Au nom d’une conception très personnelle de la “solidarité européenne”, les instances de l’UE répètent comme une incantation qu’il est objectivement impossible de lever les sanctions contre la Russie. Peu importe que ces sanctions soient inefficaces. Peu importe que ces sanctions soient de plus en plus rejetées par les Nations européennes. La question est idéologique. C’est une question de principe. Soit l’on est avec les sanctions et donc avec l’UE. Soit l’on est contre. Donc contre l’UE. De la solidarité, nous avons glissé vers le diktat.
Les responsables européens et les chefs des exécutifs, semblerait-il inféodés au système européiste et non représentant la volonté de leur pays, répètent à tour de rôle qu’il est impossible de lever les sanctions contre la Russie, même si certains le voudraient bien, car il y a cette “solidarité européene“.
Mais de quelle “solidarité” parle-t-on? Reprenons dans l’ordre.
Déjà le 8 octobre 2015, la Bulgarie a failli ouvrir le bal. De très peu, la levée des sanctions n’est pas passée, l’on peut imaginer les pressions qu’ont subies les parlementaires bulgares, lorsque l’on sait aujourd’hui ce qui s’est passé avec les français.
Une motion visant à « reconsidérer » le soutien bulgare aux sanctions européenne a été rejetée le 7 octobre avec 52 votes contre, 47 pour et 31 abstentions, a rapporté Dnevnik, partenaire d’EurActiv en Bulgarie.
L’enjeu du vote était de taille. Les sanctions de l’UE sont adoptées à l’unanimité par tous les États membres. Si le Parlement bulgare avait rejeté les sanctions, la position de l’UE vis-à-vis de la Russie aurait essuyé un sérieux revers.
Ce revers, l’UE a alors pu l’éviter. Mais la France a fait acte d’indépendance. Le 28 avril 2016, l’Assemblée nationale française vote à la majorité une résolution, portée par le député Républicain Thierry Mariani, que l’on peut qualifier d’historique, visant à demander la levée des sanctions prises contre la Russie:
Le texte invite
le gouvernement à ne pas renouveler les mesures restrictives et les sanctions économiques imposées par l’Union Européenne à la Fédération de Russie” jugées contreproductives par la droite et pénalisantes pour l’agriculture française. Une ligne rejetée par le Quai d’Orsay et qui aurait donc dû l’être par le groupe socialiste.
Le texte est passé à la surprise générale:
Beaucoup on voulu expliquer cette réussite par l’absentéisme. Soit. Seulement, le Sénat a suivi.
Le 9 juin, le Sénat français adopte à 302 voix contre 16 un document porté notamment par le sénateur Yves Pozzo di Borgo demandant au Gouvernement de revoir sa politique envers la Russie:
Le document voté par le parlement appelle le gouvernement français à « un allègement partiel et progressif du régime des sanctions contre la Russie, notamment des sanctions économiques ». Les sénateurs français estiment qu’il faut le faire en raison des « conséquences négatives pour les deux parties dans les domaines politique et économique des sanctions européennes et des contre-sanctions russes ». En outre, le document propose « d’appeler les partenaires européens à lever les sanctions individuelles introduites contre des parlementaires russes ». Les auteurs du document précisent que cela permettrait de rétablir les relations entre la Russie et l’Union européenne.
Ici, il n’est plus possible d’invoquer absentéisme, 335 sénateurs sur les 348 étaient présents.
L’Italie s’invite dans la danse entre les deux votes français et le 18 mai, le parlement régional de Vénétie vote non seulement la levée des sanctions, mais aussi la reconnaissance de la Crimée. Sur les 51 membres du Conseil régional (parlement), 27 ont voté pour et 9 contre.
Selon la résolution, le président du conseil de Vénétie Roberto Ciambetti et le gouverneur de la région Luca Zaia doivent coopérer étroitement avec le gouvernement, le parlement national et les institutions européennes afin de revoir les relations entre la Russie et l’Union européenne(…). La Vénétie exhorte également le gouvernement italien à critiquer la politique étrangère de l’UE à l’égard de la Crimée, discriminatoire, injuste et contraire aux principes du droit international, et à reconnaître la volonté du peuple et du parlement criméen lors du référendum. De même, il est nécessaire que les sanctions antirusses soient levées, car elles ont “de graves conséquences sur l’économie de la région
En revanche, le 27 juin, le Parlement d’Italie, saisi sur la base du vote vénitien, bloque la résolution lancée vers une levée des sanctions contre la Russie.
Ce vote négatif non seulement ne réduit pas la volonté politique des parlements régionaux italiens, mais semble la renforcer. Le 29 juin, c’est la Ligurie qui vote, à 26 voix pour sur les 31 voix des parlementaires régionaux, comme la Vénétie, et la levée des sanctions et la reconnaissance de la Crimée.
Les membres du parlement [régional] ont voté pour reconnaître le droit d’autodétermination du peuple de Crimée et pour lever les sanctions», a confié à RT le politicien italien Stefano Valdegamberi. (…) Les sanctions deviennent «de plus en plus absurdes, notamment avec les effets du Brexit», estime Stefano Valdegamberi. Selon lui, l’Italie doit «ouvrir son marché à la Russie et non le fermer». En outre, la politique d’embargo mise en place par la Russie en réaction aux sanctions à des conséquences négatives sur l’économie européenne, et le peuple italien ne comprend pas la motivation de ces sanctions, a ajouté le politicien.
Malgré cela, malgré aussi la déclaration du ministre allemand des affaires étrangères se prononçant pour une levée graduelle des sanctions contre la Russie, le 1er juillet 2016, l’UE prolonge encore les sanctions contre la Russie, toujours au nom de cette “solidarité” européenne. Mais la solidarité contre les sanctions continuent à se propager. Sachant que l’Autriche avait également soutenu la position allemande:
Après le référendum britannique, le gouvernement ne s’est pas seulement attelé à la question de la migration, mais a également voulu se pencher sur le manque de confiance des citoyens autrichiens à l’égard de l’UE. (…) Les partis social-démocrate (SPÖ), populaire (ÖVP) et vert d’Autriche ont voté pour soumettre une demande de modification et de réduction graduelle des sanctions contre la Russie. Pour le vice-président du parlement autrichien, Karlheinz Kopf, le but des sanctions n’aurait pas été atteint. D’ailleurs, il a précisé que l’impact négatif sur l’économie était considérable pour toutes les parties prenantes.
Et la “solidarité” continue à s’étendre en Italie. La Lombardie, troisième région italienne, et la plus riche et la plus peuplée, le 5 juillet, vote la levée des sanctions contre la Russie et la reconnaissance de la Crimée. 48 conseillers sur 87 ont voté pour, 15 contre et 2 se sont abstenus. Selon Paulo Grimoldi, député national:
Ces sanctions économiques absurdes de l’UE et la riposte de Moscou sous forme d’embargo alimentaire nous ont coûté plus de 3,5 milliards d’euros,
Le lendemain, la Toscane , a suivi et a voté pour la levée des sanctions.
Le Conseil de la région de Toscane a voté à l’unanimité en faveur d’une résolution pour laquelle le gouvernement local a appelé à «passer outre» le régime des sanctions contre la Russie. Le document préparé par la Ligue du Nord a été approuvé par 33 conseillers locaux présents à la réunion, y compris les représentants du Parti démocrate, en majorité dans cet organe législatif
Chypre vient d’entrer dans le bal, le 7 juillet. Les députés appellent à travailler au sein du Conseil européen pour une levée des sanctions contre la Russie et demandent la création de conditions permettant à la Russie de lever ses contre-sanctions bloquant l’exportation des produits venant de Chypre. 33 députés ont voté pour, 17 se sont abstenus, aucun n’a voté contre.
Vue l’évolution de la situation, l’UE doit effectivement soutenir la solidarité … des peuples européens et se prononcer pour la levée progressive des sanctions contre la Russie. Mais l’UE n’est pas l’Europe des nations, elle est un projet anti-européen. Donc idéologiquement, elle ne peut lever les sanctions et transforme une soi-disant “solidarité” en diktat idéologique.
Karine Bechet-Golovko
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