Charlie Gard, bébé de 10 mois, gravement atteint d’une maladie particulièrement rare, ne pourra non seulement être envoyé aux Etats Unis pour bénéficier d’un traitement expérimental, mais, contre la volonté des parents, sera débranché. Il ne souffrira plus, tel en a décidé la CEDH confirmant la décision des juges anglais. Il ne vivra plus non plus, mais c’est un détail.
Est-ce réellement à la justice de prendre ce genre de décision? Au-delà de la question de l’acharnement thérapeutique, se pose une question beaucoup plus centrale, celle de notre rapport à la vie.
Combien coûte une vie. Son prix est très variable. Par exemple, depuis la réforme de M. Thatcher, dans les hôpitaux anglais, l’on estime la nécessité de prescrire un traitement en évaluant le rapport entre son coût et ses chances de réussite en fonction de l’âge du patient et de son état général. Pour Charlie Gard, elle coûte environ 1,5 million d’euros. C’est la somme récoltée par les parents sur internet pour prendre en charge le traitement expérimental existant aux Etats Unis. L’hôpital américain était prêt à accueillir le bébé.
Mais les médecins anglais de l’hôpital qui s’occupe de Charlie depuis sa naissance ont décidé que son état était irréversible, que ce traitement n’apporterait rien de plus, sauf une prolongation inutile de ses souffrances. Il faut vraiment avoir la chance de ne pas être atteint d’une maladie incurable pour tenir ce genre de raisonnement, sinon n’importe quel nouveau traitement permet de garder l’espoir.
Peu importe, contre l’avis des parents, l’enfant doit être débranché, mis sous traitement palliatif et attendre la mort. Fin rationnelle d’une société froide et rationnelle. Cette attitude est de plus en plus répandue dans les milieux médicaux, même en France. Notamment en ce qui concerne les personnes âgées, auxquelles l’on ne prescrit pas forcément d’alimentation parentérale, que l’on laisse dépérir avec ces fameux traitements palliatifs, qui permettent d’avoir bonne consience. Un peu comme avec les mouches – elles n’ont pas mal, elles ne crient pas.
Suite à la décision des magistrats anglais d’autoriser de débrancher Charlie et de le laisser mourir, le Pape s’est prononcé pour soutenir les parents, l’hôpital pédiatrique du Vatican est prêt à accueillir le bébé. Même l’Eglise orthodoxe s’est prononcée pour soutenir la famille et leur droit, en tant que parents, de défendre les intérêts et les droits de l’enfant.
Mais la CEDH a suivi la position des magistrats anglais et, d’une certaine manière, reconnait que 1) les parents ne sont pas les garants des droits de leur enfant et 2) qu’il existe un intérêt supérieur de l’enfant à mourir, même lorsqu’un traitement expérimental existe. Les parents qui gardent l’espoir dans un traitement de la dernière chance seraient donc de mauvais parents, qui vont à l’encontre de l’intérêt de l’enfant. L’intérêt de ne plus souffrir. De ne plus vivre. Ils sont évidemment trop concernés, ils aiment trop. L’enfant, d’une certaine manière est collectivisé: c’est à la société de défendre froidement et rationnellement ses intérêts. Même de le laisser mourir dans son propre intérêt. Autant que cela soit possible …
Mas la décision concernant les traitements médicaux en fin de vie pour les enfants entre-t-elle réellement dans le domaine de compétence de la justice européenne – et de la justice en général?
L’on peut en douter. D’ailleurs, en lisant les décisions de la CEDH sur la fin de vie, la Cour est très mal à l’aise. Dans la décision de référence qui celle sur l’affaire Lambert, la CEDH précise qu’il n’existe pas de consensus européen sur la question, les Etats ont donc une très large marge d’appréciation. Pour la CEDH, finalement, il suffit que la question soit réglementée, d’une manière ou d’une autre, pour qu’il n’y ait pas d’atteinte au droit à la vie. L’on peut tuer selon les règles ou l’interdire selon les règles, peu importe. Ce qui montre et l’impasse dans laquelle se trouve la CEDH sur cette question et le fait qu’elle soit incompétente en la matière.
Dans cette affaire Gard, la position est la même: il y a une législation précise qui a été respectée, des expertises ont été effectuées, donc rien à redire. Chaque pays décide finalement de sa relation à la vie et à l’humain. Et ici, la Cour a raison. Mais l’on se demande alors pourquoi elle accepte l’examen de l’affaire – pour cautionner un droit à la mort?
Deux conceptions de la vie s’opposent. L’une rappelée par l’Eglise chrétienne dans son ensemble est active: il faut se battre pour la vie, tant que cela est possible. L’autre, passive, défendue par les instances laïques: si a priori les chances sont bonnes, il faut tenter quelque chose, mais tout en restant “rationnel”, sinon … et bien tant pis. Finalement, Dostoïevsky avait raison: “Sans Dieu, tout est permis”.
Car c’est bien l’enjeu de cette jurisprudence. Un monde laïque combattant, qui rejette la religion en dehors de la sphère acceptable pour la remplacer par des philosophies orientales adaptées aux besoins primaires du consommateur occidental, par un droit de l’hommisme superficiel et d’autant plus agressif qu’il est creux.
C’est l’avènement de la société post-religion. Mais cette société n’est-elle pas devenue aussi post-humaine?
Sans Dieu tout est permis. Sauf d’être Humain.
Karine Bechet-Golovko
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