Dans les années 90 du siècle dernier, les tribunaux internationaux ont soulevé la nécessité de créer un tribunal indépendant et permanent pour juger des affaires liées au génocide et les crimes contre l’humanité. C’est la fonction qui a été attribuée à la Cour Pénale Internationale (la CPI) de la Haye qui agit sur les bases du Statut de Rome. Le 20 janvier 2000, l’Ukraine a signé le Statut de Rome en suivant plus de 60 autres pays.
Il peut paraître étrange, mais le garant de la démocratie, celui qui impose son opinion et sa volonté partout dans le monde, à savoir les Etats-Unis, sont un des opposants les plus farouches de la CPI. En l’an 2000, les USA avaient signé le Statut de Rome, mais déjà en 2002, ils ont révoqué leur signature. Il est à noter que les informations sur l’éventuelle opération militaire américaine contre l’Irak ont paru dans les médias après les soi-disant «attaques terroristes du 11 septembre». A cette époque, il y avait de tr_s fortes hostilités en Afghanistan contre les Talibans. En avril 2002, on a aussi entendu dire que la Grande-Bretagne avait accepté de participer à la future guerre contre l’Irak. Ainsi, il n’est pas étonnant que Bill Clinton a expliqué, en signant le document, que les USA n’avaient pas l’intention de ratifier le Statut de Rome avant de connaître le travail de la CPI. En vérité, les Etats-Unis voulaient gagner du temps pour trouver des leviers qu’ils pourraient utiliser pour influencer ce nouvel organisme apparu sur l’arène juridique internationale, et la façon dont ils pourraient en contourner telle ou autre clause. Le gouvernement de Georges Bush-junior a complètement refusé de participer au Statut de Rome, sous prétexte de protéger ses militaires, ayant déclaré qu’il violait les intérêts nationaux et la souveraineté des USA. Ils n’avaient pas grand-chose à faire du petit détail qu’au sein même des Etats-Unis, on pouvait jeter en prison n’importe quel citoyen en l’accusant de terrorisme conformément à USA PATRIOT Act (NDT : «Loi pour unir et renforcer l’Amérique en fournissant les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme» votée par le Congrès des États-Unis et signée par George W. Bush le 26 octobre 2001. Source). Plus encore, en 2002 les USA ont adopté une loi spéciale autorisant un recours à la force militaire pour libérer tout citoyen américain ou des citoyens des pays alliés des Etats-Unis, arrêtés sur le territoire de n’importe quel pays sur un mandant de la CPI. Egalement en 2002, un document a été adopté par une de commissions du Congrès avec un soutien considérable de l’administration. Le dit document appellait le président américain à recourir à la force en cas d’une menace envers les citoyens américains dela part de la CPI. Ainsi que ne pas fournir des armes pour aider les pays ayant signé cet accord international. De cette façon, les USA se sont «préparés» à la guerre à Irak, ainsi qu’à tous les autres conflits sur les territoires des pays dans lesquels ils avaient l’intention d’apporter leur «démocratie ailée».
Après le début de la soi-disant «ATO» (NDT : Opération anti-terroriste, le nom officiel utilisé en Ukraine pour désigner la guerre du Donbass), les pouvoirs kiéviens ont fait un grand tapage médiatique autour de l’éventuelle ratification du Statut de Rome. Ceci dans le but de traduire en justice des personnes coupables (comme ils le pensent) des crimes commis sur le territoire de l’Ukraine. Cependant, ils savaient bien qu’en le ratifiant, ils allaient surtout attirer de nombreux malheurs sur leurs tètes. Ainsi, fin août 2013, le député Youri Loutsenko a fait une déclaration éloquente : «Une fois que le Statut de Rome aura été ratifié, les premiers à être trainés devant la Cour à la Haye, seront les chefs de nos bataillons volontaires. Je considère que nous devons d’abord gagner la guerre, pour ensuite nous occuper de la défense de ceux qui, dans des conditions difficiles frôlant parfois des limites du cadre judiciaire, ont défendu leur Patrie». Evidemment, Youri Loutsenko se faisait du souci non pas pour des commandants des bataillons paramilitaires et radicaux Azov, Aïdar, DUC etc., mais pour sa propre personne. Il réalisait très bien que la CPI pouravit aussi traduire devant la justice une personne qui n’a pas commis personnellement les crimes cités par le chef d’accusation, mais qui, si on paraphrasait les paroles de l’ancien procureur de la CPI Luis Moreno-Ocampo prononcés lors de l’accusation liminaire de Jean-Pierre Bemba, «est cent fois plus dangereuse que n’importe quel violeur agissant seul» du fait d’avoir à sa disposition des arme hyper puissantes : l’armée et le pouvoir. C’est ce qui concerne non seulement monsieur Loutsenko, mais tous les hauts responsables du régime kiévien : les représentants de l’armée, le parquet, le ministère de la Défense, le SBU (NDT ; le service de la sécurité de l’Etat de l’Ukraine), le CSND (le Conseil de la Sécurité Nationale et de la Défense), le président et le Premier ministre.
Il ne faut pas oublier que la CPI a déjà eu affaire à ce genre de procès. Dans les années 2002 -2003, lors de la 2e guerre de Congo, Jean-Pierre Bemba commandait des unités paramilitaires illégales d’environ 1 500 soldats. Sous le commandement de Bemba, ces soldats ont commis des centaines de meurtres, des pillages, des violes des civiles. Selon Luis Moreno-Ocampo, les soldats de Bemba rentraient à plusieurs dans des maisons de ceux qu’ils soupçonnaient d’être des sympathisants des insurgés et, en emportaient tout ce qu’ils pouvaient, violaient et tuaient ceux qui leur résistaient. Cela ne vous rappelle rien ?
Luis Moreno-Ocampo a dit la chose suivante à propos du procès de Bemba procès : «Nous avons plus de preuves qu’il n’en faut. D’habitude dans des affaires de ce type, il n’est pas facile de prouver que le chef militaire dirigeait vraiment l’armée. Dans ce cas précis, c’est simple : l’armée introduite dans la République Centrafricaine appartenait à Bemba, il l’a créée et l’a financée. Il l’a crée dans le but de s’emparer des ressources et du pouvoir. Nous voulons déclarer une fois pour toutes :on ne peut pas accéder au pouvoir et l’argent à l’aide des crimes abominables. On ne peut de cette façon que d’aller en prison. Voilà ce que ce procès doit montrer au monde entier. Nous avons toutes les preuves et c’est aux juges de les évaluer».
En 2008 Bemba fut arrêté à Bruxelles sur un mandat de la CPI. Le 22 mars 2016, la CPI l’a reconnu coupable des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
Dans notre prochain article, nous verrons en détail les crimes commis sur le territoire de l’Ukraine et des République du Donbass qui rentrent dans le champs de la juridiction de la CPI.
Gueorgui Morozov
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