J’ai un ami de longue date dont le nom est Gilles Arnaud. Lorsque je l’ai rencontré pour la première fois, il était sur le point de se rendre en Russie pour se renseigner sur la possibilité d’acquérir des films russes à projeter sur les chaînes web françaises. C’est que Gilles était persuadé, dur comme fer, que les Occidentaux sont tellement agressifs à l’égard des Russes parce qu’ils ignorent leur vie au quotidien, leur monde et leurs soucis.
Bien sûr, vous pourriez me rétorquer qu’un Français moyen se soucie comme d’une guigne de ce que pense un Moskoff à des milliers de kilomètres de son petit nid douillet. Mais il se trouve que, la guerre en Ukraine et la lame de fond migratoire aidant, les Européens commencent à se creuser les méninges et à réfléchir sur leur communauté continentale.
Gilles dont je vous ai parlé plus haut, était abasourdi par le nombre de films russes, genre séries télévisées, qui parlent de la religion au quotidien, de l’armée, et de la vie d’une société au quotidien. Une telle vision du monde répond à la force vitale qui meut les masses en Russie. Alors les hommes politiques de la trempe d’Ivan Blot ou de Carl Lang, se demandent comment faire pour réussir l’extrapolation de ce gène, cette composante de survie sur le sol européen.
J’avais plusieurs exemples à vous citer et des faits qui vont peut-être vous étonner. Tout d’abord lorsque les sociologues ont lancé récemment un sondage sur la figure de Staline, ils ont été sidérés en apprenant que Staline, bien que reconnu coupable des purges par 40% de citoyens russes, leur reste toujours vaguement sympathique au niveau de 51% de membres actifs de la société civile. Bien que tyran, il a réussi à faire promouvoir la Russie et a créé la puissance russe, inexistante au début du vingtième siècle lorsque le pays était agraire.
Un autre résultat d’un autre sondage recoupe celui que je viens de citer. Il y a un an et demi, les autorités ont lancé une enquête sur la figure la plus populaire en Russie. Force m’est de constater qu’ils ont vite fait de découvrir que Joseph Staline restait toujours la figure de proue dans le subconscient collectif russe. Comme disait Bossuet : « Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ». Faut-il en vouloir aux Russes de reconnaître le rôle de Staline ? Je n’en dirais pas tant ! Faut-il en vouloir aux Allemands de rester clandestinement fiers des grands héros militaires de leur histoire nationale (qui n’a duré que cent ans d’ailleurs parce que l’Allemagne n’existe qu’à partir de l’époque de Bismarck) ? Je n’en suis pas sûr. Faut-il en vouloir aux Italiens d’aimer Mussolini ? Tous ces chefs populistes ont contribué à faire connaître leurs nations respectives. Bien sûr, d’aucuns d’entre eux sont parfaitement scandaleux, mais pour en revenir à Staline, il incarne l’un des mystères de l’âme russe qui se reproduit à travers les générations. Il se trouve que c’est les jeunes qui ont massivement voté Staline : ceux qui ont moins de 35 ans et qui n’ont jamais vécu sous le régime communiste. A leurs yeux, Staline et son époque incarnait la victoire dans la Seconde Guerre mondiale : une victoire collective créée par l’effort continu de toute la nation soviétique (et non russe – ceci est très important).
Soudés par l’esprit de communauté anciennement soviétique et par tous les malheurs et grandes heures de l’époque communiste, les Russes et Biélorusses, Kazakhs et Ouzbeks ont très mal vécu que l’on s’immisce de leurs affaires intérieures lorsque les Occidentaux sont arrivés avec tout leur apparat en Ukraine pour prêcher la bonne parole de divorce avec les peuples limitrophes à leurs amis nazis ukrainiens.
Les Occidentaux auront tous les maux du monde à convaincre les Slaves, les Caucasiens et les Asiatiques de la zone ex-soviétique. Ces Européens seront toujours perçus comme étrangers et agresseurs. A titre d’exemple, je pourrais vous citer un autre cas de figure qu’est le Japon impérial. Quel qu’ait été le rôle joué par le Japon lors de la Seconde Guerre mondiale, quels qu’aient été les massacres commis par les Samouraïs en Corée ou en Chine, pour les Japonais, les étrangers ne peuvent faire partie de leur paysage ni leur apprendre quoi que ce soit sur la façon de régir leurs terres et leurs problèmes respectifs.
Il en va de même pour les Russes qui aiment bien parler aux Européens, mais qui, au fond de leur âme, ne les acceptent pas et très souvent les considèrent comme des êtres avachis qui ont bradé leur terre aux Barbares contre la sécurité de plusieurs générations ; qui ont renoncé à la spiritualité catholique au nom de la luxure. Tel est l’esprit russe traditionnel répondant à l’esprit samouraï japonais, ou encore à d’autres cultures eurasiennes.
Pour ce qui est des exemples de cette jeunesse russe dont je voulais vous parler, j’ai rencontré hier une amie russe de 35 ans que je n’avais pas revu depuis plus de 15 ans. A l’époque, nous avons travaillé ensemble au Ministère des biens publics. Agée d’une quarantaine d’années, cette dame, blonde, aux yeux bleus, silhouette élancée, très belle de son physique, occupe le poste du directeur des Ressources Humaines chez Soukhoi, le grand avionneur russe. On s’est causé sur nos 15 années respectives et puis on s’est mis à parler de nos passe-temps préférés. Qu’elle n’ait été ma surprise à découvrir que cette belle fille solitaire se passionne pour la peinture des icônes ! J’avais passé une heure à écouter une conférence générale sur les couleurs traditionnelles pour peindre une icône, la façon de préparer le bois, la technique du dessin. J’en suis resté bouche bée. Une commerciale ; parfaitement intégrée dans la vie des quartiers d’affaire huppés du tout-Moscou, peint des icônes et rêve de prendre le voile !
Quelques jours plus tard, j’avais interviewé un jeune maître d’arts martiaux coréens qui a sa clientèle à Moscou. Non seulement le gars avait un langage racé et une culture à toute épreuve, mais, qui plus est, il m’a narré l’expérience de son club qui a passé tout l’été à débroussailler le terrain dans un bled abandonné à quelques centaines de kilomètres de Moscou pour y reconstruire une église brûlée par les Bolchéviques. Une fois les murs debout, les sportifs ont fait une quête dans leur milieu pour commander les icônes et faire repeindre les fresques. Et il ne s’agit que des gens normaux qui n’ont rien à voir avec la spiritualité et la religion dans leur vie de tous les jours !
Je vous ai fait étalage de ces réflexions et de ces histoires pour que vous ne vous leurriez pas : dans leur majorité absolue, les Russes restent très militarisés dans leur esprit, rattachés à des valeurs traditionnelles et très fermés aux idées protestantistes de l’Occident. Ils peuvent se passionner à la technique moderne ou rouler, comme moi, avec une Land Rover. Cela ne change absolument rien à leur vision ancestrale où les contestataires, si chers au cœur d’une Laure Mandeville ou d’un Pierre Avril, ne représentent que la lie de la communauté russe.
Cela vous expliquerait aussi pourquoi les Occidentaux ne peuvent vaincre dans le Donbass avec leurs idées carrément nazies importées de l’Amérique par les suiveurs de Zbiegnew Brzesinski.
Alexandre Artamonov
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FASSEUR Richard
Si l’on posait la même question à de jeunes mongols, ils répondraient Gengis Khan