Le grand-duc Dmitry Romanovitch, prince de Russie de la Maison de Holstein-Gottop-Romanov, chef de la Maison Romanov depuis septembre 2014, est arrivé hier en Crimée. Ce patriarche de 89 ans qui est aussi l’arrière-arrière-petit-fils de l’empereur Nicolas Ier s’est décidé à faire un voyage assez difficile pour quelqu’un de cet âge mais en même temps hautement symbolique suite à l’invitation de Natalia Poklonskaïa, Procureur Général de la péninsule criméenne. Imaginez donc ce descendant du dernier Tsar sortir de ses bagages une vieille bouteille remplie de sable fin. Un sable que l’on aurait cru recueilli hier ou acheté, dans cette bouteille vieillie selon un procédé bien connu, dans le kiosque du coin.
Détrompez-vous! Il s’agit d’une relique familiale ramenée à Antibes en 1919 par son défunt père, le prince Roman Petrovitch, cousin et filleul de Nicolas II. Embarqué à bord d’un paquebot qui l’emmène au loin, vers l’inconnu, sans doute sait-il qu’il ne reviendra pas. De là où il est, il continue à aimer une Russie certes bolchevisée mais qui reste celle qui l’a engendrée, la sienne. C’est avec une attention particulière, mêlant angoisse et espoir, qu’il suivra les grandes batailles de l’URSS pendant la II GM. Car on peut rejeter un régime, quitter son pays les circonstances y contraignant, mais rester patriote jusqu’à la moelle, constat me semble-t-il banal mais qui pousse à établir un parallèle avec les “dissidents” russes haineux exilés qui soutiennent le génocide des Donbassiens pour la simple et étrange raison qu’il est, primo, soutenu par l’Occident, secundo, correspond au bon vieux principe réductionniste selon lequel l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Si le prince Roman a su transmettre à son fils cet attachement si touchant pour une terre dont il n’avait pas la moindre représentation jusqu’à l’éclatement de l’URSS, c’est bien que la famille faisait le distingo entre “régime” et “patrie”. On se souviendra dans les années 90 des activités caritatives du grand-duc Dmitry qui s’était alors beaucoup investi dans les orphelinats et hôpitaux à une époque où le pays sortait à peine d’une révolution larvée. On le revoit aujourd’hui, riche d’un engagement qui ne saurait être motivé par des arrière-pensées mercantilistes, soutenir la réunification de la Russie avec la Crimée et rendre à la terre ancestrale les grains de sable que lui avait pieusement emprunté son père avant un exil auquel la mort vint mettre un terme. Nous autres, descendants du feu Tsar, nous n’attendons rien de la Russie mais nous aimerions tant lui être utiles! La présence de Dmitry Romanovitch en Crimée est d’une utilité autre que pratique: elle montre à quel point l’Histoire reprend de ses droits à travers le retour à la Continuité et malgré les périodes de rupture que ses acteurs ont été amenés à affronter.
Ce retour à la Continuité a aussi des fondements pratiques qui permettent de dire que rien n’a été fait à tort. Début avril, Forbes a publié un sondage tout à fait éloquent révélant le degré de satisfaction des Criméens par rapport au retour au bercail. 82% des sondés avaient exprimé leur parfaite satisfaction auxquels il faudrait ajouter 11% de personnes “plutôt satisfaites”. 21% des sondés avaient constaté une nette augmentation de leur revenu, 30% une amélioration de leurs conditions de vie contre 35% qui n’avaient relevé aucun changement particulier par rapport à 2014 et 13% dont le revenu a diminué. Nous obtenons une moyenne générale plus qu’honorable doublée de quelques estimations croustillantes qui ont fait littéralement tressaillir les autorités de Kiev. Ainsi, seul 1% de la population considérerait que les médias ukrainiens font preuve d’objectivité et 4% que ces derniers seraient “plutôt objectifs”. Ces chiffres sont en adéquation avec les résultats du référendum de mars 2014 et acquièrent un sens encore plus marqué si l’on sait que (selon les mêmes sources) 94% de la population ukrainienne ont relevé une nette régression de leur niveau de vie. Non seulement ces chiffres décrédibilisent toute la propagande alarmiste kiévienne que l’on retrouve en écho dans la presse occidentale, mais en plus elles légitimisent en pratique ce que beaucoup d’experts avaient alors qualifié comme étant “le coup de force poutinien”. La réalité ayant l’avantage de se suffire à elle-même – elle n’a pas besoin de ce faire-valoir factice qu’est la manipulation médiatique pour exister – elle finit forcément par gagner les esprits. Si l’expérience criméenne n’avait pas abouti, sans doute ne verrions-nous pas une centaine de généraux et d’officiers allemands signer une lettre ouverte intitulée “Soldats pour la paix” et qui dénonce l’américanisme délétère de Berlin vis-à-vis de Moscou! Se serait-on imaginé quelque chose de semblable il y a encore quelques petites années? Sans doute ne verrait-on pas Libé publier un article de Guy Mettan, journaliste et homme politique suisse remettant résolument en cause la russophobie d’un Occident plongé dans un égarement de type paranoïaque! Enfin, puisque la réalité a aussi une forte dimension symbolique, sans doute ne verrions-nous pas triompher, presque cent ans plus tard, comme une forme de justice historique qui a fait que le fils d’un prince poussé à l’exil par le bolchevisme a enfin pu voir de ses propres yeux l’immensité de cette terre que son père prit soin de mettre en bouteille.
Françoise Compoint
2 Comments
Michel
En ces temps apocalyptiques, de fin de notre ” ancien monde ” qui s’auto détruit par les forces du ” malin ” ; nous devons nous rendre à l’évidence ! ( Ce qui est écrit est écrit ! Ce qui doit advenir adviendra ! ) Notre salut commun nous viendra de la Sainte Russie orthodoxe et traditionnelle ! Amen Michel !
Thomas
Intéressant comme point de vue… et bien écrit !
Où peut on trouver la lettre ouverte des généraux et officiers allemands ?
Merci