L’Etat islamique fait les tours de passe pour provoquer une sorte d’« Armageddon », de « lutte finale », d’« apocalypse » contre les Etats-Unis. Pour cela, Daesh cherche à s’unir avec les talibans afghans et pakistanais.
« Acceptez le fait que le califat va survivre et prospérer jusqu’à ce qu’il envahisse le monde entier et détruise tous ceux qui luttent contre Allah. C’est une amère vérité, avalez-la ». C’est en tout cas ce qu’écrit le document confidentiel de l’organisation terroriste rédigé en 32 pages en ourdou qui s’est retrouvé entre les mains de Washington.
« La stratégie de la fin du monde de Daesh est connue depuis quelques mois, nous a confié Myriam Benraad, spécialiste du Proche-Orient, chercheuse à Sciences Po Paris. L’Etat islamique l’a révélée dans son magazine Dabiq. Au niveau théologique, le mouvement est dans une logique apocalyptique, militariste. La première étape est de créer les conditions d’une troisième guerre mondiale. Du point de vue idéologique, l’idée de la fin du monde fait écho à la notion de la fin de l’histoire qui était avancée après la guerre froide par Francis Fukuyama. Donc, c’est une logique très contemporaine qui s’inscrit dans l’après-guerre-froide, dans la globalisation et dans la confrontation de ce mouvement avec l’empire occidental et, au sein de l’islam, avec les chiites, les apostats et tous ceux qui, à leurs yeux, sont des mécréants. Ainsi, l’Etat islamique peut être comparé à Mao, à une forme de trotskisme, de révolutions permanentes. Les djihadistes héritent des mouvements évolutionnaires radicaux et du totalitarisme qu’on a connu dans le passé. C’est une sorte de nouvel international révolutionnaire à visage islamique. »
Si les uns croient à l’authenticité du document sur base de caractéristiques uniques, du langage utilisé, du style d’écriture et de la syntaxe religieuse, les autres remettent en cause aussi bien le caractère secret du document que sa crédibilité. Or, le récent attentat qui a fait 20 morts à Bangkok rend moins sceptique face à la découverte au Pakistan.
Les services secrets américains ont comparé le document à «Mein Kampf » hitlérien parce que ledit document « accuse Israël de contribuer à la progression de l’Etat islamique et décrie le président américain, Barack Obama, comme une mule des Juifs ». « Tant que le monde entier est préoccupé des vidéos montrant décapitations et crucifixions en Syrie et en Irak, Daesh se propage en Afrique du Nord et au Proche-Orient, maintenant, il a une stratégie en Asie du Sud. C’est un tour de magie : vous suivez une main et ne verrez jamais ce que fait l’autre ».
Le document confidentiel décrit une brève histoire du califat de l’Etat islamique et détaille sa stratégie macabre. Six phases sont envisagées :
Phase 1° « Réveil » en 2000-2003 : appeler à une opération majeure contre les Etats-Unis pour provoquer une croisade contre l’islam.
Phase 2° « Choc et peur » en 2004-2006 : engager les Etats-Unis dans la guerre.
Phase 3° « Autosuffisance » en 2007-2010 : attaquer les voisins de l’Irak, surtout la Syrie.
Phase 4° « Points de frappe isolés / chantage / collecte d’information » en 2010-2013 : attaquer les Etats-Unis et les intérêts occidentaux afin de détruire leur économie et remplacer le dollar par l’argent et l’or, compromettre les liens entre Israël et les Etats-Unis.
Phase 5° « Proclamation du califat » en 2013-2016 : créer un califat selon Prophète.
Phase 6° « Guerre ouverte » en 2017-2020 : faire la guerre aux infidèles. Le document prétend : « Allah fera venir la victoire après laquelle la paix s’établira dans le monde ».
Certaines particularités laissent perplexe. Serait-ce possible que l’histoire de l’Etat islamique date depuis les années 1990, comme prétend le document, et que c’est lui qui était à l’origine des attentats du 11 septembre ? On y retrouve un certain paradoxe car, d’après un document récemment déclassifié de l’Agence américaine du renseignement de la défense (DIA), Washington avait prévu l’émergence de l’Etat islamique en 2012. Cela ne rime non plus à la reprise de la stratégie du Moyen-Orient-élargi en 2004. Une autre question se pose : pourquoi Daesh condamne-t-il Israël qui a toujours lutté contre le régime de Bachar el-Assad ?
Si on prend le document retrouvé au Pakistan pour un véritable programme géopolitique de l’Etat islamique, la communauté internationale doit mettre les bouchées doubles dans les efforts contre l’extrémisme. Les djihadistes projettent, entre-autres, de provoquer un conflit armé en Inde et de se mettre en confrontation totale avec les Etats-Unis. Une « guerre ouverte » contre les infidèles durera, selon le document, de 2017 à 2020.
Autre sujet suspect : le document tombe au moment même où Washington essaie per fas et nefas de créer une nouvelle coalition anti-Daesh en contournant le Conseil de sécurité des Nations-Unies. Reste à savoir si le document est authentique et s’il fut rédigé par les djihadistes ou par les analystes des services secrets américains. Rappelons que ce sont les attentats de 2001 dont la nature reste douteuse qui ont servi de prétexte pour le Pentagone de lancer une vaste opération antiterroriste à travers le monde. Autre exemple flagrant : la CIA a établi que les armes chimiques avaient été fabriquées par l’ancien président irakien Saddam Hussein, ce qui fut la principale raison de la guerre d’Irak, en 2003. Plus tard, quand le régime fut renversé, les Américains ont reconnu s’être trompés sur l’existence d’armes de destruction massive dans le pays.
Valéria Smakhtina
One Comment
Michel
L’Etat islamiste n’est ni un état ,ni islamiste ! Mais par contre, il est bien ” commandé ” par les ” desseins de Satan ” !