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  • Laurence Guillon

    Je dirais du “holodomor” qu’il est le résultat d’une impitoyable collectivisation qui n’était pas un génocide perpétré par les Russes à l’endroit des Ukrainiens mais d’un génocide perpétré par le pouvoir communiste à l’endroit du monde paysan que cet article calomnie. Or dans ce pouvoir communiste tout le monde a trempé et tout le monde en a été victime. Je citerai pour illustrer mon propos ce passage du livre de l’académicien Panarine consacré au sort des paysans dans la Russie soviétique: “Au début, à la période de surplus, ils prenaient au paysan, qui venait de recevoir sa terre, toute sa récolte. Le travail en devenait par là même absurde. Ensuite, à la période de la collectivisation, les commissaires nécrophiles, sous les yeux des paysans, gâchaient le blé qu’ils leur avaient enlevé, en l’arrosant de bonne façon. Le bétail confisqué mourait de faim dans les parcelles collectives, les récoltes confisquées pourrissaient ou brûlaient. Ce théâtre de l’absurde, organisé avec une sombre et mauvaise jubilation de nécrophiles devant la vie profanée, dura des décennies.
    On semait du lin, dans le seul but de le récolter à l’automne et de le brûler. Au temps de «l’épopée du maïs», sous Khrouchtchev, des superficies de terre étaient dévastées pour être occupée par le «roi des champs» qui décevait la science et ne donnait rien. Après la famine monstrueuse des années 30, qui avait commencé à la suite de la collectivisation générale, le pouvoir décida de céder momentanément à «l’instinct de propriété». On accorda aux paysans de misérables parcelles de jardin, moins de 1% des surfaces cultivables du pays. C’était un petit oasis de vie dans le royaume de la scholastique socialo-bureaucratique mortifère. Et cet oasis nourrissait de ses sucs le pays exsangue, fournissant près de 40% de toute la production agraire. Mais cette petite revanche suscita aussitôt l’agitation et la haine des eunuques du communisme, qui commencèrent à exiger pour chaque poule élevée, chaque arbre fruitier planté un impôt qui excédait des dizaines de fois le «bénéfice» possible du paysan.
    Le foyer paysan misérable était isolé et bloqué par tous les efforts d’une armée mobilisée de surveillants-expropriateurs. Il était interdit de mener le bétail au pré, on ne pouvait faucher pour le nourrir que dans des endroits peu commodes, pris au hasard, près des ravins, et encore en cachette, avec les coups d’œil traqués qui accompagnent les pratiques illégales et honteuses. La réaction rationnelle à cette censure omniprésente, et qui ne connaissait pas la pitié envers les manifestations de la vie, eût été de tout laisser tomber, de partir à la ville et de passer dans les rangs de la bureaucratie et de la technocratie victorieuse.
    Beaucoup le firent. La différenciation socialiste distingue et oppose deux parties de la paysannerie : celle qui, à la vie et au travail de la terre réels, a préféré le «travail du texte» – l’activité bruyante des innombrables militants des jeunesses communistes, des propagandistes, des agitateurs, des organisateurs, des agents de terrain, des contrôleurs – et celle qui est restée fidèle à la vie même du peuple et, au-delà de cela, à l’ordre cosmique. Quelle force vitale, quelle énergie de l’éros fallait-il pour continuer, dans les circonstances de la nécrophilie inlassable des commissaires, son affaire de paysan, qui transforme le corps et la volonté en un organisme cosmique, en l’expression de la nature opprimée, assiégée par la technosphère !”
    Le communisme, d’après le même Panarine, et je le crois de plus en plus, n’est devenu supportable que lorsqu’il a commencé à se russifier, dans les dernières décennies ramollies de son existence.

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