Le CIO a pris une sage décision concernant la suspension ou la participation de la Russie aux JO: il a finalement renvoyé la balle aux fédérations internationales et à leurs intrigues politiques. Il faut dire que malgré le combat mené par l’AMA (Agence Mondiale Antidopage) sur demande de l’USADA – agence américaine antidopage – et l’IAAF (Fédération internationale d’athlétisme), cette décision est très flottante sur le plan juridique. Mais comme l’intérêt est ailleurs …
Décision du CIO
Hier, dimanche 24 juillet, le CIO a rendu une décision qui ne plait pas aux nouveaux combattants de l’intégrité sportive. Comme la décision est disponible en français sur le site du CIO, en voici les éléments les plus intéressants:
- Dès le début, le CIO reconnait que l’enquête n’a pas respecté les droits de la défense et n’a que survolé le dossier, en la justifiant par les contraintes liées à l’urgence – ce qui met déjà en doute “l’indépendance” et la pertinence de la commission McLaren.
- Toutefois, rejetant formellement le principe de la responsabilité collective, le CIO demande aux fédérations internationales de se prononcer sur la composition des délégations russes par sport. Mais les fédérations internationales, elles, sont libres d’appliquer la responsabilité collective, comme le fait la fédération internationale d’athlétisme.
- Ces sportifs russes ne doivent jamais avoir été touchés par une affaire de dopage, même si le temps de leur suspension est déjà écoulé.
- La décision des fédérations internationales doit être prises sur le fondement non pas des contrôles antidopage fait en Russie, même s’ils sont exécutés par l’agence britanique depuis plus de 6 mois, mais sur celui des contrôles effectués par des structures “indépendantes” ou étrangères.
- Malgré la pression de l’AMA et de l’IAAF, la sportive russe Y. Stepanova qui a participé au film de Seppelt sur le dopage en Russie ne pourra participer: elle a fait partie du système de dopage pendant 5 ans et ne l’a dénoncé que lorsqu’elle a été sanctionnée en Russie.
Violation des principes juridiques par le CIO
En rendant cette décision, le CIO, qui s’appuie tout d’un coup sur le droit, viole au passage plusieurs principes juridiques universellement reconnus.
Les conséquences juridiques de la peine sont limitées dans le temps
Le CIO exige que seuls les athlètes russes n’ayant jamais été touchés par une affaire de dopage puisse participer aux JO de Rio. Même s’ils ont été sanctionnés auparavant et que la durée de la sanction est passée.
Autrement dit, un athlète suspendu pour deux ans, par exemple, pour dopage il y a cinq ans, ne pourra pas participer aux JO alors que sa peine a expirée. C’est totalement illégal.
Imaginez qu’un homme soit condamné pour vol … et privé de ses droits à vie.
Violation du principe d’égalité
Par l’exigence précédente, le CIO viole également le principe d’égalité. Car des sportifs non-russes ayant été condamnés pour dopage et ayant passé le temps de leur disqualification pourront participer aux JO de Rio. Tous les sportifs ne sont donc pas sur un pied d’égalité.
Il est certes possible, en droit, de déroger au principe d’égalité lorsque les gens se trouvent dans des situations objectivement différentes. Or, ici, la seule différence est que l’un est russe et l’autre ne l’est pas. Il s’agit dès lors de discrimination.
Si le principe d’égalité est violé au regard des sportifs entre eux, il l’est également au regard de l’égalité des fédérations. Certains sportifs auront plus de chances que d’autres, en fonction de la fédération sportive à laquelle ils appartiennent. Ainsi, les membre russes de la fédération d’athlétisme ne participeront pas, car la fédération internationale d’athlètisme s’appuie que le principe moyenâgeux de la responsabilité collective. Et Isinbaeva n’ira pas à Rio, ce qui arrange ses concurrentes.
Remise en cause de la présomption d’innocence
La formulation de la décision du CIO est absolument incompréhensible dès que Thomas Bach tente de justifier l’injustifiable: la violation de la présomption d’innocence dans le respect du droit naturel:
Dans ces circonstances exceptionnelles, les athlètes russes de chacun des 28 sports olympiques d’été doivent assumer les conséquences de ce qui équivaut à une responsabilité collective afin de sauvegarder la crédibilité des compétitions olympiques; la “présomption d’innocence” ne peut donc leur être appliquée dans ce cas. D’un autre côté, en vertu des principes de justice naturelle, le droit à la justice individuelle, auquel tout être humain peut prétendre, doit être appliqué.
L’appel au droit naturel est presque un appel au secours, ne sachant où se tourner et comment s’en sortir. Car finalement, le CIO en obligeant les sportifs à démontrer leur innocence renverse la charge de la preuve et donc les prive de la présomption d’innocence.
Cela fait penser aux Fables de La Fontaine: si ce n’est toi, c’est donc ton frère. Ce qui nous replonge quelques siècles en arrière.
Le CIO dans la tourmente politique
La fatwa lancée par l’USADA et l’IAAF
L’affaire sort de la volonté de l’agence américaine antidopage USADA de s’attaquer au sport russe. C’est elle qui lance l’AMA, qui demande par la presse la suspension de la Russie, qui soutient “les transfuges” qu’elle s’est payée en les personnes de Rodchekov et Stepanova.
Cette même hargne se voit au sein de la fédération internationale d’athlétisme dont le président, le britanique Sebastian Coe, a été changé au bon moment, en 2015, pour lancer toute l’affaire. L’ancien, Lamine Diack, est évidemment maintenant accusé de corruption et d’avoir couvert les agissements de la Russie. La chanson est connue, elle devient même lassante.
Et pour porter leurs vindictes, l’AMA, téléguidée par l’USADA, et l’IAAF, utilisent les médias (télévision, presse), qui servent de fondement pour une commission “indépendante” qui va sortir en violation du principe du contradictoire et des droits de la défense (elle a refusé de s’adresser aux autorités russes pour avoir des explications) un rapport “indépendant” reprenant exactement les articles de presse et les émissions de télévision, ce qui va permettre de condamner la Russie.
Même lorsque le verdict est tombé, ils n’ont pas baissé les bras, et l’AMA et l’IAAF ont proposé immédiatement aux autres fédérations de les aider à bien “choisir” les sportifs russes qu’ils laissent passer.
Tout ce processus n’a rien à voir ni avec la justice, ni avec le combat contre le dopage. Pour s’en convaincre, s’il reste des doutes, il suffit de voir les réactions de ces instances face à la décision du CIO de ne pas laisser passer Y. Stepanova.
Cette athlète russe fut disqualifiée en 2013 par les isntances russes pour dopage. Elle est alors devenue informateur de Seppelt, le journaliste allemand a qui ont été commandés les reportages sur le dopage en Russie. Sa participation aux JO avait été demandée par l’AMA, bien que dopée, et soutenue par l’IAAF, pour bons et loyaux services. Le CIO a demandé aux fédérations de respecter les mêmes règles pour tous les sportifs russes et l’a exclue.
Olivier Niggli, directeur des opérations de l’AMA estime que le CIO a lancé un très mauvais signal – politique s’entend:
WADA is disappointed that the IOC did not heed WADA’s Executive Committee recommendations that were based on the outcomes of the McLaren Investigation (…). As it relates to Yulia Stepanova, “WADA has been very vocal in supporting Yulia’s desire to compete as an independent athlete,” said Niggli. “Ms. Stepanova was instrumental in courageously exposing the single biggest doping scandal of all time,” Niggli continued. “WADA is very concerned by the message that this sends whistleblowers for the future, – he said.
Quand l’Agence mondiale antidopage soutient une sportive dopée, simplement parce qu’elle est passée du bon côté du “mur”, le signal est excellent.
Sont-ils allés trop loin?
La question qui se pose est simple; sont-ils allés trop loin? Dans l’ensemble, la réaction des milieux sportifs, à l’exception notable de fédérations américaines et françaises, est celle du soulagement après la décision du CIO.
La Croix titre même sur la fin de “l’option nucléaire” et publie un article tout en nuance qui change de la tonalité habituelle dans la presse française. Par exemple, l’introduction du critère très spécial de l’absence totale de sanctions pour dopage dans toute la carrière, choque:
Mais ce critère justement a déjà suscité de vives critiques. “C’est totalement incohérent, Introduire une telle interdiction pour les Russes à la dernière minute, tout en autorisant des athlètes d’autres pays au même pedigree !”, s’est insurgé le Britannique Greg Rutherford, champion olympique à la longueur, toujours dans le Guardian.
Une référence claire à Justin Gatlin par exemple, le sprinteur américain en lice pour le titre olympique sur 100 m à Rio après avoir été deux fois suspendu pour dopage, pendant cinq ans au total.
Ce journal rappelle également les chiffres du dopage:
L’on rappellera que le Meldonium a été interdit en décembre 2015, sans qu’une étude sérieuse n’ait été faite sur les délais de sa présence dans le sang. Après vérification, la date limite pour en trouver dans le corps des athlètes a été déplacée à l’automne 2016. Ce qui relativise beaucoup ces chiffres… 52, dont 49 de Meldonium.
Pour finir, il est possible que l’affaire ne s’arrête pas là. Isinbaeva, qui se voit privée des JO sans avoir jamais été touchée par une affaire de dopage, simplement parce qu’elle est russe, qu’elle s’entraine en Russie et fait partie de la fédération d’athlétisme, va déposer un recours devant la Cour européenne des droits de l’homme. D’une manière général, le ministre du sport, V. Mutko, parle de préparer des recours devant les juridictions civiles. Espèrons que ce sera fait, car il sera beaucoup plus difficile à l’IAAF et à l’AMA de violer les règles de procédure devant des juridictions qui pourraient avoir envie de mener de véritables enquêtes et de véritables procès.
P.S. : Envers et malgré tout, le ministre des sports, V. Mutko, qui a réussi à détruire le foot en Russie, à ne pas savoir gérer le scandale de la politisation du dopage depuis deux ans, semble indétrônable. Certes, il est touché par le rapport McLaren et l’évincer pourrait être considéré comme un précédent dangereux: on vire des ministres parce que des rapports politisés sont commandés de l’extérieur. C’est une voie, le garder envers et malgré tout en s’appuyant sur la maxime “c’est un imbécile, mais c’est notre imbécile”. Je ne suis pas certaine que la situation actuelle permette à la Russie de se prévaloir encore longtemps de ce luxe.
P.P.S. : Une information vient de tomber remettant en cause le rapport McLaren. Selon le membre du Comité excutif du CIO, René Fasel, président de la fédération internationale de hockey sur glace, le rapport McLaren contient un certain nombre de fausses données. Par exemple, les trois tests antidopage positifs qui auraient disparus appartenant aux membres de la fédération de tir sportif est un mensonge. Ces trois test étaient positifs et les sportifs furent sanctionnés. R. Fasel affirme que toutes les révélations de cette commission O combien indépendante ne s’appuient pas sur des éléments réels.
Attendons donc la suite des révélations …
Karine Bechet-Golovko
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