Face à l’Etat islamique, l’Occident préférerait perdre la Syrie et d’autres pays de la région plutôt que de soutenir la politique pro-Assad de Moscou.
Ces derniers jours, la Russes ont réussi à surprendre les Américains à trois reprises. D’abord, en augmentant leur soutien militaire au régime du président Bachar el-Assad. Ensuite, quand ils ouvert un centre de coordination entre Russie, Syrie, Iran et Irak à Bagdad, ce qui sous-entend l’échange de renseignements entre les quatre pays. La dernière et la plus grande surprise fut ce que les Américains ont appelé « l’essence versée sur le feu » : quand Moscou a lancé une opération aérienne contre les djihadistes en Syrie, prévenant Washington une heure avant les frappes.
Un examen plus ou moins lucide du contexte moyen-oriental, avec les tensions chiito-sunnites et israélo-palestiniennes, aurait montré qu’entre deux maux, la Russie a choisi le moindre. Soit elle aurait laissé Daesh se propager au-delà du Moyen-Orient ; car, une fois le régime syrien sera tombé, les djihadistes arriveront en Russie et dans les pays de l’espace post-soviétique en obligeant Moscou de s’engager dans une opération terrestre, y compris au sein de son pays, avec toutes les conséquences qui en découlent. Soit la Russie aide le gouvernement légitime d’Assad en armant les troupes syriennes au sol et en bombardant les positions de Daesh.
Les succès des frappes russes sont indéniables. Depuis le 30 septembre, un centre de commandement de l’Etat islamique a été détruit dans la province d’Alep et un autre – dans la ville de Raqa, tandis que l’unique frappe américaine a permis de détruire … deux excavateurs ! La polémique continue d’enfler autour de l’efficacité des actions de la coalition de 62 pays…
Myriam Benraad, spécialiste du Proche-Orient, chercheuse à Sciences Po Paris, nous a donné sa vision du conflit qui s’internationalise encore : « Le Moyen-Orient est un piège pour tous ceux qui y mettent le pied. C’est un bourbier, une véritable poudrière.
Concernant l’engagement russe en Syrie, mon seul espoir est que cela puisse relancer les négociations beaucoup plus sérieuses entre la Russie, les Etats-Unis et d’autres acteurs de la région pour décider du sort d’Assad et de ce qu’on peut reconstruire en termes politiques. Au moment de la guerre du Golfe, les Russes et les Américains s’étaient étroitement coordonnés autour de la crise irakienne pour y répondre de manière multilatérale. Ces arrangements américano-soviétiques de l’époque qui devaient, dans la période de l’après-guerre froide, accoucher d’une sécurité collective gérée par l’ONU, ont été trahis par les Américains (par la guerre d’Irak, en 2003, et de Libye, en 2011). L’engagement russe en Syrie est une réponse à cet unilatéralisme. C’est évident. Sergueï Lavrov l’a dit à plusieurs reprises. Et les Américains en payent le prix. D’autres pays, comme le Venezuela, ont levé la voix en disant que les Etats-Unis ne peuvent plus se comporter comme ils l’ont fait au cours de ces 25 dernières années. Je pense que de ces tensions russo-américaines, avec la crise ukrainienne derrière, va pouvoir renaître un dialogue entre Washington et Moscou. »
Cependant, à peine l’armée de l’air russe avait reçu l’ordre du président Vladimir Poutine d’attaquer les terroristes en Syrie, que la presse occidentale est tombée en une frénésie inquisitoriale. Accusant la Russie de « voler au secours de son allié Assad sous couvert de combattre le terrorisme », les grands médias ont diffusé en chœur vidéo et photos montrant des victimes syriennes parmi les civils. Or, ces hommes, femmes et enfants ensanglantés qui dénoncent « la férocité des Russes », ne sont que des « fakes ». Les photos ont été prises le 28 septembre, voire avant. Sourires rares et nerfs d’acier, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a condamné la guerre d’information et a martelé que les frappes étaient préméditées.
Le scandale était, d’ailleurs, loin de désarçonner les Américains dont les positions au Moyen-Orient se sont vues ébranlées par Moscou. Washington a demandé aux autorités irakiennes de ne pas transmettre à « un pays tiers », en l’occurrence la Russie, les renseignements que les Etats-Unis communiquent à Bagdad. Pourquoi mettre des bâtons dans les châssis des avions Sukhoï en Syrie au moment où le chef d’Etat-major américain se dit prêt à collaborer tactiquement avec les forces russes ?
Et maintenant, Moscou pourrait entamer des frappes aériennes contre l’Etat islamique en Irak, si les autorités de ce pays en font la demande. Un coup bas pour les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie qui viennent de diffuser une déclaration commune appelant la Russie à arrêter les frappes aériennes… Une preuve de plus que Vladimir Poutine est sur le droit chemin…
Valéria Smakhtina
One Comment
Babbelghem
La roulette russe contre le suicide la roulette américaine.
Précision : La roulette américaine, c’est quand on met toutes les balles dans le barillet.