Le vote du texte par le Sénat sur la réforme néolibérale du droit du travail en France, ou plutôt la dérégulation du travail en France, met les partis politiques français face à leur hypocrisie. Un texte présenté par un Gouvernement censé être de gauche, soutenu par les partis de droite, démarche critiquée par le groupe socialiste. Ubuesque? Pas vraiment, simplement les enjeux de la politique intérieure n’ont plus rien à voir avec la droite ou la gauche. L’on pourrait même se demander si la volonté populaire a encore quelque chose à voir avec la politique nationale. Dérive connue et dangereuse, propre aux régimes autoritaires.
Au Sénat, majoritairement de droite, les jeux sont faits et le texte a été encore radicalisé. Comme le relève la presse.
Le Sénat français, où la droite est majoritaire, a adopté mardi par 185 voix contre 156 le projet de loi sur le travail après l’avoir profondément remanié, notamment en supprimant les 35 heures comme norme pour la durée du travail.
Les groupes Les Républicains (LR) et UDI (centriste) de la haute assemblée ont voté ce texte. Tous les groupes de gauche ont voté contre. Le groupe socialiste accuse la droite de “sacrifier le droit du travail” en dénaturant le projet de loi.
Un texte singulièrement remanié par la majorité de droite à la Chambre haute qui a rogné les nouveaux droits accordés aux salariés tout en approfondissant les aspects les plus “libéraux” du projet de loi initial.
Dans le désordre, on notera,
- la primauté donnée aux accords d’entreprise sur les conventions interprofessionnelles ou de branches;
- le rétablissement du plafonnement des indemnités prud’homales pour licenciement abusif, disposition que le Gouvernement avait retiré pour amadouer les syndicats;
- retour au périmètre national pour évaluer les difficultés économiques pouvant justifier un licenciement économique – amusant dans une économie mondialisée;
- suppression de la durée légale du travail et fixation d’une durée de référence par accord d’entreprise; etc.
On n’entrera pas dans le détail de toutes les dispositions, elles sont bien connues. Ce qui est intéressant est que le Gouvernement menace, puisque le texte doit revenir en vote à l’Assemblée nationale, de recourir au 49-3 pour faire passer sa version du texte, puisqu’il n’a pas de majorité fiable.
Cela alors que des centaines de milliers de personnes sont régulièrement dans la rue depuis près de 4 mois, qu’il y a eu de gros mouvements de grèves, qu’un mécontentement social fédère la population, tet contre le texte et contre le Gouvernement. Ce qui se traduit par la cote d’impopularité tant du Président que du premier ministre:
Le chef de l’État progresse d’un point en un mois avec 20% d’avis favorables, mais 80% (-1) des sondés disent ne pas lui faire confiance pour mener une bonne politique pour le pays. Le Premier ministre se stabilise également, avec 22% des Français qui lui font confiance, contre 77% d’opinions défavorables.
Quelle est la légitimité de ces hommes pour faire passer un texte aussi conflictuel et important pour l’avenir du pays? Aucune. Au lieu de recourir au 49-3 pour gouverner contre la société et le pays, ils feraient mieux de recourir à l‘article 11 de la Constition, le référendum législatif:
Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées, publiées au Journal officiel, peut soumettre au référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions.
Mais pour cela, il faudrait faire de la politique nationale. Au lieu de cela, le Gouvernement se crispe sur un texte bruxellois, imposant la course à la dérégulation dans la plus pure logique néolibérale. Que le droit du travail ait besoin d’être modernisé, revu en fonction des réalités et des besoins de l’époque, c’est indéniable. Mais la dérégulation est un choix idéologique, ce n’est pas une fatalité. Autrement dit, il existe d’autres voies. Que le Gouvernement exclue.
Nos dirigeants se sont positionnés envers et contre la population qu’ils dirigent, au nom de laquelle ils sont légitimes à gouverner. Leur légitimité vient du contrat social national, non de la volonté de l’Union européenne. Ils sont légitimes – et démocrates – lorsqu’ils représentent les intérêts et la volonté de la majorité nationale, non des experts technocrates européens qui vivent dans un monde parallèle. En faisant ce choix, le Gouvernement s’éloigne dangereusement du modèle démocratique. Une minorité omnisciente est censée savoir mieux que tous ce qui est bon pour la plèbe, qui se tait et doit se courber au travail.
C’est une étrange vision du monde, toutefois bien connue, dans les pays autoritaires. Est-ce cela l’avenir de la France européenne?
Karine Bechet-Golovko
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