Odessa, 2 mai 2014. 48 morts, plus de 250 blessés. Tous des habitants d’Odessa. Ce n’est pas “un terrible incident”, ni même “une tragédie”. C’est un massacre. Voulu et organisé. Le nouveau pouvoir, encore contesté après le coup d’Etat du Maïdan a besoin d’écraser dans le sang la contestation dans l’Est du pays pour arrêter la contagion. Le 2 mai 2014, ce pouvoir ukrainien pro-européen, soutenu à bout de bras par nos dirigeants, par l’UE, par les Etats Unis, par le fameux “Monde libre”, par le clan du Bien contre le Mal, ce nouveau pouvoir reçoit le sacre par le sang de ses concitoyens. Silence dans les médias occidentaux: des “terroristes” pro-russes, voire russes, sont morts eux-mêmes, dans un incendie, étouffés. Terrible accident. Blocus de l’information dans le “Monde Libre”.
Ne pas pardonner. Ne pas oublier. Vidéo +21ans pour comprendre l’ampleur de l’horreur:
Non, Odessa n’est pas un “incident”. Voir nos textes sur le sujet:
Odessa, comme on ne vous l’a pas montrée
Odessa, la ligne rouge pour Iatséniuk
Odessa, ni oublier ni pardonner au nom de la dignité
3 ans après ce massacre, aucune enquête sérieuse n’a été menée, la question de la responsabilité des pompiers qui seraient arrivés trop tard, de la police qui n’aurait pas suffisamment rapidement pris les choses en main est toujours discutée. Mais les indices ont été rapidement détruits. La police a “perdu” les documents de l’enquête. Cette enquête qui ne concerne pas particulièrement le massacre de la Maison des syndicats elle-même, mais surtout les incidents lors des manifestations précédant le déversement animal de fureur contre les antimaïdans qui se sont ensuite réfugiés dans la Maison des syndicats.
Vidéo amateur montrant comment les nationalistes et les membres d’Euromaîdan assassinaient les gens qui s’étaient réfugiés, sans armes, dans le bâtiment et tentaient de s’échapper (les russophones apprécieront les commentaires):
Petit rappel. Immédiatement, le Premier ministre A. Iatséniuk affirme la responsabilité des “terroristes”, qu’il faut trouver le lien avec la Russie qui est évidemment impliquée et que c’est la faute de la police locale. Mission est donnée d’enquêter en ce sens. Point final, question réglée. L’on oublie les nationalistes. Dans un premier temps, le pouvoir a tenté de tout mettre sur le dos du député local V. Markine, mort sur place. Mais la réaction en Europe n’a pas permis de clore l’affaire sans suite. Ensuite, le chef de la police d’Odessa, D. Golovine, a déclaré avoir perdu la quasi-totalité des documents de l’affaire.
En novembre 2014, le conseiller du ministère de l’intérieur, Z. Chkiriak, déclare que l’enquête est terminée: sur le banc des accusés, se retrouvent 22 personnes, appartenant au groupe des rescapés de la Maison des syndicats. Sur la centaine d’audiences qui aura eu lieu en 2 ans, moins de 20 ont été consacrées à l’analyse des preuves, les autres ont été sabotées par les nationalistes lorsque le juge a voulu relâcher des inculpés ou bien les parties ne se sont pas présentées.
En décembre 2016, les juges chargés de l’affaires sont remplacés. Et en février 2017, la Cour reprend l’affaire … depuis le début.
Toujours est-il que ni la chronologie exacte des faits, ni les causes du décès des victimes de la Maison des syndicats n’ont été établi clairement par l’enquête. Des sources alternatives affirment qu’un groupe de 15 personnes serait arrivé la veille et entré dans le bâtiment. On les verrait sortir avec des masques à gaz le lendemain lors du massacre. Des ballons de gaz de l’armée et des grenades fumigènes militaires ont été retrouvés sur place, qui dégageaient des gaz toxiques. Par ailleurs, la “première victime sacrificielle” appartenant à Secteur droit est l’objet de sérieuses remises en question. Tout d’abord, le corps a été déplacé en plusieurs endroits, ensuite le premier véhicule du SAMU a été bloqué par les nationalistes qui n’ont laissé passer que plus tard le second véhicule.
Selon le journaliste Y. Tkachev, le massacre a été préparé en avance par le pouvoir avec les membres de l’Euromaïdan, des supporters de foot et les nationalistes. Mais la plupart des documents de l’enquête sont classés secret. Et les pressions de l’UE qui estime que l’enquête menée ne correspond pas aux standards européens n’y change rien. L’Ukraine a trop à y perdre, d’autant plus que les discours ukrainiens sur le sujet sont on ne peut plus clairs: c’est dommage, mais c’était nécessaire pour mettre un terme au mouvement de rébellion qui s’emparait du pays suite au coup d’Etat. Aucun regret. Si c’était à refaire on le referait, car l’effet voulu a été atteint.
Pour les russophones, voici un documentaire d’A. Mamontov très complet sur le massacre d’Odessa:
Massacre d’Odessa : liste des rescapés détenus comme prisonniers politiques par le pouvoir putschiste de Kiev depuis 3 ans !!!
“Je ne veux plus pleurer car pleurer nous désarme
Et c’est bon pour un Dieu de plier le genou” (Aragon, Absent de Paris, VI)
Nous ne sommes que des hommes et voulons des réponses. Sans pardon, pour la dignité.
Karine Bechet-Golovko
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