Svetlana Kissileva est une femme qui cultive la mémoire du passé pour mieux comprendre le présent et pour mieux travailler le futur. La mémoire des morts et de nos anciens sont des éléments importants pour elle. En effet, une société qui ne cultive pas la mémoire de ses anciens n’est pas capable de protéger ses enfants. Cette tradition envers la mémoire se retrouve actuellement chez les populations russes et slaves. Il est question de l’Histoire et de la dignité humaine. Svetlana Kissileva est une personne discrète qui a une force en elle. Avec l’abominable guerre en Ukraine, Svetlana Kissileva est devenue une figure importante de la résistance contre la destruction de l’Ukraine. Le conflit en Ukraine est très mal expliqué par nos médias. Nos médias dans le monde occidental parle peu de la situation en Ukraine. Les informations sont souvent désinformées. Dans un entretien Svetlana Kissileva, «la résistante au grand cœur», comme du temps de la Grande guerre patriotique, répond à nos questions.
Le 9 mai, célébration importante de la victoire de la Grande guerre patriotique. Svetlana Kissileva s’est rendue dans le Donbass. Pourquoi s’était important d’être ce 9 mai à Saur Mogila ?
Pourquoi à Saur Mogila ? Tout d’abord, le 9 mai est une fête extrêmement importante pour tous les Russes ou plutôt je dirais pour l’ensemble des peuples de l’ex-Union soviétique ou du moins pour ceux qui n’ont pas perdu leur mémoire collective. (Les Européens ne peuvent pas comprendre l’importance de cette fête sans avoir vécu ce rituel en Russie où les enfants distribuent des fleurs aux anciens soldats à l’heure où les instances européennes sont en train d’effacer l’Histoire des peuples européens). L’Union soviétique a gagné la Seconde Guerre Mondiale au prix d’énormes sacrifices et il n’y a pas une seule famille chez nous qui n’ait pas perdu un proche.
Depuis les événements dans le Donbass et l’élan de patriotisme que cela a provoqué chez les Russes, cette cérémonie est devenue encore plus importante à mes yeux. Et compte tenu du contexte politique il a été impensable pour moi de rester le jour du 70e anniversaire de la Victoire en France où, comme je le savais, il n’allait rien se passer. J’avais envie d’une grande fête avec les miens.
J’ai donc décidé d’aller dans le Donbass où les festivités allaient être organisées avec ampleur malgré les violations de la trêve par l’armée ukrainienne. Notamment à Saur Mogila qui est un lieu doublement sacré. C’est le symbole de l’héroïsme des soldats soviétiques pendant la Grande guerre patriotique et de la résistance du Donbass insoumis.
Cette année, une opération commémorative a été lancée par la Russie intitulée, “Le régiment immortel”, où les gens devait défiler avec les portraits des membres de leur famille ayant combattu le nazisme.
Mon grand-père a péri en Pologne et nous n’avons jamais eu l’occasion d’aller sur sa tombe. J’ai donc voulu amener son portait à Saur Mogila et lui rendre hommage en le déposant sur ce lieu couvert de gloire ou reposent les héros des temps passés et présents.
Votre grand-père était un soldat de l’Armée rouge ? Expliquez !
Mon grand-père a été en effet capitaine de l’Armée rouge. Du temps de sa vie civile il était comptable dans une usine d’automobiles dans ma ville natale qui est Zaporojié. Son histoire est en fait plus complexe. Sa mère a été victime d’une fausse accusation suite à une délation de ses voisins qui voulaient récupérer sa chambre dans un appartement partagé. Ces voisins ont accusé sa mère d’être en désaccord avec la politique de Staline. Elle a donc fait de la prison. Lorsque la guerre a éclaté et qu’il a fallu défendre la patrie, mon grand-père a tenu sous silence cette histoire pour pouvoir être pris dans l’armée afin de combattre l’ennemi. Au lieu de se retrancher dans les lignes arrières, il a décidé de mener le combat. Ce qui lui a coûté la vie. Il aurait pu rester en vie. En préférant accomplir son devoir il est décédé 4 mois seulement avant la Victoire. Mon grand-père a laissé sa femme avec 2 enfants en bas âge dont ma mère qu’il n’a pas pu connaître.
Ma grand-mère, son épouse, était issue d’une famille de paysans aisés qui ont subi la dékoulakisation (le processus de liquidation des grands fermiers dans les années 30). Ses deux frères, lorsque la guerre a éclaté, se sont engagés dans l’armée comme volontaires. Le plus jeune avait 15 ans et il a déclaré être plus âgé pour être pris. Les deux frères sont morts au combat.
Lorsque les Ukrainiens trouvent des excuses pour les bandéristes, ceux qui ont collaboré avec l’ennemi qui a envahi notre pays parce que soi disant ils avaient souffert des pouvoirs soviétiques, j’ai, compte tenu de l’histoire de ma propre famille, du mal a leur trouver une excuse.
Mon “pèlerinage” à Saur Mogila a été aussi réalisé pour honorer la mémoire de mes grands-oncles. Nous n’avons malheureusement aucune photo d’eux.
Votre grand-père a trouvé la mort en 1945 où et dans quelles circonstances ?
Il y a encore quelques années nous ne savions rien dans ma famille. Je n’avais à ma disposition que 4 lettres de lui datant de la guerre et seulement l’avis de décès mais sans plus de détails. Un jour j’ai découvert un site “l’Exploit du Peuple”. Ce site a été lancé en Russie pour constituer une importante base de données sur tous les anciens combattants. Mon frère a pu retrouver 2 ordres qui avaient été décernés à mon grand-père dont des décorations. Ce fut une grande nouvelle.
Il assurait le commandement d’un bataillon d’infanterie qui a été le premier à franchir la rivière Dunajec en Pologne le 18 janvier 1945 ce qui a assuré le succès de l’offensive de l’Armée Soviétique. Son bataillon a capturé un convoi ferroviaire d’automobiles, un convoi des prisonniers russes, plusieurs convois de munitions et d’approvisionnement, 4 locomotives ainsi que des stocks de munitions.
Il a été mortellement blessé lors de ce combat et il est décédé dans un hôpital en Pologne le 20 janvier.
Le général Pétrov en personne a demandé à lui décerner le titre de «Héros de l’Union soviétique», la décoration suprême, à titre posthume. Mais c’est l’ordre du Drapeau rouge qui lui a finalement été octroyé.
Par votre grand-mère maternelle vous êtes de Lougansk et par grand-père paternel de la Crimée. Que doit savoir l’Europe de cette guerre en Ukraine ?
J’ai envie de dire «tout» puisqu’en Europe c’est un blackout médiatique total. La Crimée, pour commencer, a toujours été et restera toujours russe. Ce n’est point une annexion. La population de la Crimée a voulu se réunifier avec la Russie et ce n’est qu’une réparation de l’injustice.
Quant au Donbass… Vous savez, le peuple russe, c’est un peuple pacifiste. Mais lorsqu’il se fait agresser, il se soulève comme un seul homme et, là, il devient prêt à tout pour défendre ses valeurs. J’ai récemment été dans le Donbass à deux reprises. Tout le monde m’a dit (que ce soit des gens croisés dans la rue ou des personnes qui occupent un poste quelconque au sein de la république autoproclamée), «nous avons jamais souhaité sortir de l’Ukraine. Nous avons juste voulu un referendum pour obtenir la fédéralisation du pays pour mieux défendre nos valeurs, notre langue et notre culture. Nous avons cru obtenir nous aussi les effets positifs de l’Euromäidan qui était censé défendre les libertés. Nous avons été tout d’abord traités de terroristes et ensuite des chars ont été envoyés contre notre population qui est sortie à mains nues pour les arrêter. C’est par la suite que nous nous sommes débrouillés pour trouver des armes parce que c’est notre terre ici ! C’est notre maison ! Et ces terres nous les défendrons à n’importe quel prix !
Votre action dans le Donbass est pour la mémoire de votre grand-père qui a donné sa vie contre le nazisme ?
Avec les événements d’abord à Odessa et ensuite dans le Donbass je ressens depuis un an des liens plus forts que jamais avec mon grand-père. Il a combattu le nazisme et a libéré d’abord mon pays et l’Europe ensuite. Aujourd’hui la vermine nazie a, de nouveau, avec les atrocités commises dans le Donbass par les Ukrainiens, levé la tête. J’ai l’impression de vivre dans le film «Retour vers le futur». Le fait de pouvoir penser que mon grand-père pourrait peut-être être fier de moi, même si je ne sais pas tenir une arme, me donne les forces pour poursuivre le combat.
Les médias européens parlent de rebelles dans le Donbass vous en pensez quoi ?
Je vais citer un seul exemple. Lors de mon dernier séjour dans le Donbass le chauffeur du bus qui m’a amenée de Rostov à Donetsk, a dit, au moment où nous traversions la ville d’illovaïsk, «c’est l’école d’Ilovaïsk, les FAU y ont rassemblé la population. Femmes, enfants, vieillards ont été rassemblés dans l’école. Les Ukrainiens ont placé leur artillerie juste derrière l’école pensant que les républicains n’oseraient pas tirer sur ce bouclier vivant ! Alors les combattants de la résistance arrivés du côté nord ont pris l’école d’assaut en se servant uniquement de fusils et ont pu libérer les gens. Voilà pourquoi le bâtiment n’est presque pas abîmé. Cela montre bien l’attitude des deux parties.»
Vous êtes la responsable du groupe Novopole. C’est quoi ? Quels sont les objectifs ?
Les membres du groupe se sont tout d’abord connus sur des réseaux sociaux. Nous avons ensuite voulu passer à l’organisation d’actions concrètes. A partir de ce moment là nous avons eu l’idée de fonder une association selon la loi de 1901. Ses objectifs sont bien sûr d’aider le Donbass, notamment par le biais des actions humanitaires, mais pas seulement. Dans un sens plus large nous menons une vaste palette d’actions pour rapprocher et développer l’amitié entre les peuples de tous les Etats. Nous avons la conception multipolaire du monde. Nous faisons la promotion des études et des recherches dans les domaines de la géopolitique et des relations internationales, de l’histoire, de l’économie et de la géostratégie.
Vous travaillez comme journaliste pour l’agence d’Etat de Novorossia. Dans un article vous lancez un appel à l’aide internationale pour la population du Donbass «APPEL AUX DONS POUR LA SOUPE POPULAIRE DANS LE DONBASS», nous apprenons que les convois humanitaires sont stoppés par l’Ukraine. Comment vivent les gens dans le Donbass actuellement ? Et comment peut-on les aider ?
Vous savez, si nous pouvions arriver à trouver 100 personnes qui donneraient 10 euros par mois cela permettrait de nourrir chaque mois 170 personnes là-bas. Je pense que cet exemple est concret et qu’il suffit à lui-même.
Vous travaillez comme journaliste pour Novorossia Today. Quels sont vos objectifs en tant que journaliste ?
Faire tout le travail de réinformation, de palier à l’absence quasi-totale des médias. Je pense qu’en étant sur place avec un journaliste français, Laurent Brayard, nous pourrons leur permettre d’attendre un niveau bien supérieur de travail sur le plan international.
Quel message voulez-vous donner à nos lecteurs ?
Que la guerre est déjà aux portes de l’Europe. Il n’est plus possible de rester à l’écart, ou de dire que la politique ne m’intéresse pas. Nous sommes donc tous concernés. Nous pouvons nous en sortir tous ensemble ou bien ce sera un désastre qui n’épargnera personne.
Propos recueillis par Olivier Renault pour Wall Street International
7 Comments
René Fabri
Merci pour vos articles, parce qu’on a besoin d’informations objectives sur ce qui se passe en Ukraine, et particulièrement dans les régions du sud-est.
J’avais un peu étudié l’histoire de Zaporojié pour enrichir l’article de Wikipedia (depuis Maidan, les censeurs m’interdisent de contribuer). Cette ville s’est trouvée pendant longtemps à la frontière de l’empire Nazi, et beaucoup de ces habitants se sont engagés du côté russe pour libérer leur ville. Le maire actuel, d’origine coréenne, essaye de résister un peu à Kiev, mais c’est très difficile. Cette ville, majoritairement pro-russe, tout comme Mariupol et Odessa, devrait logiquement faire partie de la Novorussie, car c’est le souhait de ses citoyens.
Bon courage à vous et à tous les Novorussiens.
CHRIS
Tiens c’est curieux à la virgule près votre article reprend une partie de l’article du 12 mai de Svetlana Kissileva :
C’est l’école d’Ilovaïsk, les FAU y ont rassemblé la population : femmes, enfants, vieillards et ont placé leur artillerie juste derrière pensant que les républicains n’oseront pas tirer sur ce bouclier vivant ! Alors les combattants de la résistance arrivés du côté nord ont pris l’école d’assaut en se servant uniquement de fusils et ont pu libérer les gens. Voilà pourquoi le bâtiment n’est presque pas abîmé. Cela montre bien l’attitude des deux parties
trop forte , 6 semaines après dans son interview ce sont exactement les mêmes mots qu’elle prononce .
Heiner
Chris vous faites du .. stalking?
CHRIS
bonjour , non bien sûr , je suis juste étonnée qu’à 6 semaines d’intervalle on soit capable de répéter pendant un interview mot pour mot +ponctuation un ensemble de phrases.C’est execptionnel. Et si tu ne me crois pas fais ce test : apprends le même texte .Ensuite le 15 aout écris de mémoire ce texte .Puis compare les 2 textes 😉
clairezapo
Oui, Chris, tout le monde l’a déjà compris: vous n’avez pas été très douée à l’école. Espérons que vous avez réussi à obtenir au moins le bac.
CHRIS
——– modération : sans rapport ——–
roger
Il faudrait preter plus d’attention au contexte avant de critiquer, ou peut-etre lire plus lentement. Svetlana cite ce que lui a dit le chauffeur lors de sa précédente visite au Donbass. Et si elle l’avait noté, ou enregistré? L’éxactitude dans les citations est une des qualités par lesquelles l’on reconnait les gens qui veulent dire la verite, précisément.