On avait longtemps brodé autour des simulacres de valeurs, un peu dans le genre alambiqué du structuralisme baudrillardesque. En réalité, le terme ersatz serait plus adapté à la situation présente. Nous avons au mieux affaire à une idéologie – ou à une somme d’idéologies – ayant montré ses (leurs) limites délétères, au pire, à un vaste trou noir dont la symphonie incantatrice nous a longtemps attiré avant que nous ne nous apercevions de son aptitude à engloutir tout ce qui fit la raison d’être de notre culture, plus largement, de notre civilisation.
Si la mort de Dieu, dans le sens que conférait Nietzsche à cette mort, est un postulat ô combien contestable, il est tout à fait certain que les acquis soi-disant idéologiques de 1968 n’ont aucune signification édificatrice. En France, à une échelle nationale, l’impuissance totale des autorités face aux flux clandestins est une preuve patente de cette supercherie. Comment peut-on être tolérant au mépris des intérêts de ses citoyens ? Comment peut-on être tolérant vis-à-vis de mouvements islamistes de type « Frères musulmans » et s’incruster dans les affaires souveraines d’Etats réellement laïcs qui en plus vouaient à la France un respect quasi-admiratif ? Comment peut-on raisonner en termes de liberté et profiter d’un Bataclan – hélas prévisible – pour introduire un « état d’urgence » ou d’exception plutôt louche visant offciellement à supprimer l’ennemi interne (en fait, à contrôler encore plus le citoyen lambda avec des perquisitions souvent arbitraires et les bavures qui vont avec) alors donc que le moratoire appliqué à Schengen n’est qu’une panacée les frontières restant poreuses via la Serbie et la Croatie ? Qui va-t-on contrôler dans ces conditions-là l’UE ne constituant qu’un seul et même organisme? Il suffit de constater la salafisation rampante de la Bosnie-Herzégovine pour comprendre que l’Europe est encerclée. Faut-il sortir de l’UE ? Peut-être bien ! Mais que faire des cellules islamistes semi-dormantes ne serait-ce qu’en France ? Si l’impasse est là, c’est bien, entre autres, en vertu de l’absurde tabou sur ce type de débat imposé depuis l’ère Mitterrand.
Il faut le dire et le redire : les valeurs de tolérance prônées sont une camisole de force enfilée au bon sens et un passe-partout lorsqu’il s’agit de favoriser les figures politiques ennemies de la France – bien de la France, pas de la République ! – comme le sont les petits amis du Qatar ou les Alain Minc qui propose l’abrogation de la loi de 1905 parce qu’il faudrait selon lui stimuler la construction de nouvelles mosquées – et si on demandait aux Français ce qu’ils en pensent comme l’a fait la Suisse ? – et ouvrir des centres de formation d’imams considérant qu’ainsi, probablement, l’islam peu tolérant des cités (lire l’islamisme) finirait par se réformer. Cette inversion des priorités les plus élémentaires est renforcée par des années de polémiques hallucinantes autour de la compatibilité des crèches dans l’espace public avec le principe de laïcité et du bien-fondé de l’étude du christianisme moyenâgeux dans les manuels de collège. Ces soubresauts factices sous-tendent toute une vulgate restrictive voire totalitaire associant le questionnement à des séries de phobies que la République – personnification de qui, de quoi ? – devrait déraciner comme l’Inquisition déracinait en son temps les hérésies. On détruit les politiques familiales garantes de la sauvegarde de la nation en se préoccupant d’introduire dès la maternelle, sous les sauces les plus variées, parfois succulentes, la fameuse théorie du genre qui à bien y voir n’a ni queue ni tête. Qui en parle est un réac incurable ! Qui ose associer la hausse galopante de la dette en mettant sur la sellette tant la loi de 1973 que la surestimation de l’euro et le refus de Berlin de tenter sa dévaluation pêche par euro-scepticisme … enfin, là encore, c’est un réac et presque forcément un europhobe. La mise en exergue de fausses phobies est une composante irremplaçable des idéologies dites sociétales en déclin. Islamophobie dit-on pour qui s’oppose à la bouffe halal dans les cantines ou au niqab dans les rues de Roubaix ? Non ! Le Maroc n’a pas à cautionner l’apparition du porc dans le menu scolaire ou le port des mini-jupes dans l’espace public pour prouver sa tolérance vis-à-vis du christianisme ! Pourquoi est-ce que cela devrait marcher autrement en France ? En revanche, le militarisme interventionniste otanien en Irak est un exemple flagrant d’islamophobie puisqu’on se permet de croire qu’un pays musulman n’a pas à choisir la voie politique qui lui conviendrait.
Ce jeu éhonté sur des notions pourtant définissables décourage les Français. Certaines arnaques deviennent à tel point indigestes que le processus de dédiabolisation du FN entamé par Marine Le Pen et repris par Marion Maréchal ne fait que rejoindre un cou-rant conventionnel bien moins spécifique que les innovations tactiques du RBM : soute-nir les néo-collabos nazillons de la Rada et se ridiculiser comme le fit Mme Hidalgo en associant Vichy au FN (pourquoi pas l’affaire Dreyfus aux dérapages de JMLP?!), cela revient à se moquer des Français en leur vendant des vessies étiquetées « lanternes»!
En ce sens même, la victoire du RBM au premier tour des régionales n’a pas à être conçue comme une claque au PS. Pas plus qu’elle n’aurait dû être conçue comme telle si l’UMP tenait les rênes ou son dérivé, les Républicains, eussent-ils d’ores et déjà le pouvoir. Il n’y a pas à s’offusquer du fait qu’il s’agisse d’une victoire partagée entre l’Abstentionnisme – écrasant, invisible et de fait doublement éloquent – et un parti peut-être assez intégré au Système mais qui continue à poser les bonnes questions. Sauf que les réponses sont très loin des urnes et la nation le pressent n’étant en apparence pas assez mûre pour le reconnaître et aller jusqu’au bout de son dégoût d’où les 60% de Français favorables à la résurrection express du Front républicain. Ne serait-ce qu’à titre d’hypothèse, faut-il multiplier les Calais pour obtenir les résultats obtenus dans le Nord-Pas-de-Calais ? Je ne sais pas.
On relève donc un écartèlement quasi-littéral de la population entre la Peur – peur d’une guerre civile en cas de victoire de la tendance bleue marine – l’Incertitude – et si le FN-RBM ne faisait pas mieux ? – et les Préjugés républicains inculqués dès l’école primaire et qui permettent à certaines doctes politiciennes d’envoyer un parti crée en 1972 dans les années de l’Occupation. Non, le FN n’est en rien une solution pratique. Mais le FN en tant que parti se voulant patriote, de par les réactions que son accession au pouvoir provoquera, permettra de voir qui est véritablement l’ennemi. Les tensions larvées deviendront de facto des évidences à crever les rétines les plus insensibles et pousseront non seulement les Français mais aussi les Européens à agir et contre la Gouvernance mondiale, auteure du projet « UE », et contre les démons tantôt tentateurs tantôt répugnants qu’elle accumule.
Si le FN est bien plus un outil qu’une solution, l’abstentionnisme est une forme de complicité passive, un terrain en friche que les partis anti-nationISTES mettront vite bien fait en culture. On peut bien entendu regretter que le RBM n’ait pas la culture générale et la retenue, parfois teinte de sarcasme, d’un UPR, mais ce n’est pas ce qui compte au stade où nous en sommes.
Le temps des Jack Lang comme celui des Cohn-Bendit, des BHL ou des Vallaud-Belkacem est révolu. Il suffit de relever la réaction hysthérique de M. Lang lorsque la nièce de MLP a cité un passage de L’étrange défaite de Marc Bloch qui dénonçait le côté pernicieux des élites politiques françaises de 1940. Après la drôle de guerre – l’étrange défaite, celle-là même que vit la France au jour le jour mais une forme bien plus subtile car adoucie par des illusions parées de lendemains brouillardeux. Je verrais mal un Daladier, quoiqu’on en pense, trouver quoi que ce soit à redire de la définition donnée par Bloch de ce qu’est un Français [sensibilisé à l’Histoire de France] : celui qui vibre au souvenir du sacre de Reims et celui qui lit avec émotion le récit de la fête de la Fédération. Par contre, quand je vois un M. Lang bien intégré au cadre de la bien-pensance politique française actuelle éructer des litres de venin sur Mme Maréchal qui pourtant reprend des réflexions pertinentes appuyées sur deux synecdoques historiques qui s’imposent, je ne puis que constater la montée en puissance spectaculaire du ressen-timent antifrançais dans les rangs de ceux qui devraient au demeurant le combattre. BHL peut-être dévoué tout son saoûl aux « idéaux » faussement sartriens qu’on lui con-naît et exhorter les politicards ou journaleux à « réduire le caquet au coq gaulois », je constate aussi que depuis 2010 ce n’est pas un BHL qui n’est plus invité sur les grands plateaux mais un F. Asselineau qui continue à être marginalisé malgré des analyses académiques dignes du plus grand intérêt.
Que l’UE ait tué l’Europe en se faisant passer pour cette Europe dissoute à des fins mon-dialistes relève de l’évidence. Que les dirigeants de cette pseudo-Europe se vendent comme des petits pains – en ce sens, les amourettes de Porochenko l’Unioniste avec M. Biden sont d’autant plus révélatrices que grotesques – n’échappe ni au Français lambda ni à son voisin allemand ou belge.
De la même façon, si la Novorossia tient encore, c’est avant tout parce que ses défenseurs sont armés de convictions et qu’au printemps 2014, conscients d’avoir été leurrés, ils ont décidé de voter CONTRE coûte que coûte. Les Français ou les Allemands ont sans nul doute le même potentiel mais certains ont du mal à se détourner des feux follets qui, croyaient-ils dur comme fer, leur garantissaient une certaine stabilité et déterminaient une idéologie européiste – dont la religion des droits de l’homme fait partie – qui aujourd’hui, en ersatz qu’elle est, a heurté un écueil que ses créateurs redoutaient le plus : la Réalité. On comprend mieux dans cette optique les premières interviews des volontaires étrangers engagés dans le Donbass pour qui la Résistance pro-européenne viendrait de l’Est. Le vote RBM, si l’on raisonne à une échelle étroitement nationale et à condition que celui-ci se confirme au deuxième tour, n’est qu’une piste de lancement propice à l’organisation de ladite Résistance.
Françoise Compoint
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