Une campagne médiatique contre le Premier ministre russe D. Medvedev a été lancée début août. Il est vrai que l’intéressé est un habitué des petites phrases qu’il aurait mieux fallu éviter, comme chaque homme politique en compte à son actif. Mais tous ne bénéficient pas d’une campagne lancée par The Financial Times. Alors pourquoi? Ou … Pour qui?
Le 2 août, lors du forum Territoire des idées sur Kliazma, D. Medvedev a une de ses formules malheureuses. Lorsqu’un enseignant de l’Université publique du Daghestan lui signale qu’il est anormal que le salaire moyen des enseignants dans cette région russe soit de 10-15 000 roubles (1 euro égale environ 70 roubles), alors qu’un officier de police touche au minimum 50 000 roubles, D. Medvedev lui répond que lui gagnait, en sortant de l’Université, 90 roubles et un lieutenant de police 250, ce qui était un salaire important dans les années 80. Si déjà cela n’a strictement aucun sens, puisque le rouble a changé de cours, le pire est à venir lorsque le Premier ministre lui explique qu’il peut travailler dans le business à côté, puisqu’il est jeune et énergique. L’on aurait préférer qu’il lui propose d’orienter son énergie vers la recherche … mais essayez de vivre avec 10 000 roubles.
La réponse du Premier ministre est mauvaise. On ne peut pas dire en substance à quelqu’un qui gagne si peu: c’est une vocation, soyez-heureux et si vous voulez gagner de l’argent en plus de vous faire plaisir, faites du business.
Même si le porte-parole du Kremlin nuance la réponse désastreuse en expliquant qu’il faille la replacer dans son contexte, que Medvedev lui-même a fait du business dans sa jeunesse qu’il était détendu, l’explication est peu convaincante. La réponse est mauvaise. Chaque personne a droit à un salaire correspondant à sa qualification et la “vocation” n’est pas une excuse pour souspayer médecins, enseignants et autres professions “à vocation”. Cela traduit surtout le culte du business chez le Premier ministre russe, cette attitude un peu naïve post-soviétique face à un libéralisme débridé et salvateur. Le business devant être la réponse à tous les maux. Et s’il voulait dire autre chose, dans ce cas … il fallait dire autre chose. En fait, il fallait penser autre chose.
Et il est vrai que D. Medvedev a des difficultés à cacher ses tendances parfois “très” libérales. On se souvient aussi de sa sortie en Crimée lorsqu’il a répondu à une mamie qui se plaignait du montant de sa pension face à l’augmentation des prix:
“Il n’y a pas d’argent. Si nous trouvons de l’argent, nous indexerons les pensions. En attendant, tenez le coup, que tout aille bien pour vous et la santé”.
Ici aussi la réponse est totalement incongrue. D’autant plus que les pensions ont été finalement réindexées. Mais même s’il n’y a pas d’argent, on ne répond pas ça. Ou on ne fait pas de politique. Il ne s’agit pas de mentir, il s’agit de savoir formuler les choses. Et d’avoir un minimum de délicatesse. Bref de s’intéresser aux gens, à tous, également à ceux qui n’ont pas pour ambition de faire du business ou de la haute technologie.
Toutefois, tout ceci n’explique pas la campagne d’information qui a été lancée contre lui. Lui, l’ancien Présiddent “pro-occidental” qui avait donné tant d’espoir.
En effet, le lendemain de ce fatal “faites du business”, le 03 août, la vidéo sort sur les réseaux sociaux et tourne en boucle, reprise par tous les médias. C’est alors que la presse russe se souvient d’un article du Financial Times qui annonçait la mise à l’écart de Medvedev en septembre après les législatives … au profit de l’incontournable A. Koudrine. L’article est sorti le 1er août.
Et le 04 août, une pétition est lancée sur le site américain Change.org, site à la mode pour soi-disant permettre l’expression de la démocratie populaire, essentiellement médiatisé lorsqu’il d’agit des questions servant les intérêts de la politique américaine. Cette pétition a été mise en place par un certain Alexandre Di. Le texte de la pétition était le suivant: “Le cabinet des ministres doit être dirigé par une personne compétente, éduquée et qui aime son pays. Maintenant, nous voyons une toute autre image”. En une journée la pétition a obtenu 160 000 signatures et à ce jour elle en compte 264 000. L’avantage de ces pétitions réside dans l’absence total de contrôle sur les signatures, comme nous l’avons vu lors du Brexit. Donc n’importe qui peut signer n’importe quoi, un organisme peut également facilement faire tourner le compteur. Bien loin de la démocratie populaire, mais suffisant pour lancer une campagne de presse.
“Il n’y a pas d’argent. Si nous trouvons de l’argent, nous indexerons les pensions. En attendant, tenez le coup, que tout aille bien pour vous et la santé”.
Ici aussi la réponse est totalement incongrüe. D’autant plus que les pensions ont été finalement réindexées. Mais même s’il n’y a pas d’argent, on ne répond pas ça. Ou on ne fait pas de politique. Il ne s’agit pas de mentir, il s’agit de savoir formuler les choses. Et d’avoir un minimum de délicatesse. Bref de s’intéresser aux gens, à tous, également à ceux qui n’ont pas pour ambition de faire du business ou de la haute technologie.
Toutefois, tout ceci n’explique pas la campagne d’information qui a été lancée contre lui. Lui, l’ancien Présiddent “pro-occidental” qui avait donné tant d’espoir.
En effet, le lendemain de ce fatal “faites du business”, le 03 août, la vidéo sort sur les réseaux sociaux et tourne en boucle, reprise par tous les médias. C’est alors que la presse russe se souvient d’un article du Financial Times qui annonçait la mise à l’écart de Medvedev en septembre après les législatives … au profit de l’incontournable A. Koudrine. L’article est sorti le 1er août.
Quant à savoir au profit de qui, deux hypothèses sont également avancées par cette “source”. Soit un concurrent à l’intérieur qui prétend à la fonction, pour ne pas citer le fameux Koudrine ou l’un de ses clones, soit des forces allant des partis politiques aux structures financières intéressées à ce que Edinaya Rossiya ait de mauvais résultats aux prochaines élections.
Quelques remarques pour conclure.
- Tout d’abord, le clan néolibéral joue sur la vague de la crise économico-financière pour justifier une restructuration de l’Etat. Un Etat ça coûte cher, de tous temps. Mais il a son rôle a jouer, sauf dans la logique néolibérale où l’individu est livré à lui-même. Plusieurs réformes en ce sens ont été adoptées en Russie, toutefois il y a encore trop de résistance au goût d’individus comme Gref (Sberbank), Koudrine ou autres membres de ce club assez fermé et de leurs divers “cercles de réflexion”. Le bloc économique et financier du Gouvernement, accompagné de personnes comme Dvorkovitch ou Chuvalov, ont souvent été accusés de soutenir ce type de politique.
- La deuxième conclusion qu’il faille en tirer est celle de l’impasse d’une politique axée sur le compromis. Etre le Président de tous les russes n’entraîne pas de chercher à tout prix l’accord de tous les clans politiques. Cela conduit à des compromis contre nature, ou contre politique. Le clan libéral et le clan néolibéral ne sont pas compatibles, ils ne peuvent gouverner ensemble. Chacun tente de tirer la couverture et lorsqu’il en a la possibilité de faire adopter une mesure qui va en son sens. Ce qui donne un manque de visibilité de la politique intérieure russe. Par ailleurs, cette faiblesse artificiellement créée peut porter atteinte à la politique internationale. L’on se souviendra de la sortie de Koudrine contre la politique internationale russe, qu’il considère trop active et donc trop couteuse. Vite remis à sa place car allé trop loin, il est évident que ces positions n’en sont pas moins inconciliables.
Plus que de savoir si le temps de D. Medvedev est passé ou non, cela ne dépendant en aucun cas de sites douteux comme Change.com mais de la volonté de la population russe, il est fondamental que la Russie se décide réellement à faire des choix politiques. Des choix qui entraînent donc la nécessité de choisir également les personnes aptes à les mettre en œuvre. Le sort de Medvedev n’est pas en ce sens à l’origine de ce choix, mais en sera la conséquence.
Karine Bechet-Golovko
Source
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