Alea jacta est, le sort est jeté. Trop confiant en sa bonne étoile, l’ex-locataire de Bercy, Emmanuel Macron, est enfin sorti de l’ambiguïté pour se consacrer à son mouvement politique. “Je fais le choix de prendre mes responsabilités”, a-t-il expliqué sa démission. Serait-ce un nouveau Jules César qui, en 49 avant J.-C., eut franchi le Rubicon pour fondre sur Rome avec ses légionnaires? Il est permis d’en douter.
Si Emmanuel Macron prend le risque, cela ne peut-être que pour plusieurs raisons. Primo, il se croit porté par son mouvement “En Marche!”, lancé le six avril dernier, qui compte près de 60.000 adhérents. Secundo, il est convaincu, comme Jean-Luc Mélenchon ou Arnaud Montebourg, que François Hollande, s’il se présente, n’aura aucune chance d’être réélu. Tertio, il bénéficie d’une couverture médiatique exceptionnelle. Finalement, il entre en campagne soutenu par l’oligarchie. François Asselineau, président et fondateur de l’Union Populaire Républicaine, ne mâche pas ses mots : “La nomination d’Emmanuel Macron au gouvernement est aussi saugrenue et étonnante que sa démission. Il a bénéficié d’une promotion extraordinaire de Jacques Attali qui a pignon sur rue dans les médias français et qui était conseiller de François Mitterrand, puis de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande. On a le sentiment que la nomination de M. Macron n’a pa été décidée ni par le Président de la République ni par le premier ministre, mais elle a été imposée au chef de l’Etat par des réseaux d’influence”. Essayons de démêler le phénomène du macronisme où la communication et la médiatisation prennent parfois le pas sur la réalité.
Jeune (il n’a que 38 ans) et ambitieux, Emmanuel Macron lutte pour rebattre les cartes d’un système politique à bout de souffle. Son projet repose notamment sur un bouleversement de l’ordre électoral actuel, celui de la tripartition classique gauche-droite-FN et d’une recomposition au centre. Il n’est pas socialiste, comme il l’a affirmé lors de sa visite au Villiers au Puy-du-Fou, le 19 août, mais il n’est pas non plus un conservateur, ce qui le distingue de la droite traditionnelle, ni un gauchiste, parce qu’il se dit ultra-libéral. Le positionnement en dehors des partis traditionnels paraît un atout important dans une société qui les juge responsables de tous les blocages du pays. Sauf qu’on ne peut pas juger de ce que le macronisme représente dans l’électorat, au-delà de l’incontestable popularité de son leader.
Dans ce qui pourrait être le plus important dans son “programme électoral”, s’il se présente, on retrouve l’éloge d’une société mobile, ouverte, dynamique et innovante. Serait-ce du verbiage creux, propre au volontarisme de la “jeunesse”, ou une réelle intention d’incarner une modernité économique par un projet de recomposition politique? Pour répondre à cette question, il suffit de voir le bilan du “héraut de la mondialisation” au gouvernement. “En deux ans, il n’a pas fait grand-chose d’autre que d’appliquer les recettes ultra-libérales imposées par les traités européens, fustige François Asselineau. D’abord, il s’est fait remarquer pour avoir dérégulé le marché du transport en autocar en France. Résultat: il y a 9-10 lignes d’autocars privées qui ont créées près de 250 emplois, ce qui est rien à l’échelle de l’économie française, et ont fait une perte de 250.000 euros à la SNCF. Ensuite, M. Macron a également procédé à la privatisation de l’aéroport de Toulouse, vendu aux intérêts chinois, en juillet 2015. C’est une affaire scandaleuse. Les investisseurs chinois ont disparu de la circulation, on ne les a pas retrouvés, on a ensuite découvert que c’était une cascade de sociétés localisées aux îles Caïman dans les Caraïbes, qui sont des paradis fiscaux et de blanchiment. Le patron chinois était poursuivi, d’ailleurs, pour fraude fiscale en Chine. Les médias français ont gardé un grand silence sur cette affaire. Le dernier point: le semi-échec de la loi sur l’ouverture des commerces le dimanche. Toutes ces opérations n’ont eu aucun impact sur l’emploi et sur l’économie, puisque le taux de croissance est en quasi-récession et que le chômage ne fait qu’augmenter, malgré la volonté du gouvernement de camoufler les chiffres et de les truquer”.
Ceci-dit, le macronisme pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Deux hypothèses sont plausibles.
Hypothèse 1: le phénomène Macron est purement médiatique et ne correspond pas à la réalité. Cela expliquerait son “émancipation/trahison” de François Hollande pour, probablement, se proclamer pour les élections de 2017 sans fonction, sans parti politique derrière lui, sans assise électorale, sans programme élaboré.
Hypothèse 2: l’ancien ministre de l’Economie est sérieux. Certes, Emmanuel Macron a sur le papier peu de chances de l’emporter seul. De plus, s’il va se présenter, il lui faut réunir 500 parrainages, ce qui sera dur pour celui qui n’a jamais brigué le suffrage universel. S’il y échoue, écrit le journal belge Le Soir, “son pari ne serait qu’un coup d’épée dans l’eau. Un épisode de cette ‘télé-réalité présidentielle’ qu’il prétend justement dénoncer”.
Les jours prochains nous diront laquelle des deux hypothèses est la bonne et si le projet d’Emmanuel Macron serait aussi populaire quand l’attention médiatique se reporterait sur les primaires de la gauche et de la droite.
Valéria Smakhtina, Pravda.ru
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