère russe depuis le XIV° siècle et qui se considérait encore comme russe. La Biélorussie, frontalière, est souvent passée des Russes aux Polonais et des Polonais aux Russes, les Polonais convertissaient les gens de force, persécutaient les orthodoxes, mais elle les adore, car elle hait les Russes, nous l’avions compris depuis le début de l’interview. L’important pour elle, c’est de trouver des prétextes, des raisons de haïr les Russes et des justifications à toutes les persécutions et toutes les traîtrises. Soutenir la « langue biélorusse » ou la « langue ukrainienne » n’est qu’une façon de dresser coûte que coûte les uns contre les autres des gens qui avaient une communauté d’histoire, de culture, de foi et de mentalité, elle y tient beaucoup. Je ne pense pas qu’avant la révolution, et même après, jusqu’aux années Eltsine, les Ukrainiens et les Biélorusses se soient sentis empêchés de parler leur dialecte et obligés de parler le russe, d’ailleurs, il n’y a pas une si grande différence entre ces divers langages. (LG)
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Que vient faire ici l’année 1922 ? Nous vivons vous et moi en 2017.
Et d’où cela vient-il ? D’où est sortie la russification ? Personne ne parlait le russe en Biélorussie. On parlait le polonais ou le biélorusse. Quand la Russie est entrée et s’est appropriée ces terres, la Biélorussie occidentale, la première loi, ce fut la langue russe. Et aucune université, aucune école, aucun institut ne parle chez nous la langue biélorusse.
C’est-à-dire que dans votre conception, c’est une vengeance pour un événement centenaire ?
Non, c’était une tentative de russification, de faire de la Biélorussie une partie de la Russie. Et de la même façon de faire de l’Ukraine une partie de la Russie.
La moitié du territoire qui entre actuellement dans la composition de l’Ukraine n’a jamais été « ukrainienne », il n’y a jamais eu « d’Ukraine ». C’était l’Empire russe. Et c’est après la révolution de 17, au contraire, que s’est imposée là bas la culture ukrainienne.
Eh bien voilà, vous ne savez rien, en dehors de votre petit morceau de temps, dans lequel vous êtes tombé et vivez. La moitié de la Biélorussie n’a jamais été russe, c’était la Pologne.
Mais l’autre moitié l’était ?
L’autre moitié l’était, mais vous la reteniez de force. Je ne veux pas parler de ça, c’est un tel ramassis de banalités militaristes que je ne veux même pas l’entendre.
Vous dites qu’il y a cent ans (à votre avis), on a imposé la culture russe, et c’était mal, et maintenant qu’on impose la culture ukrainienne, c’est bien ?
On ne l’impose pas. C’est un état qui veut entrer dans l’Europe. Il ne veut pas vivre avec vous.
Pour cela il faut supprimer la langue russe ?
Non. Mais peut-être pour quelques temps, oui, pour cimenter la nation. Parlez russe si vous voulez, mais les établissements universitaires seront en ukrainien.
C’est-à-dire qu’il faut interdire aux gens de parler dans la langue dans laquelle ils pensent ?
Oui. C’est toujours comme ça. C’est ce que vous faisiez.
Je n’ai rien fait de tel.
La Russie. C’est ce qu’elle faisait sur les territoires occupés, même au Tadjikistan on obligeait les gens à parler russe. Vous devriez étudier ce que faisait la Russie ces deux derniers siècles.
Je ne vous interroge pas sur les deux derniers siècles. Je vous parle d’aujourd’hui. Nous vivons aujourd’hui.
Il n’y a pas d’autre façon de créer une nation.
Compris. Dans de nombreuses interviews, vous avez dit que vos connaissances suivaient avec inquiétude ce qui se passe sur le Maïdan et que la voie évolutive de développement est sans conteste la meilleure. Vous aviez en vue avant tout la Biélorussie, mais sans doute aussi la Russie ? Comment vous représentez-vous la voie évolutive qui est ici exigée ?
Il y faut le mouvement même du temps. Si je considère les générations qui ont suivi celles qui attendaient la démocratie, je vois qu’est apparue une génération très servile, des gens absolument pas libres. Beaucoup d’adorateurs de Poutine et de la voie guerrière. Il est donc difficile de dire quand la Biélorussie et la Russie deviendront des pays libres.
Mais je n’admets pas la révolution comme une voie possible. C’est toujours le sang, et arrivent au pouvoir les mêmes personnes, il n’y en a pas d’autres pour l’instant. En quoi consiste le problème des années 90 ? Il n’y avait pas de gens libres. C’étaient les mêmes communistes, sous une autre étiquette.
Et qu’est-ce que c’est que des gens libres ?
Eh bien disons des gens avec une vue européenne des choses. Plus humanitaire. Qui ne pensent pas qu’on peut piller le pays et laisser le peuple sans rien. Vous voulez dire que la Russie est libre ?
Je vous le demande.
En quoi est-elle libre ? Un petit pourcentage de la population possède toute la richesse et les autres sont restés sans rien. Les pays libres, c’est par exemple, la Suède, la France, l’Allemagne. L’Ukraine veut être libre, la Biélorussie et la Russie, non. Combien de gens participent aux actions de Navalny ?
C’est-à-dire que les gens libres sont ceux qui ont un regard européen sur les choses ?
Oui. Là bas, la liberté a fait beaucoup de chemin.
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Voilà, les gens qui voient les élections manipulées et faussées, le pouvoir confisqué, la liberté d’expression réduite à une peau de chagrin dans un pays où toute la presse nationale est aux mains de quelques milliardaires mondialistes apprécieront. La liberté chez nous a fait beaucoup de chemin… vers le mur où on va la fusiller ! Personnellement, depuis ma jeunesse, j’ai senti que je n’avais qu’à la boucler, car je n’avais pas les idées convenables et la clique qui nous muselait à l’intimidation, recourt maintenant à la calomnie, aux tribunaux iniques, aux condamnations arbitraires, au deux poids deux mesures, à la mise à mort civile du dissident cloué au pilori de la bien-pensance, privé de son travail, de la possibilité de publier, exposer, se produire, parfois emprisonné et contraint de payer de lourdes amendes. Les journalistes résistants sont virés, comme nous venons de le voir avec Natacha Polony. Notez que si le nationalisme, même teinté de nazisme, est tout à fait licite chez les Ukrainiens, en Biélorussie, dans les pays Baltes, en Tchétchénie, le patriotisme de Marine le Pen, caca, pas beau. Macron le mondialiste qui muselle et verrouille la France dans les structures anonymes de l’Europe mondialiste, lui, très bien, vachement « libre »…
Quelqu’un m’expliquera-t-il un jour ce que c’est que la liberté pour la plupart des imbéciles qui en parlent tout le temps ? (LG)
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Et si quelqu’un ne partage pas le tableau européen du monde ? Par exemple, il comporte le concept de tolérance, et peut-on être un orthodoxe fondamental qui ne considère pas que la tolérance soit juste ?
Ne soyez pas aussi primaire. La foi de quelqu’un, c’est son problème. Quand je suis allée en France voir une église russe, il y avait beaucoup d’orthodoxes. Personne ne les dérange, mais ils n’imposent pas leur vision aux autres, comme cela se passe ici. Là bas, les prêtres sont complètement différents, l’Eglise n’essaie pas de devenir un pouvoir, et ne se soumet pas au pouvoir. Discutez avec n’importe quel intellectuel européen et vous verrez que vous êtes un coffre bourré de superstitions.
J’ai passé un an en Italie, et quatre-vingt-dix pour cent des intellectuels que j’ai rencontrés ont une grande sympathie pour les idées de gauche et pour le président de Russie[2].
Il y a des gens comme cela, mais pas si nombreux. Ils réagissent comme cela devant vous, parce qu’ils ont vu un Russe avec des opinions radicales. Poutine n’a pas là bas un si grand soutien que vous le pensez. Il y a juste le problème des gauchistes. Cela ne veut pas dire que Le Pen, c’était ce que voulait et veut la France. Grâce à Dieu, la France a gagné.
Mais pourquoi « la France aurait-elle perdue », si une majorité de Français avait voté pour elle ?
Lisez son programme.
J’ai lu les deux. Dans le programme de Macron, il n’y a rien, à part des propos généraux sur le thème « nous devons vivre mieux ».
Non. Macron, c’est vraiment la France libre. Et Le Pen, c’est la France nationaliste. Heureusement que la France n’a pas voulu être comme cela.
Une France nationaliste ne peut pas être libre ?
Elle proposait simplement une variante extrême.
Dans une de vos interviews, vous avez dit : « Hier je marchais le long de Broadway et il était visible que chacun était une personnalité. Mais si on marche à Minsk, Moscou, on voit que se déplace un corps populaire. Commun. Oui, ils ont de nouveaux vêtements, de nouvelles voitures, mais dès qu’ils ont entendu le cri de guerre de Poutine « la grande Russie », ils sont à nouveau un corps populaire ». Vous avez vraiment dit cela ?
Oui, je l’ai dit. Mais je l’ai dit en faisant référence au philosophe Léontiev. J’ai lu quelque part cette citation de lui. Mais comme toujours dans le journalisme, on a supprimé cette partie de la réponse.
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Ah ça, c’est merveilleux. Là, on atteint le sommet. De manière diamétralement opposée, j’aime la Russie parce qu’elle a gardé ce que nous n’avons plus : cette homogénéité qui fait de ses habitants un peuple, un grand organisme, et encore, malheureusement, il en a pris un coup comme nous tous. J’ai la nostalgie du peuple, à la façon russe : une sorte de grande famille, avec son père le tsar au sommet, qui respire d’un même souffle avec le vent, les nuages de son immense pays, chante d’un même cœur ses chansons immémoriales et prie en communion dans l’Esprit Saint qui irradie l’Eglise. Eh bien ça, ça ne lui plait pas, à la nobellisée, je dirais que c’est même là la première raison de sa haine inexpiable envers la Russie, pas l’URSS, mais justement la Russie, une haine qu’elle partage avec toute la lie trostkiste, mondialiste, néoconne qui est en train de nous détruire de fond en comble, les Soros, BHL and Co, parce qu’elle n’a pas sa place là dedans, de même que le diable n’a pas sa place dans l’harmonie divine, et suinte d’amertume dans le nulle part de la géhenne. Son soutien à l’Ukraine actuelle, ce monstre de Frankenstein, ce Golem hagard, et sa passion de la langue biélorusse comme de la cause Tchétchène tiennent à son désir passionné de détruire tout ce qui est organique, cosmique, harmonieux, ancestral, traditionnel et d’introduire partout la discorde et le chaos. Cette chauvine de l’Ukraine indépendante (indépendante, l’Ukraine actuelle ? Ah je me marre !) pense et agit de la même manière que les mondialistes convaincus qui veulent un monde sans frontières ni particularismes, une humanité où, comme à Broadway où elle se promène avec extase, « chacun est une personnalité », c’est-à-dire un individu isolé relié à rien, dont on fait ce qu’on veut, un poisson de banc. La liberté de la nobellisée que n’ont pas les Russes mais sur la voie de laquelle l’Europe a fait beaucoup de chemin, c’est l’errance aveugle et solitaire du poisson de banc. (LG)
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Je ne supprimerai rien.
Mais là bas, tu vois vraiment, en marchant, que se déplacent des gens libres. Et chez nous, même ici, à Moscou, on voit que les gens ont une vie difficile.
C’est-à-dire que vous êtes d’accord avec cette citation ?
Absolument. C’est visible même d’après la plastique.
Cette jeune fille, là, la barmaid du café où nous sommes assis, elle n’est pas libre ?
Arrêtez, qu’est-ce que vous racontez ?
Voilà pour vous une personne réelle.
Non, elle n’est pas libre, je pense. Elle ne peut pas vous dire, par exemple, les yeux dans les yeux, ce qu’elle pense de vous. Ou de ce gouvernement.
Pourquoi le pensez-vous ?
Non, elle ne le dira pas. Et là bas, n’importe qui le dira. Prenons mon cas. Quand on m’a donné le prix Nobel, j’ai reçu (c’est l’étiquette dans tous les pays) les félicitations de présidents de beaucoup de pays. Y compris de Gorbatchev, du président de la France, du chancelier d’Allemagne. On m’a dit ensuite qu’allait venir un télégramme de Medvedev.
Mais à ma première conférence de presse, alors qu’on m’interrogeait sur l’Ukraine, j’ai dit que la Crimée était occupée, que dans le Donbass, la Russie avait fomenté la guerre avec l’Ukraine. Et qu’on pouvait le faire partout, car il y a beaucoup de points chauds partout. Et l’on m’a dit qu’il n’y aurait pas de télégramme, car cette citation avait été diffusée par « Echo Moskvy ».
Jusqu’à Trump, en Amérique, une telle chose était impossible. Tu pouvais être contre la guerre du Vietnam, contre ce que tu voulais, mais quand tu avais le prix Nobel, le président te félicitait, parce que c’est une fierté pour cette culture. Et chez nous, on te demande si tu es dans ce camp ou dans l’autre.
Vous dites parfois à propos de la Russie « nous » et parfois « eux ». Alors finalement, c’est « nous » ou c’est « eux » ?
Tout de même « eux ». Déjà « eux », malheureusement.
Mais alors ce premier ministre n’est pas celui de votre gouvernement, pourquoi serait-il obligé de vous féliciter ?
Mais nous le considérons comme un gouvernement allié. Nous sommes encore étroitement liés. Nous ne nous sommes pas encore arrachés, et qui nous laissera le faire ? Bien que nous voulions nous arracher.
Alors cela veut dire « eux » ?
Pour l’instant, c’est encore « nous ». Je suis quand même quelqu’un de la culture russe. J’ai écrit sur cette époque, sur tout, en russe et bien sûr, j’aurais été contente de ce télégramme. D’après mes conceptions, il devait me l’envoyer.
On vous a donné le prix Nobel il y a presque deux ans. Que vous semble-t-il, maintenant, pourquoi précisément l’avez-vous reçu ?
Il faut le leur demander à eux. Si vous étiez tombé amoureux d’une femme et elle de vous, la question « pourquoi l’avez-vous aimée » semblerait ridicule. C’était une question stupide.
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Mais non, ma chère, elle n’est pas du tout stupide, la question, et la réponse est simple. On vous l’a donné pour toutes les raisons que je viens d’énumérer plus haut : pour votre haine écumante de la Russie, dont j’avais eu déjà plusieurs exemples chez d’autres intellectuels dans votre genre, qui se jetaient sur moi en pensant trouver, chez une occidentale, une oreille complaisante. On vous l’a donné pour votre adulation imbécile de l’Occident actuel, et de sa mafia bancaire transnationale, de ses chimères politiques, de sa nuisance internationale, de son acharnement à casser tout ce qui faisait la grandeur, la richesse et la diversité des peuples humains de la terre. Pour le service que vous lui rendez en soutenant la mauvaise cause de la discorde et de la guerre civile, en gobant n’importe quel mensonge sans vérifier, pourvu qu’il justifie votre détestation. Une pareille interview ne donne pas envie de lire votre littérature, vous aviez raison d’en craindre la parution. Ni même de boire un café avec vous à la terrasse d’un bistrot parisien. Je n’ai jamais mieux compris ce qui meut vos semblables, ni pourquoi ils m’ont toujours fait horreur, et je vous remercie d’avoir apporté cette pièce au puzzle qui me compose peu à peu la vision globale de la venue de l’Antéchrist et des derniers temps (LG)
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Mais quand même, la décision fut prise non au niveau des sentiments, mais rationnellement.
On m’a dit : « Eh bien, vous attendez sans doute depuis longtemps le prix Nobel ». Mais je n’étais pas idiote au point de l’attendre assise.
Et si le comité Nobel vous demandait un jour à qui, parmi les auteurs qui écrivent en russe, il conviendrait de donner le prix, qui désigneriez-vous ?
Olga Sedakova. C’est quelqu’un qui correspond à ma représentation de ce que doit être un écrivain. C’est aujourd’hui une figure très importante de la littérature russe. Ses opinions, sa poésie, ses essais, tout ce qu’elle écrit nous dit qu’elle est un grand écrivain.
En lien avec vos livres, je voudrais revenir au thème du Donbass, mais pas sur le plan politique. Beaucoup de vos livres parlent de la guerre et des gens dans la guerre. Mais vous n’allez pas voir cette guerre.
Je n’y suis pas allée et je n’irai pas. Je ne suis pas allée non plus en Tchétchénie. Un jour j’en parlais avec Politkovskaïa. Je lui ai dit : Ania, je n’irai plus vers la guerre. D’abord, je n’ai déjà plus les forces physiques de voir une personne tuée, de voir la folie humaine. En outre, tout ce que j’ai compris de cette folie, je l’ai déjà dit. Je n’ai pas d’autres idées. Et écrire encore une fois la même chose, quel intérêt ?
Vous ne considérez pas que votre avis sur cette guerre pourrait changer si vous y alliez ?
Non. Là bas, il y a des écrivains ukrainiens et russes qui en parlent.
Mais vous répondez aux questions, vous parlez de ces événements.
Cela se passe dans un autre pays. Et je peux répondre à ces questions en tant qu’artiste, pas comme partie prenante. Pour écrire les livres que j’écris, il faut vivre dans le pays dont il est question. Cela doit être ton pays. L’Union Soviétique, c’était mon pays. Et là bas, il y a beaucoup de choses que je ne sais pas.
Je n’ai pas tant à l’esprit la rédaction d’un livre que la compréhension de ce qui se passe là bas.
Vous voulez me dire que là bas, c’est terrible ? C’est la même chose qu’en Tchétchénie.
Mais vous n’y êtes pas allée.
Alors, Dieu merci, on montrait toute la vérité à la télévision. Personne ne doutait qu’il y avait là bas du sang et des larmes.
Je parle d’autre chose. Les gens qui vivent au Donbass sont certains de leur bon droit. Ce sont des gens ordinaires et ils soutiennent le pouvoir de la résistance. Peut-être que si vous les voyiez, vous les comprendriez autrement ? Ce sont aussi des gens.
Les Russes peuvent aussi bien mener leurs troupes dans les pays Baltes, puisque il y a là bas beaucoup de Russes mécontents. Vous trouvez normal d’être parti et d’avoir pénétré dans un pays étranger ?
Je trouve normal que pendant 23 ans, c’ait été pour le gouvernement ukrainien une loi non écrite que la reconnaissance là bas de deux cultures, la russe et l’ukrainienne. Et cet équilibre fut plus ou moins respecté sous tous les présidents.
C’était comme cela jusqu’au moment où vous y êtes entrés.
Ce n’est pas vrai. En hiver 2013, avant la Crimée, nous avons entendu où il fallait envoyer les « Moscovites »[3]. Et en février 2014, tout de suite après le coup d’état, et avant toute Crimée, nous avons vu les projets de lois contre l’utilisation de la langue russe. Les gens qui vivent dans la partie sud-est du pays se considèrent comme russes, et ne considèrent pas Bandera[4] comme un héros. Ils sont allés protester. Et vous, on ne sait pourquoi, vous considérez que les gens de Kiev ont le droit de protester, et ceux qui sont à l’est ne l’ont pas.
Mais n’y avait-il pas là bas des tanks russes, de l’armement russe, des mercenaires russes ? C’est de la connerie, tout ça. Sans votre armement, la guerre n’aurait pas eu lieu. Alors ne me cassez pas la tête avec ce délire dont votre tête est bourrée. Vous vous laissez si facilement prendre à n’importe quelle propagande. Oui, il y a là bas la douleur et la peur. Mais c’est sur votre conscience, celle de Poutine. Vous vous êtes engouffrés dans un pays étranger, sur quelle base ? Il y a sur Internet des millions de cadres, où l’on voit là bas circuler la technique russe. Tout le monde sait qui a descendu le Boeing et ainsi de suite. Finissons donc cette stupide interview. Je n’en peux plus. Vous êtes juste un échantillonnage de propagande, et non un homme doué de raison.
Bien. Dans une interview au journal El Pais vous avez dit que la propagande soviétique n’était pas aussi agressive que maintenant.
Absolument. Ecouter l’idiotisme de Soloviev et Kissiliev. Je ne sais pas comment c’est possible. Ils savent eux-mêmes que ce n’est pas la vérité.
Dans la même interview, vous avez dit que l’Eglise ne se limitait pas à l’interdiction de travaux théâtraux et de livres.
Oui, elle se mêle de ce qui ne la regarde pas. Ce n’est pas son problème, comment monter des spectacles et que tourner. Nous allons bientôt interdire les contes pour enfants parce qu’il y aurait là dedans des scènes de sexe. Il est vraiment très drôle de regarder de l’extérieur dans quelle folie vous vivez.
A entendre les députés de la Douma qui se battent avec les films d’art et d’essai, et quelles interdictions de la part de l’Eglise avez-vous à l’esprit ?
Mais autant que vous voulez. Tous ces orthodoxes à qui il semble que Serebriannikov monte quelque chose qui ne va pas, Tabakov fait quelque chose de pas convenable. A Novosibirsk, on a interdit son spectacle.
Vous considérez que c’est la position de l’ensemble de l’Eglise ?
Je pense que cela vient même d’en bas. De cette noirceur, de cette écume qui s’est soulevée aujourd’hui. Vous savez, notre interview ne me plaît pas, et je vous interdis de l’imprimer.
Sergueï Gourkine
Traduction Laurence Guillon
Source
[1] Journaliste ukrainien assassiné par le pouvoir qu’il critiquait.
[2] En Russie, les libéraux, qui partagent les vues des bobos socialistes français, se disent de droite. Poutine, en Russie est de gauche…
[3] Les gens du Maïdan criaient qu’il fallait envoyer les « Moscovites » à la mort.
[4] Bandera : nationaliste ukrainien allié aux nazis pendant la guerre.
[5] Journaliste ukrainien assassiné par le pouvoir qu’il critiquait.
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