Qu’on se le dise, il ne s’agit pas de traiter en détails du cas Morano. Le mainstream médiatique français en a déjà assez fait en septembre-octobre lorsqu’il piqua de formidables crises de nerfs en réaction à cette expression monstrueuse, réac, facho, extrémiste et patati et patata qu’est « la race blanche ». Sauf qu’il aurait d’abord fallu s’en prendre à la Constitution de la Vème République, concrètement à l’Article premier qui garantit l’égalité devant la loi de tout un chacun « sans distinction d’origine, de race ou de religion ». Sauf que le terme race n’acquiert un sens négativement racial que dans la mesure où il s’emploie dans le contexte d’une hiérarchisation qualitative des races et que, au bout du compte, si l’on verse dans une sophistique purement formelle, Mme Morano n’a fait que sortir du grenier un atavisme terminologique le mot « race » ayant été officiellement viré de la législation française en 2013. Vous voyez comme on peut jouer sur les notions rien qu’à l’aide de deux baguettes magiques que sont, d’une part, certaines nuances législatives figées, d’autre part, la logique.
Clovis avait la peau blanche. Louis IX, Henri IV, Bonaparte et Charles de Gaulle aussi. Et alors ? Voudrait-on les repeindre au gré d’une certaine mode ? Mais l’énormité de Mme Morano ne consiste pas seulement à traiter un chat … de chat. N’a-t-elle pas dû faire son mea culpa face à M. Bouleau et face aux Français parce qu’elle a osé se souvenir des racines chrétiennes de la France ? Vivement alors que deux et deux ne fassent plus quatre et que notre planète, de plate qu’elle fut puis ronde qu’elle est s’étire en losange ou en parallépipède. Vivement alors que l’on exhume les restes du Général et qu’on les brûle comme l’Inquisition brûlait les hérétiques lui qui s’inquiétait que son village natal, Colombey-les-deux-églises, ne se métamorphose en cas de crise migratoire avérée en Colombey-les-deux-mosquées. Comment ne pas apprécier à ce titre la phrase de M. Christian Vanneste, Président du Rassemblement pour la France, pour qui la période post-révolutionnaire, étalée sur plus de 200 ans, a « fait d’excellents Français qui viennent de partout sauf d’un royaume catholique interdit de mémoire » ? Comment ne pas s’apercevoir que le caractère inquisitorial d’un royaume proclamé mondialiste confère bien des droits à certaines catégories de non-Français et bien des devoirs aux Français et aux étrangers maîtrisant un peu moins bien le langage de la force ?
Il faut donc bien reconnaître que la démocratie française – occidentale au sens large – s’appuie sur des valeurs nominales entretenues par le délit d’opinion et n’est sensible qu’aux rapports de force brute que lui impose les « chances » des cités. S’il y a une chose que l’on pourrait très sérieusement reprocher à Mme Morano, ce sont bel et bien ses égarements idéalistes quant à l’UE qui soutient les régimes islamistes sous couvert d’un combat soi-disant civilisateur contre les pouvoirs laïcs autoritaires tout en ouvrant dans ses frontièresles vannes d’une étrange immigration – majoritairement masculine, aguerrie et se servant bien souvent de ses femmes et enfants en guise de boucliers contre les forces de l’ordre. En ce sens précis, Mme Morano est la personnification d’une Europe à moitié résistante mais qui ne va pas, qui ne se résout pas à aller jusqu’au bout de ses constats et convictions parce qu’elle semble bloquée par une série de simulacres du genre baudrillardesque. Lorsque Sarkozy nous annonce qu’elle a « franchi une ligne infranchissable », on se sent comme propulsé dans une cour de récréation régie par des règles relatives faisant partie d’un vaste jeu se revendiquant d’une réalité imaginaire qui ne recoupe jamais la réalité pure et dure. Celle des deux et deux. Celle de la race blanche, des racines chrétiennes de la France ou de la composante tout à fait préoccupante des dernières grandes vagues migratoires.
Le grand malaise des politiques européennes actuelles s’exprime à travers leur extrême théâtralité. On croirait voir un mélange de Ionesco avec ses grossissements des ficelles de l’illusion théâtrale, de registres dignes des plus précieuses des précieuses ridicules et d’impasses kafkaïennes.
Entre-temps, c’est là où l’on déplore de graves carences démocratiques que ces carences ne sont que rhétoriques. Prenons deux exemples éloquents : l’un enraciné dans les traditions médiatiques russes, l’autre dans le destin que s’est choisi le Donbass.
En Russie, je n’ai jamais vu le président d’un parti battre sa coulpe parce qu’un membre de sa famille politique aurait lâché des propos contestables. En son temps, les assertions de Rogozine, aujourd’hui vice-Premier ministre du gouvernement russe, avaient suscité des débats plutôt musclés : on en resta au stade du débat, sans que la bien-pensance médiatique n’engagea contre sa personne un procès d’envergure nationale. Jirinovski, président du LDPR, se permet lui aussi des répliques enjambant clairement le politiquement correct : il s’exprime régulièrement et librement sur toutes les chaînes TV et stations radio sans que le Russe lambda ne s’en trouve choqué. Après tout, ce n’est ni un Président ni un ministre des Affaires étrangères : le fait qu’il ne ménage pas la forme est pardonnable du moment que le fond n’en soit pas endommagé. Sans être une grande fanatique du petit écran, il m’arrive souvent de visualiser ces multiples débats politiques de plusieurs heures dont les programmes russes abondent : ceux qui sont animés par le journaliste et écrivain Vladimir Soloviov rassemblent aussi bien des politologues, essayistes et journalistes globalement bienveillants vis-à-vis de la politique du Kremlin que des opposants russes et politologues étrangers qui n’hésitent pas à vilipender les dirigeants russes pour leur annexion de la Crimée, la guerre en Ukraine et l’intervention russe en Syrie. Le plateau en a certes des hoquets et des soubresauts, les murs tremblent mais je vous laisse imaginer le degré de vivacité etde liberté de ces joutes verbales. Aucun des détracteurs de Poutine n’a jusqu’ici connu le sort d’un Oles Bouzina, abattu pour délit d’opinion ou, tempérons quand même, d’un Bassam Tahhan franco-syrien que l’on évite d’inviter aux grands débats politiques TV depuis qu’il a décliné des vérités désagréables à entendre. Certes, les médias russes ne font pas toujours de la forme leur dada. Mais en aucun cas ils n’handicapent le débat politique en l’affublant de fausses conventions.
Pour ce qui est du destin qu’est en train de se forger le Donbass, un paradoxe flagrant m’est récemment venu à l’esprit : au fond, toute revendication ou tout slogan pro-UE mis de côté, ce que voulait le Maïdan – enfin, sa première vague, la vague populaire – les RPD et RPL s’appliquent à le mettre en oeuvre : pouvoir du peuple pour le peuple par le peuple, système désoligarchisé, garanties sociales, pas de fossé entre les riches et les pauvres, etc. C’est en cela que les deux Républiques en phase de gestation avancée sont incontestablement des Républiques expérimentales répondant aux besoins naturels du peuple. De n’importe quel peuple, d’ailleurs. Leur grand péché, ce grand péché inexpiable à cause duquel les technocrates bruxellois trouvent normal qu’elles soient pilonnées, c’est d’avoir rejeté le chapelet unioniste et ce drapeau bleu piqué d’étoiles jaunes pour qui de jeunes Ukrainiens seraient prêts à mourir d’après BHL mais, comme par hasard, pas un seul Européen.
Vous savez, les Précieuses ridicules, ça fait sourire quand c’est du théâtre. Pareil pour la Cantatrice chauve – il y en a tant au Parlement bruxellois que M. Ionesco aurait l’embarras du choix pour ses archétypes ! Cela dit, très sérieusement, s’il faut expliquer pourquoi je soutiens le Donbass dans son émancipation et rejette sans le moindre scrupule les « valeurs » démocratiques occidentales, je recourrais à un raisonnement par analogie. Ou plutôt, à un parallèle imagé.
Lorsqu’un mineur du Donbass prend les armes pour défendre ses terres des appétits de Monsanto, ses enfants du gender theory et ses frontières des bases américaines, selon moi, il exerce son droit direct et naturel à l’autodétermination. Politique, morale, civilisationnelle au sens large. Lorsqu’il rejette un coup d’Etat sponsorisé de l’extérieur, il est non seulement dans son droit mais aussi dans son devoir. La liberté est en cela aussi bien un droit qu’un devoir.
Lorsqu’en France, en avril 2010, un type se torche publiquement le derrière avec le drapeau français, il est acquitté par la Ligue des droits de l’Homme. Ainsi aurait-il réalisé sa liberté d’expression à lui. Lorsque les Pussy Riot déclament des obscénités au Christ-Sauveur et sont écrouées, le « monde libre » en fait des martyres de la liberté d’expression. Or, à mon humble sentiment, l’expression du coeur et de l’esprit est supérieure à celle, veuillez me pardonner, du cul. Pendant que Mme Morano s’excuse d’avoir rappelé aux Français des évidences en montrant ainsi aux « chances » qui huent l’hymne français aux matchs de foot et à ceux qui s’essuient avec le drapeau français qu’ils sont dans leur bon droit – celui du plus barbare, donc du plus fort – des millions de Zakartchenko mettent la démocratie, celle des majorités et non d’une minorité oligarchique vicieuse, au service de la Nation, du Travail et de la Famille. Au service de valeurs immuables sans lesquelles la liberté au sens authentique du terme – constructif – n’aurait aucun sens. Voilà pourquoi, une fois de plus et plus que jamais, je pense que la démocratie est morte en Occident pour renaître, fougueuse et originelle, à l’Est.
Françoise Compoint
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Rudy Cambier
Enfin de l’intelligence dans ce monde de politiciens bêtes et lâches !