Depuis 2015, Zakhar Prilepine, écrivain russe, est conseiller de A. Zakharchenko, à la tête de la république de Donetsk. Pour autant, il exerçait cette fonction sans médiatisation particulière. Hier, sa nomination comme vice-commandant d’un bataillon de forces spéciales est apparue dans tous les médias. Après la mort de Motorolla, de Guivi, DNR prend un nouveau visage. Cette médiatisation est hautement symbolique, mais peut être aussi militairement importante. Alors qui est cet homme?
Zakhar Prilepine est né en Russie en 1975. A la fin de ses études secondaires, il entre à l’école de la police et sert dans les forces spéciales policières (OMON), va combattre en Tchétchénie et au Daghestan. Par ailleurs, il suit également des études en faculté de philologie. En 1999, il change de profession pour le journalisme. Auteur de nombreux ouvrages, il est considéré comme un des fondateurs de la prose militaire contemporaine. En 2015, il est le deuxième écrivain russe le plus cité. Sur le plan politique, il appartient à la branche patriotique de l’opposition russe. En 1996, il entre dans le parti de Limonov national-bolchévique. A partir de 2007, il organise et participe aux Marches contestataires, en 2010 il conteste le “système Poutine”. Son rapport au pouvoir va radicalement changer en 2014 avec le rattachement de la Crimée. Par cet évènement, il voit le retour d’une Russie décomplexée et souveraine, ce qu’il attendait depuis la chute de l’Union soviétique.
Autrement dit, l’arrivée à un poste combatif de la République de Donetsk d’une personne de cette carrure est hautement symbolique. Les groupes de sabotage ukrainiens ont voulu décapiter la résistance dans le Donbass, la rendre impersonnelle et par là même l’affaiblir en rendant impossible tout mécanisme populaire d’identification. L’arrivée en fanfare d’un des écrivains russes les plus célèbres aujourd’hui donne une vitalité nouvelle au combat des habitants du Donbass.
Il a lui-même formulé dans une interview donnée au journal Komsomolskaya Pravda, les raisons de ce combat:
Selon Z. Prilepine, le Donbass est une zone de responsabilité de la Russie. La Russie se reprend toujours lorsque la situation est particulièrement dramatique. Si la situation s’améliore dans le Donbass, alors tout se passera bien dans tous les autres domaines pour la Russie.
A la question; pourquoi faites-vous ça? La réponse est simple: si ce n’est moi qui le fera? Et il faut bien le faire. De cette manière Z. Prilepine renoue avec les traditions d’Ancien régime des écirvains-officiers qui n’avaient pas peur de prendre la tête des attaques sur les champs de bataille lorsque la Patrie était en danger. Les réactions contestataires d’une partie de l’intelligensia russe est un héritage des années 90 et du siècle d’argent, où il était bien vu de distinguer l’Etat et le pouvoir, où se trouvait en opposition était un élément constituant de cette catégorie sociale. Historiquement, il y a toujours eu une partie de “l’aristocratie” qui sympathisait avec les agresseurs de la Russie, comme avec Napoléon. L’attitude aujourd’hui de ces groupes “progressistes”, particulièrement protectrice pour le régime ukrainien et inquiet pour Adeevka sans regarder Donetsk, n’est qu’une continuation de ces “habitudes”. Pour autant aujourd’hui, la situation est claire en Ukraine, tout est connu, chacun doit choisir son camp en pleine connaissance de cause. Même s’il ne s’agit pas de faire la guerre à l’Ukraine, mais à ce gouvernement bandériste nazi.
A la question quel est le but de cette guerre, la réponse également fut simple, mais cinglante: Kiev, Kiev comme ville russe, et toute l’Ukraine bien sûr. Les erreurs de Yanukovitch ont bien montré qu’il était impossible de négocier, traiter, le lendemain ou plus tard à la première occasion, ils se retourneront contre vous.
A la question en quoi croire; la réponse vient en effet du siècle d’or: en la Sainte Russie, en Dieu miséricordieux, en ce que tu es mortel. Je ne suis pas vraiment un gardien des traditions, je veux que l’homme reste homme.
Ce que Zakhar Prilepine annonce, c’est une forme de guerre de libération. Le Donbass, dans cette logique, sortirait d’une position purement défensive issue des accords de Minsk. Ces accords de Minsk qui montrent leurs limites, non pas pour l’Ukraine qui les utilise essentiellement pour faire maintenir des sanctions internationales contre la Russie, tout en se préparant à déclarer l’état de guerre sur son propre territoire, contre son propre peuple. Ces accords de Minsk dénoncés comme étant la source de la perte de quasiment tous les commandants historiques de la résistance dans le Donbass, ceux qui furent justement le visage de cette guerre.<
Le changement de discours sur le Donbass est visible. D’une défense inconditionnelle des mythiques accords de Minsk, il y a reconnaissance de leur échec: l’attaque lancée par l’armée régulière ukrainienne en violation totale de ces accords et sans réaction particulière de la communauté internationale, le recours à l’artillerie lourde, aux tansks à côté des représentants de l’OSCE, tout cela discrédite une position purement défensive de la résistance du Donbass. Pour exemple, vous pouvez, pour les russophones regarder cette émission 60 minutes passée hier soir sur Rossya 1. La position défendue a évolué quant aux accords de Minsk, qui perdent peu à peu leur sacralité en même temps que leur violation persiste: il ne s’agit pas de faire la guerre à l’Ukraine, mais de combattre le régime issu du coup d’état du Maïdan. La Russie ne peut pas laisser massacrer des populations civiles russes, soumises à nouveau à un blocus alimentaire, social et économique.
A ce jour, la Russie, officiellement, ne se positionne pas, jouant sur les différents niveaux du discours. Le porte-parole du Kremlin, D. Peskov, affirme que des russes et des citoyens d’Europe occidentale ou d’ailleurs s’engagent à titre personnel pour des raisons diverses dans les républiques du Donbass. C’est un choix que ne commente pas le Kremlin.
Z. Prilepine, lui aussi, dénie être en “voyage commandé” par le pouvoir:
S’agit-il simplement d’une opération de communication ou la Russie va-t-elle changer de technique? Il est vrai que sa position extrêmement légaliste quant à l’application par le Donbass de ces accords de Minsk, beaucoup moins contraignants pour l’Ukraine, sur fond de sang innocent versé, d’enfants de retour dans les caves, devient difficile à faire accepter à sa population. Car comment défendre en même temps “le monde russe” et laisser des populations ethniques russes se faire massacrer à vos frontières en raison d’un accord conclu et systématiquement bafoué? Minsk n’apporte pas la paix, mais cache la guerre. Une guerre sale et inégale.
Karine Bechet-Golovko
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