La première visite officielle, au bout de 2 ans, de la chef de la diplomatie européenne a permis de mettre les points sur les i, au cas où un doute persisterait, que certaines illusions pourraient encore brouiller le paysage. Le diagnostic a été posé froidement par F. Moghérini: l’UE et la Russie ne sont plus des partenaires stratégiques. Sont-elles seulement encore des partenaires, ou seulement des voisins …
Les relations entre l’UE et la Russie sont au plus bas niveau qu’elles n’aient jamais connues. Ce constat vaut pour les relations internationales en générale entre le bloc américano-centré et la Russie. Comme le déclarait S. Lavrov, le ministre des affaires étrangères russe, elles se sont fortement dégradées par rapport à l’époque de la guerre froide:
“Sans aucun doute, c’est pire maintenant … A l’époque, il existait deux Empires: occidental et soviétique, chacun d’eux développait des conflits avec son adversaire sur le terrain d’un pays tiers. Mais jamais à ses frontières et jamais frontalement. Même la rhétorique publique était plus légère. A l’époque, les deux clans ne dépassaient pas les limites établies. Aujourd’hui, il n’y a plus aucune règle.”
La visite de F. Mogherini fut une impasse, une impasse repoussée pendant deux ans. L’accueil fut réglementaire et froid, comme vous pouvez le voir sur cette vidéo de la première conférence de presse (traduction en anglais):
Cette froideur réciproque a été relevée dans la presse française, dans l’article du journal Le Monde qui commence très justement par cette phrase:
Les formes ont été respectées.
Pour finalement ne déboucher sur aucun dialogue constructif, chacun restant sur ses positions:
Mais sur le fond, la rencontre a plutôt donné lieu à un dialogue de sourds.
La conférence de presse finale montre en effet l’irréductibilité des positions européenne et russe:
Si chacun invoque le caractère obligatoire des accords de Minsk, comme à chaque fois, le sens attribué à cette déclaration n’est pas le même de part et d’autre. Pour la Russie, l’UE doit faire pression sur l’Ukraine pour qu’elle commence à les mettre en place. Pour l’UE, la Russie est responsable de leur échec et tend à la faire passer du rang de garant à celui de partie.
Bien sûr, il y a la lutte contre le terrorisme, qui a été récemment timidement réactivée, selon S. Lavrov. Mais de toute manière toute coopération réelle est impossible en raison des positions différentes concernant le sort d’Assad en Syrie et l’impossibilité pour l’Occident de reconnaître à la Russie un rôle de partenaire, qui sous-entend la reconnaissance de l’égalité. C’est pourquoi lorsque S. Lavrov invoque un dialogue à égalité, sans que personne ne donne de leçon … ce dialogue ne débouche sur rien. L’UE ne veut parler à égalité avec la Russie.
Et lorsque S. Lavrov invoque du bout des lèvres et très professionnellement l’ouverture de la Russie, la possibilité de développer avec l’UE des relations stratégiques plus profondes, F. Mogherini met les points sur les i, de manière somme toute assez peu diplomatique:
« Ce serait surréaliste de nous considérer comme des partenaires stratégiques et d’avoir adopté des sanctions réciproques. »
Et comme elle insiste sur le fait que les sanctions européennes sont liées au rattachement de la Crimée à la Russie qu’elle qualifie d’annexion, il est évident que la Russie et l’UE ne seront plus des partenaires stratégiques pendant de nombreuses années.
La Russie a beau appeler à plus de sérénité dans l’appréciation des faits qui ont conduit au coup d’Etat constitutionnel en Ukraine et au rattachement de la Crimée, l’Occident – et l’UE en tête – sont dans une logique différente. L’Ukraine doit être une victime car elle est un instrument qui permet de tenter de freiner le retour de la Russie sur la scène internationale et de justifier la coalition atlantiste. Aucun acteur n’abandonnerait de lui-même le pouvoir qu’il possède: l’UE joue le rôle du pion au service du clan atlantiste dans la région.
Karine Bechet-Golovko
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