Le jour de l’anniversaire de six mois des accords de Minsk, le 12 août, le ministère ukrainien de la Défense a mis au point la nouvelle doctrine militaire du pays élaborée depuis automne 2014. Elle prévoit, notamment, d’accorder à l’armée une augmentation de 240 millions de dollars par rapport à 2014, soit de porter les dépenses militaires de 1,42% à 5% du PIB. Ce chiffre dépasserait même les 2% que les pays membres de l’OTAN se sont engagés de dépenser pour la défense d’ici 2024 ! Les militaires ukrainiens obtiendront, en outre, plus de 40.000 nouveaux véhicules blindés et plus de 30.000 missiles et munitions. S’ajoute à cela l’intention de Kiev de mettre en place un bouclier antimissile et d’adopter les standards de l’OTAN, annoncée en avril par le secrétaire du Conseil de sécurité nationale et de défense ukrainien (SNBO), Alexandre Tourtchinov.
Adoubé par Washington, le président ukrainien Piotr Porochenko ne cache même plus ses ambitions belliqueuses et reconnaît que les accords de Minsk ont échoué. L’illusion n’en était même pas balayée, a annoncé Richard Labévière, journaliste et essayiste, rédacteur en chef de la revue de l’Institut des hautes études de défense nationale «Défense» (2003-2010), rédacteur en chef d’Esprit@corsaire : «Il y a une volonté de l’armée ukrainienne de remettre en cause les accords de Minsk. Sur le plan militaire, on voit que les forces de Kiev ont repris l’initiative militaire (batailles de Marinka et de Krasnogorovka), probablement confortées par les dernières déclarations du chef de l’état-major des Etats-Unis qui considèrent la Russie comme l’ennemi stratégique le plus préoccupant pour l’hégémonie américaine. Les raisons avancées sont la modernité et les dotations en matériel performant de l’armée russe. Le Pentagone abaisse ses cartes en prônant un rattachement de l’Ukraine à l’OTAN. Or, c’est prévu depuis le début de la négociation des accords-cadres entre l’Union européenne et l’Ukraine, excluant Moscou. C’est bel et bien dans le sillage du cheval de Troie de l’Union européenne».
L’adoption d’une nouvelle doctrine militaire le jour de l’anniversaire de six mois des ententes de Minsk n’est pas une coïncidence de calendrier. Richard Labévière témoigne : «Après la chute du mur de Berlin, les Ukrainiens ont construit un mur, dont ils annoncent l’achèvement en 2018, qui va coûter des centaines de millions de dollars. On y voit une volonté de partition du pays, du rattachement non seulement aux pays de l’Union européenne, mais aussi aux pays de l’OTAN. Toutes les initiatives russes : modernisation des capacités de défense, réinvestissement dans certaines zones géopolitiques comme l’Arctique, fermeté dans la crise syrienne, etc. – agace les Etats-Unis et les pays de l’OTAN. Logiquement, on est, à travers l’Ukraine, dans un rapport de force, un bras-de-fer traditionnel opposant les Etats-Unis et leurs alliés de l’OTAN face à la Russie. C’est insupportable dans un contexte de mondialisation qui profite essentiellement aux intérêts américains et anglo-saxons».
Pour le moment, la crise ukrainienne semble être délaissée. A la fin de son deuxième mandat présidentiel, le président Barack Obama a d’autres chats à fouetter, le sénateur guerroyeur John McCain fait pâle figure et s’abstient de tout commentaire. Idem pour Paris et Berlin qui restent intacts face au «silence de Minsk». Quant à Moscou, la rhétorique belliqueuse de Kiev continue toujours de susciter les regrets du Kremlin.
Si, auparavant, la crise ukrainienne était synonyme du «Kosovo à l’envers», Milochevitch étant puni par Washington pour avoir gouverné un pays économiquement et militairement indépendant qui ne voulait pas adhérer à l’Union européenne ni à l’OTAN, aujourd’hui, on peut dresser un parallèle avec le scénario vietnamien au milieu du XXième siècle. Le pays était divisé en deux parties, le Sud étant soutenu par les Etats-Unis et le Nord – par l’URSS. Du point de vue militaire, l’affrontement entre l’Ukraine de l’Est et de l’Ouest est presque identique. Cependant, le «Vietnam ukrainien» se trouve en Europe près des frontières russes, le Donbass étant, en quelque sorte, le «Vietnam du Nord».
Faute de point culminant d’affrontements en Ukraine, le pays serait, sans doute, partagé après les élections en octobre. Porochenko a déjà qualifié de «destructeur» le vote du 18 octobre et du 1er novembre dans le Donbass. Il faut lui rendre justice : il le serait pour l’unité territoriale du pays.
D’après un scénario qui paraît plausible, Moscou reconnaîtrait les résultats des élections en tant que conformes aux accords de Minsk-2. Peu importe quelles en seraient les conséquences, car les sanctions restent toujours en vigueur. Ce sont les nouvelles frontières qui seront la pierre d’achoppement entre les parties concernées, l’état actuel des choses n’arrangeant ni le Donbass, ni la Russie. Le coût aussi bien pour Kiev que pour l’Union européenne serait de maintenir les relations avec le Kremlin qui bénéficie d’importantes réserves énergétiques.
Voilà pourquoi Moscou, Paris, Berlin, voire Washington sont tranquilles comme Baptistes. En Ukraine, l’activité de l’armée se conjugue avec le retrait des bataillons nazis (Aïdar), la première entrant régulièrement en conflit, parfois sanglant, avec les derniers. De cette manière, Porochenko, semble-t-il, essaie de reprendre le contrôle des bataillons de volontaires qui sont prêts à faire démissionner le président et à organiser un vote de confiance, comme l’avait proposé Pravyi sektor. Parviendrait-il à stopper ce mécanisme de partage et de morcellement du pays ? On verra.
Valéria Smakhtina
Recent Comments
Сергей Георгиевич Джура in: Телефоны «горячей линии» Центрального Республиканского банка ДНР
Здравствуйте, дорогие Друзья! Подскажите пожалуйста, к кому обращаться ...
Chapaate in: Espionnage et actions de déstabilisation : Médecins Sans Frontières interdit à Donetsk et Lougansk
Je ne peux guere te donner tord sur ce sujet. Des medecins roumains o ...
Jean-Claude in: Espionnage et actions de déstabilisation : Médecins Sans Frontières interdit à Donetsk et Lougansk
Très bonne décision, MSF est une ONG sponsorisée par des organisations ...
vlad in: Flirter avec la Turquie porte malheur ... mais l’UE ne l’a pas encore compris
c'est bien parce que la russie est fondée sur une puissance publique f ...
Roger in: Timoshenko’s party failing local elections in Ukraine - exit polls
Elect Mr. Zacharchenko as president of Ukraine, with Givi as Prime Min ...